Disséquons Pokémon 1 : Les versions
Introduction
Bienvenue à tous dans cette première séance de dissection !
Si vous n’avez pas encore vu la présentation de cette nouvelle rubrique je vous invite à aller la voir juste ici.
Avant que GM et moi-même entrions dans le cœur des jeux de Game Freak à grand coups de Scalpion, on va commencer par s'intéresser au fameux modèle économique des multiples versions par génération.
C’est un sujet plus complexe qu'il n’y paraît car il en englobe plusieurs.
Les origines
Commençons par un bref historique.
Merci pour le voyage Celebi
Au début des années 90, durant la conception de la première génération de Pokémon, Satoshi Tajiri a eu l’idée d’utiliser les fonctionnalités du câble link du Game Boy afin de réaliser des échanges de créatures entre deux cartouches.
GM, analyste et esquiveur de boule de feu professionnel |
Quelqu’un qui accorde Game Boy au masculin, tu vas avoir des problèmes. |
Cette idée toute bête allait constituer plus tard l’usage le plus emblématique de cet accessoire Nintendo. Mais arriva alors dans le processus de développement un personnage que vous connaissez tous de près ou de loin : Shigeru Miyamoto, le père de Mario et Zelda.
Dites vous aimez l’argent ?
Ce dernier, qui était le producteur de la série à ses débuts, proposa une idée afin de “favoriser l’intérêt” de cette mécanique d’échange : faire des versions différentes avec des créatures exclusives à certaines versions. Sur les 151 Pokémon de la 1G, 22 d’entre eux se retrouvèrent donc exclusifs à une version particulière. Et c’est ainsi que le projet Capsule Monsters devint Pokémon Version Rouge et Version Verte.
Sachez que originellement il devait y avoir 65535 versions
Arceus soit loué cela n'est jamais arrivé
Cette idée, presque innocente pour le petit studio Game Freak de l'époque, est devenue aujourd'hui un véritable emblème de la saga Pokémon … mais pour quelles raisons exactement ?
Pour commencer cela correspond à un élément qui est indissociable du RPG : l’Opposition.
L’opposition de deux forces complémentaires est un élément fondamental de bien des récits humains qui se retrouve souvent dans les RPG, un genre dont les systèmes se prêtent bien à la fois à la confrontation et à la distinction des deux forces opposées. Ainsi nous avons la Lumière et les Ténèbres dans Kingdom Hearts, la Nature et l'Industrialisation dans Final Fantasy VII, la Loi et le Chaos dans Shin Megami Tensei ou encore les Sombrages et les Impériaux dans Skyrim.
Dans Pokémon cette opposition est représentée dès les premières secondes de Rouge et Bleu durant la courte cinématique de l'affrontement entre Ectoplasma et Nidorino.
Tout n’est qu'opposition entre les deux : le combat bien évidemment mais pas que cela. Ectoplasma est sombre, bipède et attaque avec ses griffes (ce qui est plutôt cocasse car ingame et en particulier de nos jours Ectoplasma ne se joue clairement pas sur le physique) tandis que Nidorino a des couleurs claires, quadrupède et attaque avec sa tête.
Le ton est donné : l’opposition dans Pokémon se caractérise avant tout par l’affrontement entre deux créatures. Mais le jeu va plus loin que ça dans la mesure où vous, joueur, incarnez un dresseur qui commande ces créatures. Les combats ne sont donc pas là pour représenter une lutte pour la survie mais plutôt pour représenter comment, avec votre connaissance des Pokémon et votre entraînement, vous parvenez à triompher de l’adversité.
Dans la première génération cette opposition est fortement marquée avec le Rival : vous êtes Red, il s’appelle Blue (ça fonctionne mieux qu’avec Rouge et Vert, les versions d’origines); vous êtes un pur novice avec aucune connaissance des Pokémon, il est le petit fils du plus grand spécialiste de la région ; vous avez récupéré votre Starter, il prendra forcément celui qui sera supérieur au vôtre ; vous arrivez dans une arène, il en a déjà obtenu le badge ; vous arrivez enfin à bout du Conseil 4 et pensez en avoir fini, il en a déjà triomphé et est devenu Maître de la Ligue.
Cette idée de rivalité qui permet la croissance des deux forces opposées est centrale dans ce que ces premières versions de Pokémon racontent à travers leurs mécaniques, et le format éditorial des deux versions nous invite à remplacer Blue par un rival humain parmi nos amis, qui commencerait le jeu parallèlement à nous, suivrait une trajectoire similaire sur sa version subtilement différente, et avec lequel on ferait régulièrement des combats et échanges amicaux. Bref, dans cette première génération le modèle économique des deux versions est justifié du point de vue artistique car il entre en résonance avec ce que le jeu raconte et comment il le raconte. Le bénéfice commercial qui en découle, et qui n’est certainement pas accidentel, reste encore secondaire mais on se doute bien qu’il ne le restera pas très longtemps.
Trois ans plus tard, en 1999 rebelote avec Or et Argent dans lesquels 20 Pokémon sont exclusifs à une version ou une autre. C’est cette génération qui introduira le Pokémon Légendaire associé à la version qui sera visible sur les boîtes des jeux. Il s’agira des seules versions où il est possible de capturer les deux Pokémon mascottes. Le premier s'obtient lors du cheminement et l'autre au cours du Postgame.
La philosophie de la première génération reste applicable ici, mais elle y est moins appropriée, car les thématiques de Johto et le rôle donné au rival de cette 2e génération visent moins la confrontation que l’apaisement, et déjà on voit l'intérêt économique prendre le pas sur l’intérêt narratif.
Cette dualité va ensuite subir un véritable revers lors de la 3e génération avec le rôle plus important donné la version complémentaire.
Introduite dès la première génération avec Pokémon Jaune puis poursuivies quelques années plus tard sur Cristal, la version complémentaire est sensiblement identique aux deux versions précédentes mais rajoute un peu de contenu et un scénario légèrement modifié. De la même façon, le jeu possède un Pokédex tronqué de quelques espèces qui ne peuvent être obtenus que via échange avec les autres versions.
Pour revenir à la 3G, la région d’Hoenn est marquée par une dualité entre Groudon et Kyogre, terre et mer, intérêts de l’humanité et intérêts de la nature.
Les deux se font face. Une convention qui perdurera jusqu’à la 9G
Sauf qu’à l'arrivée de la version complémentaire Emeraude, elle est devenue une triade avec la mise en avant du Pokémon Légendaire Rayquaza, qui propose une position de compromis entre les deux forces qui s’affrontent et rend cette opposition obsolète - de la même manière que l’existence de Emeraude rend obsolète les deux versions qu’elle complémente. C’est le principe même qui a présidé au choix du modèle éditorial des deux versions en 1G qui est renié ici, et si on peut y voir la volonté artistique de dépasser la confrontation mise en scène dans les versions de base, il est difficile de ne pas y voir également l’influence du département marketing très intéressé à l’idée de vendre plein pot une version director’s cut aux joueurs qui ont déjà acheté la version de base.
Il est représenté de face comme Suicune dans Cristal
Depuis lors Game Freak est resté dans l’idée de complémenter ses deux versions de base avec une troisième version, ou des suites, ou des versions alternatives, ou des DLC, centrés sur un troisième Pokémon Légendaire, mais celui-ci n’a plus jamais eu un rôle de synthèse et de dépassement de l’opposition comme c’était le cas pour Rayquaza. Ils s’agit plutôt de fléaux surnaturels comme Necrozma dans Ultra Soleil et Ultra Lune, Éthernatos dans Epée et Bouclier (qui possède ce rôle d'office car il n'y a pas de version complémentaire pour la 8G et il n’y en aura, à priori, plus jamais). Ou ils peuvent être un peu à la frontière entre les deux comme Giratina (Platine et Légendes Arceus) et Kyurem dans Noir 2 et Blanc 2.
Ah oui y a Zygarde aussi
Cette dualité sera à nouveau au centre du scénario de la 5G avec avec la confrontation finale face à N ; il possède le légendaire opposé au vôtre pour un clash qui oppose les notions de Réalité et d'Idéal, le Yin et le Yang. Mais la résolution de ce combat vous prouve la futilité de ce dernier : vous n'êtes pas opposés, vous êtes complémentaires et tous deux unis contre la mégalomanie et la froideur inhumaine de Ghetis.
Pour résumer, cette opposition s’est donc fortement incarnée à travers les Pokémon Légendaires depuis la troisième génération, mais elle a également perdu du sens tandis qu’on progressait dans la série et que la volonté de proposer toujours plus de versions et de légendaires diluait cette opposition fondamentale. D’autres traces de celle-ci subsistent et on aura l’occasion d’y revenir quand nous aborderons les thématiques de chaque opus, comme le fait que Hoenn dispose de 17 routes terrestres et de 17 routes maritimes, ou que le Mont Couronné coupe Sinnoh en deux blocs, personnifiés par la famille de Sancoki et Tritosor qui existe en deux formes : Occidental et Oriental, mais ces éléments sont de l’ordre de l'anecdote par rapport à l’importance thématique des Pokémon Légendaires. La séparation en deux versions est donc justifiée narrativement et thématiquement sur le papier pour la série Pokémon même si la pertinence de cette distinction s’est amoindrie au fur et à mesure de l’histoire éditoriale de la série.
Vous vous en doutez, les choses ne sont pas aussi simples et il y a une douille quelque part. Pourquoi avons-nous choisi de parler des versions ? La réponse est simple et tient en trois mots : Remplir le Pokédex.
Attraper les tous ? Oui mais à quel prix ?
On reviendra plus en détail sur cette quête du 100%, sur ce qu’elle implique, quand on abordera les contenus du Postgame. Pour l’heure on va se focaliser sur un élément : les échanges.
Pour compléter votre Pokédex il faudra attraper et faire évoluer des Pokémon. Parmi eux certains nécessitent d’être échangés pour évoluer, mais pas seulement : comme dit plus haut certains Pokémon sont exclusifs à une version précise donc pour tous les avoir, le jeu va vous imposer de faire des échanges.
Et ceci … M’HORRIPILE et ce depuis mes débuts dans la saga.
Pokémon DOIT cesser de mettre des Pokémon exclusifs dans chaque version, voire se contenter d’une version unique et mettre des outils à disposition pour faire évoluer les Pokémon qui évoluent avec cette mécanique. Point.
Pourquoi ça ? Eh bien déjà parce que c’est ce qu’on appelle de la rétention de contenu. Pokémon est certes un RPG ayant des fonctionnalités en ligne mais ce n’est pas un MMORPG tournant autour de ces fonctionnalités, qui ont toujours été présentées comme venant complémenter une aventure solo.
De ce fait, tout ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif du Pokédex complet mis en avant dès le départ SE DOIT d’être accessible sans avoir recours au Online, qui rappelons-le est payant sur Switch. Ne serait-ce que parce que ça n’a aucun sens diégétiquement parlant de donner une quête pour remplir une encyclopédie de la faune et la flore locale si cette dernière n’est pas présente dans la région. Que des Pokémon soient plus rares que d'autres, admettons, mais quelle est l’excuse pour ceux qui ne sont pas capturables du tout sur une cartouche ? Ils viennent pourtant de la même région et parmi les dresseurs que vous affrontez certains peuvent les avoir. Alors pourquoi ?
Ces Pokémon exclusifs génèrent, selon moi, 2 problématiques qu’on ne peut se permettre d’ignorer.
L'impact social
Certains d’entre vous sont peut-être en train de penser :
“Oui mais que fais-tu de l'aspect social de l'échange ? Les Pokémons exclusifs à chaque version sont là pour pousser les petits nenfants à interagir entre eux pour s’échanger les créatures qui leur manquent !”
Regardez-moi droit dans les yeux
Bon vous ne me voyez pas donc prenez cette image de Komi à la place
L’aspect social des échanges de Pokémon est uniquement basé sur une relation de service : elle existe parce que vous avez un besoin à combler.
Combien parmi vous ont pu nouer de véritable liens amicaux en faisant des échanges sur Pokémon ? Si encore je peux le concevoir à l'époque où le Game Boy n'était pas interdit à l'école, aujourd'hui à l'ère des consoles connectées où il n'est même pas nécessaire de se rencontrer en face, cet argument perd immédiatement toute valeur.
Le fait d’imposer cette mécanique soulève aussi une problématique dans le cas d'un échange Pokémon où les intérêts des deux individus sont déséquilibrés.
Un exemple classique : vous avez besoin de faire un échange pour faire évoluer votre Spectrum en Ectoplasma. Si votre partenaire d'échange ne joue pas le jeu, ne comprend pas votre intention ou simplement est un abruti égoïste, il peut très bien s’en aller avec votre ectoplasma sans vous le rendre.
Je précise que je ne condamne pas l’existence des échanges, je condamne leurs obligations d’utilisation pour compléter le jeu.
Mais admettons. Si vous acceptez de jouer le jeu de Game Freak et faire des échanges pour compléter le Pokédex, vous allez très vite en voir l’impact sur votre porte-monnaie.
L'impact financier
Pour vous donner un ordre d'idée, on va faire une petite démonstration. Mettez vous à la place d’un joueur de Pokémon Cristal au début des années 2000.
D’après vous, de quoi avez-vous besoin au minimum pour compléter le Pokédex de Pokémon Cristal dans l’hypothèse où vous êtes tout seul à jouer ?
Bon déjà il va vous falloir un Game Boy Color et Pokémon Cristal évidemment.
On ne va pas revenir en détail sur toutes les mécaniques qu'il faut prendre en compte pour récupérer les 223 Pokémon présents dans Cristal, et on va plutôt s’intéresser aux 28 casse-pieds qui n’ont pas daigné faire le déplacement.
Parmi les Pokémon absents sur cette cartouche on en compte une dizaine qui ne peuvent être obtenus que via échange avec une version Or ou Argent. Cette version vous permettra de récupérer entre autres les starters de Johto qui vous manquent en recommençant la version une fois (on ignore les divers glitchs qui permettent de cloner des Pokémon si vous le voulez bien) et récupérer les Pokémon de Johto qui n’ont pas été inclus dans Cristal, à savoir Girafarig, la famille de Rémoraid et celle de Wattouat.
Un membre du staff anonyme et fan de Wattouat |
C'est une HONTE ! ILS SERONT BRÛLÉS DANS LA MARMITE POUR AVOIR FAIT ÇA ! |
Enfin les starters, les fossiles et les Pokémon Légendaire de Kanto ne peuvent être obtenus que via une version de première génération. Il vous faudra donc aussi une version Jaune (qu’on privilégiera à Rouge et Bleu car on peut y récupérer tous les starters en une partie. Merci Sacha). Malheureusement comme la version Or/Argent vue plus haut, il vous faudra tout de même recommencer le jeu une fois pour récupérer le deuxième fossile qui vous manque et aller JUSQU'À Cramois'île pour le régénérer.
Il y a aussi Celebi mais on reviendra sur son cas une prochaine fois (et aussi parce que le Pokédex est considéré comme complet à 250)
Cette quête du 100% nécessite donc tout compte fait au grand minimum 3 cartouches différentes sur 2 générations, un cable link, et une deuxième console achetée/empruntée/volée à un ami ou un membre de votre famille. Et ne croyez pas un instant pouvoir vous en sortir juste en faisant des échanges à droite à gauche avec vos connaissances qui jouent à Pokémon - il manquera toujours un starter ou un fossile à la con si vous n’approchez pas ce 100% de manière méthodique.
Est-ce que vous commencez à vous rendre compte à quel point il y a abus ?
On a pris la 2ème génération à titre d’exemple car les échanges nécessaires y sont faciles à lister, mais comprenez bien que c’est un phénomène qui n’a fait que s’intensifier au fur et à mesure de la série jusqu’à atteindre des proportions absurdes !
En 3G la non rétrocompatibilité avec les jeux précédents a poussé Game Freak à intégrer les Pokémon de Johto dans les versions Rouge Feu, Vert Feuille et Emeraude. Il fallait donc pas moins de 5 jeux GBA pour compléter son Pokédex national de 3G, qui comprenait des horreurs sans nom comme les starters 2G (on pouvait en choisir un parmi les 3 dans Emeraude après avoir rempli le Pokédex régional !) et les Félins Légendaires (un seul des trois apparaissait en tant que fuyard dans RF/VF en fonction de votre starter après avoir battu la Ligue et qui pouvait disparaître définitivement du jeu en utilisant Hurlement !) - ce qui nécessitait dans les deux cas de très nombreux et longs resets… Ou de passer à la caisse et d’acheter Pokémon Colosseum et un adaptateur GBA/Gamecube !
Les joueurs de la 3G se remémorant leurs souvenirs des Félins Légendaires et des starters de Johto
À partir de la 4G la quête du 100% commence à faire intervenir des jeux sur plusieurs générations et plusieurs consoles et la multiplication du matériel nécessaire et des contraintes commence à donner le vertige. Non seulement des cartouches 3G étaient obligatoires pour finir Platine (en plus de Perle et Diamant !) mais en plus de ça il fallait passer par le Parc des Amis qui transférait des Pokémon en utilisant le port cartouche GBA de la Nintendo DS… chose que vous ne pouviez pas faire si vous aviez une DSi (Et devinez quoi ? J’avais une DSi).
Hmm ? La GTS ? Le service qui permet d'échanger des Pokémon gratuitement avec des joueurs du monde entier ? Effectivement c'était une alternative à l'époque (quand le joueur qui proposait le Pokémon de votre convoitise ne demandait pas en échange un énième Fabuleux) hélas les serveurs de la DS ne fonctionnent plus aujourd'hui.
Et c’est en 6G qu’est arrivé la Banque Pokémon sur 3DS et son abonnement payant suivi en 8G du Pokémon Home et de l’abonnement au Nintendo Online sur Switch - des dispositifs visant à monétiser le fait de conserver et transférer entre plusieurs générations des Pokémon, et la seule raison pour laquelle ce n’est plus complètement nécessaire aujourd’hui pour compléter le Pokédex national… c’est qu’il n’y a plus de Pokédex national.
Au point où nous en sommes, il devient difficile de nier que la quête du 100% dans Pokémon est, depuis longtemps, conçue comme une manière de nous faire raquer de la thune, et ce de manière insidieuse car l’investissement financier que nous allons devoir mettre pour remplir les quelques dernières cases qui nous manquent n’est jamais clair.
Au cas où vous trouviez que j'exagère, voici pour l’exercice intellectuel un petit élément de comparaison - un petit jeu sorti en 2011 qui n'a pas fait beaucoup de bruit … Connaissez-vous Dark Souls ?
C'est une série d'action RPG créée par From Software dont le principe est d'évoluer dans un royaume avec une population disons …
… plutôt hostile.
Si on y joue majoritairement en solo, la série d'Hidetaka Miyazaki est aussi marquée par ses composantes de jeu en ligne. Ces features en ligne comprennent plusieurs choses mais on va surtout s'intéresser ici aux systèmes d'invocation/invasion et de serment. Si vous galérez trop dans une zone ou contre un boss vous pouvez chercher des marques sur le sol laissées par d'autres joueurs qui vous permettront de les invoquer dans votre partie le temps de finir la zone et de rosser son boss. Pour utiliser les invocations vous devez consommer une ressource trouvable un peu partout qui vous "mettra en ligne" mais par la même occasion cela aura pour effet d'attirer les envahisseurs, des joueurs PVP qui n'ont qu'un seul objectif : vous tuer.
Les serments sont des extensions de ce système d'invocation et d'invasion. Ce sont des factions de cet univers auxquelles on peut adhérer qui ont chacune leurs spécialités : les Guerriers Solaires aident les joueurs en difficulté, les Spectres Sombres sont des tueurs de joueurs et les Lames de la Lune Noire sont des justiciers qui traquent les joueurs qui en ont assassiné d'autres.
En remplissant l'objectif de leurs serments les joueurs reçoivent une médaille de serment qui peut s'échanger contre des récompenses uniques : armes, armures et sorts, qui sont nécessaires si on veut compléter le jeu à 100%.
Mais le point important par rapport au propos de cet article est que ces médailles peuvent être récupérées en hors ligne en farmant certains ennemis, ce qui permet aux joueurs de compléter leurs parties sans jamais avoir recours à ces fonctionnalités.
Et c'est une bonne chose.
Ça permet d'éviter d'avoir à payer un abonnement, qui est beaucoup trop cher sur les consoles de Sony et Microsoft, et surtout on évite le problème de l'inévitable fermeture des serveurs du jeu et par extension des serveurs des consoles.
Ce qui est déjà plus ou moins arrivé : peu de temps avant la sortie d'Elden Ring, le dernier jeu du studio en date, une faille très dangereuse à été découverte dans les versions PC des trois opus de la série, ce qui a amené les développeurs à désactiver les serveurs le temps de corriger la faille.
Malgré le problème que représentait la fin du service en ligne qui faisait partie intégrante du jeu, il n'empêchait pas pour autant la complétion du jeu à 100%.
Conclusion de l’exposé : From Software respecte mieux ses joueurs que Game Freak.
Quelles alternatives ?
Comme dit plus haut l’idée de deux jeux par génération est appropriée tant qu’elle est soutenue par la narration et les systèmes ; en revanche l’idée de Pokémons exclusifs est purement un dispositif commercial qui n’a pas d’intérêt artistique et qu’on aimerait voir disparaître.
Si le Légendaire de la version doit être capturé au cours du scénario, le second pourrait être récupéré pendant le Postgame comme ce fut le cas avec Ho-Oh et Lugia dans Or et Argent. Il pourrait en être de même pour les deux autres starters qui pourraient être récupérés lors d’une quête annexe.
Ainsi les versions n’auront plus cette différence fondamentale en termes de Pokémon disponibles. Les différences pourraient se concentrer sur des boss exclusifs comme dans Épée et Bouclier, ou la nature des antagonistes comme dans Rubis et Saphir, ou des environnements distincts comme dans Noir et Blanc : les idées pour appuyer cette notion de dualité ne manquent pas.
Ou alors encore plus radical : Une seule version à chaque génération. Ainsi comme dans Légendes Arceus tous les Pokémon seront récupérables à l'état naturel puisque pour les Pokémon évoluant par échange un objet est disponible en jeu permettant de déclencher ce type d'évolution.
Après tout, tous les scénarios de Pokémon n’exploitent pas spécialement l’idée de dualité, et certaines générations (notamment la 6ème, la 2ème et la 4ème) auraient très bien pu se contenter que d’une version complémentaire.
Les échanges entre les joueurs seraient conservés car ils font partie de l'expérience initialement imaginé par Tajiri mais ne seront plus obligatoires pour la complétion du Pokédex.
Il faut aussi mentionner la fonctionnalité de coopération d'Écarlate et Violet : bien qu'on n'échappe pas aux Pokémon exclusifs dans ces versions, cette mécanique permet de visiter une partie d'un autre joueur et de rencontrer les Pokémon exclusifs à sa version. C’est une alternative aux échanges sympathique bien qu'hélas encore une fois dépendante des fonctionnalités multijoueurs.
Conclusion
On a donc vu que le modèle économique des versions est basé sur une thématique d’opposition qui reste présente en filigrane dans certains opus de la saga. Ce modèle présente des problèmes car il agit sur une forme de rétention de contenu à travers les Pokémon disponibles dans chaque jeu et qui force les joueurs à utiliser les fonctionnalités en ligne payantes pour répondre aux besoins des collectionneurs et des shasseurs de chromatiques alors que des solutions existent et qui ont été faites dans des jeux de la saga ou dans d’autres licences.
Alors est-ce qu’on est au moins sur la bonne voie pour Pokémon ?
Malheureusement …
Game Freak et The Pokémon Company ne semblent pas être intéressés par le fait de rendre leur modèle économique plus honnête pour ses joueurs et les obligent à passer par les fonctionnalités en ligne et donc un abonnement s'ils veulent espérer compléter le jeu à 100%.
La situation s’aggrave même ces dernières années avec le passage obligatoire par la Banque Pokémon (payante jusqu'à présent et dont l'application ne sera plus accessible en mars 2023 alors dépêchez-vous de la télécharger), les Pokémon exclusifs au jeu en ligne Pokémon GO, le Mew exclusif à l’accessoire Poké Ball pour Let’s Go… La volonté semble être au contraire de monétiser un maximum l’accès à un Pokédex complet.
Il y a fort à craindre, hélas, que nous soyons en train de crier dans le désert et que les intérêts économiques associés au modèle des deux versions (+ complément) et de la monétisation du Pokédex soient simplement trop importants pour être dépassés.
Merci à tous pour avoir lu ce premier épisode de Disséquons Pokémon. Nous espérons vous retrouver pour le deuxième article qui sortira dans… quelques temps et qui portera sur les techniques narratives employées dans la série et leur évolution !
Suffisait de mettre un poké exclu de ta version contre un de l'autre et hop, dans l'heure meme pas tu avais l'échange d'effectué. Maintenant tu as meme plus la GTS. Les échanges d'EV se font quasiment à l'aveugle (tu ne sais qu'au dernier moment ce que le mec te propose en face, la surbrillance indiquant les poké que l'autre n'a pas bug par moment). Paradoxalement, on perd de la fonctionnalité online pratique en échange d'une fonctionnalité online brouillonne qui t'oblige à avoir des amis IRL qui joue au jeu afin de ne pas se faire filouter en online.