Ceci n'est pas une fiction, mais une histoire qui s'est déroulée il y a quelques années de cela dans l'Arizona. Un éminent scientifique, reclus de toute civilisation, avait fait de sa maison son lieu de travail, et de son jardin un colin expérimental. La mort de sa femme l'année passée le consumait chaque jour un peu plus, faisant de lui un homme solitaire et muet, qui l'avait rendu hostile à toute sorte de vie. Son fidèle Baagy, un Caninos au dents longues, l'avait même quitté pour de l'herbe plus verte, dans une autre contrée. Sa femme morte, son chien parti, il ne lui restait sa maison, et son vaste terrain. Il était seul. Constamment assis en face de son PC, il regardait en bas à droite de son écran les heures qui passaient. Les jours qui défilaient, les années qui fuyaient. Il écrivait ses mémoires, mangeait des conserves, surfait sur la toile, regardait par la fenêtre pensivement, piquait un somme pour ensuite recommencer le cycle lassant et habituel. Il se laissait doucement mourir.
Un jour – allez savoir pourquoi – il a crié « STOP ». Oui : seul, dans sa maison, dans son désert, il a dit stop, instinctivement. Il est sorti de sa maison pour la première fois depuis des lustres, et il a marché dans ce relief accidenté que l'on peut voir dans les bons western d'Eastwood. Du sable et de la roche à perte de vue, et des montagnes au loin. Il a pivoté sur lui-même, et naturellement, l'inspiration lui vint. Comme s'il n'avait jamais cessé de réfléchir durant tout ce temps.
Il retourna chez lui, se remit devant son ordinateur et créa un nouveau programme, qu'il baptisa Porygon (l'origine du nom nous est inconnue). Ce programme était pour lui ce qu'est une fenêtre pour un voleur : une issue de secours. A défaut de ne plus avoir de femme ou d'animal de compagnie, il aurait la bête parfaite, capable de communiquer, d'avoir des sentiments, de vivre à ses côtés.
Il y mit toute son énergie et toute son âme pour venir à bout de ce programme, sacrifiant des journées entière et sautant même des repas. Il commença tout d'abord par la forme de ce que sera la bestiole, s'inspirant un peu de son Caninos - sauf que sans tablette graphique digne de ce nom, il ne put pas en refaire la copie conforme. Il se rendit compte alors que son Caninos était finalement tout à fait remplaçable. Petite parenthèse mise à part, il continua la fabrication de l'engin en lui donnant des caractéristiques, des sentiments, de quoi attaquer et de quoi se défendre. Il lui intégra deux écrans pour les yeux, une carte mémoire en lieu et place du cerveau, et une copie de son disque dur pour cœur. Le Porygon avait été créé.
Il fut heureux. Il re-goûta à la vie, se sentit plus fort. Il avait pu remplacer les êtres qui lui étaient chers par ce robot. Mais cela ne dura pas longtemps. Le savant, toujours en quête du meilleur, se lassa vite. Alors il se remit à taffer, encore plus vite, avec plus d'ardeur que la première fois, pour créer un software complémentaire qui ferait évoluer, en quelque sorte, le Porygon. Il serait plus performant, plus efficace. Les nouvelles technologies aidant, il put développer plus facilement et plus rapidement ce nouveau logiciel. Son acharnement le rendit presque fou. Lorsqu'il eut fini son travail, il était à l'agonie, mais il avait fini. Il installa la seconde version du Porygon sur la première, et renomma donc son invention « Porygon2 ».
Il ne testa même pas cette version de sa créature parfaite. Notre scientifique était resté mué dans ce désir de renouvellement et de développement, et était déjà reparti pour une autre version. La conception était différente des deux premières fois : il ne mangeait plus, ne se lavait plus, ne marchait plus dehors ; ne vivait plus. Amaigri, il continuait sans cesse l'expansion de sa machine, l'améliorant dans les moindres détails, aussi futiles pouvait-ils être. Son appétit d'enchérissement l'aveuglait, et peu-à-peu, son idéal changea. Ses pensées devinrent plus abstraites qu'avant. Il ne créait plus selon un modèle, il peignait comme si le Porygon2 eut été une œuvre d'art. Il accordait beaucoup d'importance à la moindre broutille, à une quelconque vétille... Le pauvre homme y passa les deux années qui suivirent pour parachever la version finalisée de son invention. Lorsqu'il eut fini, une larme roula sur sa joue, et il s'endormit dans un dernier repos. Le sommeil du juste. L'étincelle que l'on pouvait percevoir dans l’œil du scientifique s'était éteinte.
L'homme fut découvert quelque jours plus tard par un pur hasard – des pseudo-explorateurs qui « visitaient » l'Arizona. L'érudit reçu une sépulture digne de ce nom. L'expérience Porygon fut retrouvée, dans une autre pièce. Celle-ci fut ramenée dans un centre d'étude technologique, qui nommé la machine Porygon-Z, signifiant que c'était la dernière version que le scientifique avait pu faire.
Le Porygon-Z fut dupliqué en plusieurs exemplaires, qui sont maintenant téléchargeables via le net.
Rédigé par Mysdi If