07 juin 2014, 00:22
J'voulais prendre le tram pour rentrer de Bordeaux après m'être posé dans des bars pour les 18 ans d'une pote. Je suis posé tranquille sur les bancs à côté, lorsque t'as un clodo qui demande une clope à une nana. Un type bien louche d'apparence qui n'articule pas. Il a un accent un peu anglais, je sais pas. Il était bizarre. Donc le gars s'assois à côté de moi et commence à me causer. Je comprends pas à un mot de ce qu'il me raconte, il me parle de dépasser la pensée. Il me parle de Pink Floyd. Il a un regard bleu, profond, d'illuminé. Il entame ce que je crois être le refrain d'une chanson de Pink Floyd en sifflant. Il me parle de Descartes, de Shakespeare, et de leur logique de "double face", qui selon lui s'appliquerait à la société d'aujourd'hui. Il reprend sur Pink Floyd, disant que ces gars-là avaient de l'avance sur leur époque, que leurs sons propulsaient au sommet de l'univers. Il me demande, sans rapport direct avec ce qui précède, mon signe astrologique. Lion. Lui, cancer. On est à l'opposé de la Lune, il me dit. Le mec me propose de boire dans sa bière. Je refuse.
Le tram arrive, je monte, je tente de lui glisser un "bonne soirée" mais non, le type monte avec moi. Il reprend sur Descartes et Shakespeare, je comprends pas trop. Il entame une description de Socrate, et me dit que ce gars-là, il était pur et authentique. Que la société d'aujourd'hui, c'était de la merde. Que c'était un peu comme une pièce, où l'on joue un rôle factice — ce qui, pour lui, se rapportait d'une quelconque façon à celles de Shakespeare. Il reprend sur Socrate, condamné et mort pour avoir défendu ses idées, pour avoir été vraiment qui il était.
La suite je ne m'en rappelle plus vraiment. J'acquiesçais, j'étais un peu mal à l'aise en fait, je m'attendais pas à tomber sur un clochard, me parlant de philosophie apparemment beurré. Mais ce mec avait un regard spécial, vrai. Je sais pas. Ses yeux bleus avaient quelque chose de pétillant. Je devine aisément que ce type a dû avoir été vraiment cultivé, peut-être prof ? Je me surprenais à imaginer son passé, son hypothétique métier, sa vie, et sa décadence jusqu'à maintenant. J'arrive à Peixotto, je dis au type que je dois y aller, et que je lui souhaite une bonne soirée, pour de bon cette fois. Le gars me fait une accolade, pourquoi pas. Je descends du tram, il flotte dur et y'a un orage de fou. Burial et Four Tet jouent Moth dans mes oreilles. De circonstance. J'arrive à mon arrêt de bus. Les gens, qui attendent, ce sont mis à l'abris sous un espèce de toit, derrière l'arrêt. Je fais de même. Un noir, apparemment lui aussi un peu def, commence à me causer de la pluie, "et tout", et que la vie n'est pas toujours comme on le souhaite, tranquille, "et tout". Le mec me touche le bras, comme pour m'appeler. Je le regarde, penaud, il ne réagit pas. Il sourit bêtement, il a un petit rictus.
Le bus arrive, et je rentre chez-moi.
et là ben je vous écris ça, sûrement encore un petit peu déchiré, parce que merde des fois c'est bizarre