En attendant, amusez-vous bien.
Prologue
Prologue
Extrait du Carnet de Voyage de Fumseck
« Au fil des années, j'ai longtemps arpenté les routes et les sentiers de la Terre de Fangh afin de parfaire mon art de combat avec deux haches et en apprendre un peu plus sur ce monde, histoire de faire découvrir à mon peuple de nouvelles choses et de gagner ma propre place dans l'histoire des nains. A la base, je n'avais fait que partir sur les routes suite à une mésaventure que je vous conterais plus tard, mais au final, ce voyage se transforma en une véritable quête dans laquelle on peut dire que les nains ont joué un grand rôle. Suite à une série d'évènements, j'avais fini par former avec quatre autres personnes une compagnie d'aventuriers, un peu bizarre aux yeux du monde mais ce n'était pas vraiment un souci car en général, ceux qui se moquaient de nous, l'autre bourrin du groupe et moi finissions par lui pourrir la tronche à coups de sabre et de hache, ce qui était la plupart du temps suffisant pour inciter nos autres détracteurs à nous ficher la paix. Nous voyagions donc à travers la Terre de Fangh pour diverses missions en apparence ordinaires, comme des récupérations d'objets, des nettoyages ethniques pour employer une version correcte pour l'extermination d'orques et gobelins, des escortes de marchands dans des zones ou même de véritables enquêtes dans certaines villes. Mais tout ça, sur le fond, c'était objectivement de la franche rigolade à côté de ce qu'on nous proposa un jour : la mission qui allait nous faire entrer dans la cour des grands. Et c'est justement suite à cette mission que nous avons choisi le nom de notre compagnie, celui auxquels seraient associés tous nos exploits. Laissez-moi donc vous raconter l'histoire de la compagnie des dingues. »
Extrait du Carnet de Voyage de Fumseck
« Au fil des années, j'ai longtemps arpenté les routes et les sentiers de la Terre de Fangh afin de parfaire mon art de combat avec deux haches et en apprendre un peu plus sur ce monde, histoire de faire découvrir à mon peuple de nouvelles choses et de gagner ma propre place dans l'histoire des nains. A la base, je n'avais fait que partir sur les routes suite à une mésaventure que je vous conterais plus tard, mais au final, ce voyage se transforma en une véritable quête dans laquelle on peut dire que les nains ont joué un grand rôle. Suite à une série d'évènements, j'avais fini par former avec quatre autres personnes une compagnie d'aventuriers, un peu bizarre aux yeux du monde mais ce n'était pas vraiment un souci car en général, ceux qui se moquaient de nous, l'autre bourrin du groupe et moi finissions par lui pourrir la tronche à coups de sabre et de hache, ce qui était la plupart du temps suffisant pour inciter nos autres détracteurs à nous ficher la paix. Nous voyagions donc à travers la Terre de Fangh pour diverses missions en apparence ordinaires, comme des récupérations d'objets, des nettoyages ethniques pour employer une version correcte pour l'extermination d'orques et gobelins, des escortes de marchands dans des zones ou même de véritables enquêtes dans certaines villes. Mais tout ça, sur le fond, c'était objectivement de la franche rigolade à côté de ce qu'on nous proposa un jour : la mission qui allait nous faire entrer dans la cour des grands. Et c'est justement suite à cette mission que nous avons choisi le nom de notre compagnie, celui auxquels seraient associés tous nos exploits. Laissez-moi donc vous raconter l'histoire de la compagnie des dingues. »
Chapitre 1
Chapitre 1 : rendez-vous inattendu à Mliuej
Où on arrive et on réunit en prison
L'art de la coordination dans une compagnie dépend de plusieurs facteurs tels que les affinités existantes entre les membres d'une compagnie et surtout la composition de l'équipe, parce qu'en général c'est l'association des talents des membres qui va faire leur système relationnel. Dans cette logique, les compagnies se forment donc sur des critères destinées à coordonner efficacement les équipes tels que le métier, la race ou même l'origine sociale et la religion. L'exception la plus courante à ce principe de formation de compagnie est le rendez-vous auquel différentes personnes ne se connaissant pas doivent se rendre sur ordre du commanditaire, aussi nous n'en parlerons pas parce que ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé ici.
Mliuej. La cité naine ayant basé sa puissance sur la production et la vente de bière à travers la Terre de Fangh, ce qui a fait apparaître dans les mémoires un des stéréotypes les plus connus sur les Nains, stéréotype que les Nains ne cherchent pas vraiment à combattre puisque ça leur fait de la publicité gratuite pour leur activité. A la base exclusivement composée de Nains, la ville s'est peu à peu ouverte à l'extérieur et on retrouve diverses races qui se côtoient dans la ville, puisque ça fait marcher les affaires. Ainsi, plusieurs tavernes sont apparues afin de satisfaire le maximum de clientèle : taverne avec chaises basses pour les Nains, taverne résistante pour les ivrognes aimant se battre après une bonne cuite, taverne sombre pour mettre en place des complots et surtout la taverne par excellence, celle pour les missions d'aventuriers.
La Taverne du Clou Rouillé était une taverne relativement calme, la clientèle ayant un minimum d'éducation et le barman ayant l'habitude de couper efficacement sa bière avec de l'eau afin de prolonger les stocks, augmenter ses profits et surtout maintenir les clients suffisamment sobres pour qu'ils aient envie de continuer à consommer. Contrairement à la taverne de base, il n'y avait pas de scène pour faire entrer divers artistes, ça ne servait à rien et ça coûtait cher. Il y avait cependant un étage qui faisait office d'auberge à condition que l'on y réserve sa chambre à l'avance, car elles étaient réputées bien entretenues. Chez les Nains, la réception des invités qui payaient en règle leur addition était de rigueur, même si la plupart des gens informés savent que l'arnaque est également une tradition chez les Nains, puisque leur attirance pour les métaux les pousse à en extorquer un maximum aux autres. Bien sûr, ce n'est pas comme à Waldorg où tout est fait pour puiser un maximum d'or aux contribuables, mais là la politique monétaire est bien encadrée. Les Nains ne prendraient pas le risque que la valeur des métaux se dévalue suite à une arrivée en masse sur le marché, ça plomberait leur commerce et diminuerait les stocks appartenant aux Nains, ce qui serait vécu comme un drame national car en six millénaires d'exploitation, jamais un seul entrepôt minier nain n'avait connu de revue à la baisse des stocks.
C'est à cette taverne qu'arriva un nain guerrier appelé Fumseck. Il avait passé une bonne partie de sa vie dans les mines de Jambfer à faire marcher l'exploitation familiale mais il avait fini par prendre la route sur un malentendu familial. Au niveau physique, il se démarquait de la moyenne des nains puisqu'il possédait des jambes assez musclées, ce qui surprend en général, une barbe brune bien taillée de façon à s'arrêter au niveau du nombril, deux bras robustes et des yeux marron clair qui donnaient l'impression que le gars n'était pas vraiment amateur. Pour le reste, il se trimballait un casque en fer de facture correcte, un plastron de protection efficace qui avait fait ses preuves (enfin, c'est que le marchand qui lui avait vendu disait), des bottes en cuir quasiment neuves, puisqu'il devait en changer régulièrement à cause de l'usure et des gantelets en cuir destinés à protéger des poignets en cas de souci. Mais surtout on le remarquait à ses deux haches qu'il gardait en permanence derrière son dos, ce qui inquiétait la plupart des passants vu qu'en général les nains guerriers présentant une forme d' ambidextrie étaient connus pour ne pas faire de scrupule à utiliser leurs talents pour se débarrasser d'un problème quelconque. Dès qu'il arriva, il alla commander un tonnelet de bière et un terrine au gibier au patron puis se cala à une table suffisamment éclairée pour permettre une réflexion tranquille et la lecture de son manuel Maîtriser son ambidextrie, un ouvrage pour les guerriers qui se transmettait de père en fils dans sa famille jusqu'à ce qu'il se barre avec au moment de son départ. De son point de vue, il était mieux entre ses mains puisque ses frères étaient trop idiots pour comprendre que sortir dehors pour extorquer de l'or aux autres était plus facile que la mine, l'exploitation minière dépendant de la qualité et de la taille des filons alors que l'aventure était un business continu et rentable pour tout le monde quand on savait se renseigner.
Une heure plus tard, une dizaine de joyeux fêtards se ramena à la taverne avec l'intention de vider le stock de bière, ce qui agaça le nain puisqu'il préférait rester au calme, puis un second voyageur inattendu.
C'était un barbare plutôt étrange, il n'avait pas beaucoup de charisme, mais semblait néanmoins se déplacer assez vite, même pour un barbare. Pour son apparence, il était évidemment blond comme 90% des barbares, mais avait des yeux vert clair, ainsi qu'une musculature davantage destinée à la souplesse qu'à la force brute, ce qui prouvait qu'il avait passé beaucoup de temps au contact de la civilisation, sinon il restait comme tous les membres de sa tribu un gros bourrin sans cervelle. De plus, il semblait assez perspicace et parfois en le regardant dans les yeux, on se surprenait à penser qu'il avait développé son propre système de philosophie de vie. Au niveau de son équipement, il possédait une veste en toile légère, un pantalon en cuir d'auroch ainsi qu'une paire de bottes dissimulant à peu près son odeur. Enfin, il présentait un sabre bien aiguisé attaché à une ceinture de métal, et le sac à dos qu'il portait semblait disposer d'un matériel suffisant pour voyager tranquillement. Autant dire que ce n'était pas une petite frappe. Il alla également se commander un bon repas auprès du tavernier puis alla s'asseoir à la table de Jethenix puisque les joyeux drilles à côté n'étaient visiblement pas de bonne compagnie, d'autant plus que la débauche était quelque chose qui énervait pas mal de monde dans le bar. Quelques minutes passèrent puis le barbare se décida à engager la conversation.
« - Salut. Tu es nouveau ici?
- Pas vraiment, ça fait quelques temps que je traîne à Mliuej pour le travail.
- Quel genre de boulot?
- Protection et récupération, c'est assez calé et ça paye bien. Tu t'appelles comment?
- Dumlor. Et toi?
- Fumseck. Tu travailles dans quoi toi?
- J'ai pas vraiment de boulot . Disons que je travaille à mon compte. Parfois pour d'autres personnes, mais pas souvent.
- C'est-à-dire?
- Récupération d'objets précieux pour vente.
- Je vois. Ça paye bien?
- Oui, je m'en sors comme je peux.
Pendant qu'ils discutaient de leurs activités respectives, la consommation aux autres tables avait subitement augmenté, les clients prétextant que ce n'était pas de la bière efficace. Ils étaient beaucoup trop sous l'effet de l'alcool pour s'apercevoir qu'elle était coupée. En fait, leur comportement se rapprochait plus de la beuverie pure que la consommation de bière.
- Franchement, ces gars-là sont des gros abrutis, reprit Fumseck en parlant de ceux-ci. Chez nous les Nains, peut-être qu'on consomme beaucoup de bière mais pas comme ça, c'est plus pour la bonne ambiance et les relations sociales, pas de l'ingurgitation pure sans raison.
- Oui, c'est vrai que c'est con. Après, ils savent plus profiter.
- Là, je suis parfaitement d'accord. De toute façon, ça se voit que ce sont des grosses barriques dont on devrait se débarrasser en vitesse.
Cette dernière phrase n'échappa pas à l'un des ivrognes qui se ramena à la table des deux compères en titubant.
- Ehhhh, toi, qu'est-ce tu dis sur nous, enfoiré de nain? On boit donc on cause pas de blem, nabot, donc nous insulte pas.
- De quoi tu viens de me traiter là? S'énerva Fumseck, dont la voix venait de monter d'un cran, ce qui n'échappa à personne dans la taverne. Vous faites tous chier à boire comme des porcs, ce qui emmerde tout le monde, et en plus tu te permets de m'insulter. Pour qui tu te prends?
Cette tentative de moralisation fut applaudi par une partie de l'assistance, vu que la plupart des clients sobres de la taverne était sur la même longueur d'onde, le reste se foutant un peu de ce qui se passait.
- Ah, mais t'es vraiment un gros abruti d'enflure, toi. Tu fais quatre têtes de moins que moi et tu te permets de me faire la morale, gamin avec barbe fausse?
Là, il venait de dépasser solennellement la frontière entre « je vais finir par te taper » et « je vais te pourrir ta gueule, connard » chez les Nains. Au moment où il finissait son insulte, le barman eut le réflexe de verrouiller la caisse et de saisir une masse parce qu'il sentait que le vase débordait à flots. Chez les Nains, il existait six points dont le dépassement conduisait systématiquement à une grosse baston et dire à un nain qu'il portait une fausse barbe était l'un de ces points. Le deuxième point qui avait été dépassé par la même occasion était le fait que l'ivrogne se soit pris pour supérieur parce qu'il était plus grand. Autant dire que le situation était grave.
- Messieurs, arriva le barman avec sa massue, il serait temps de se calmer et en vitesse. J'ai pas envie d'être indexé sur les tavernes à baston de Mliuej.
- Mais de quoi tu te la ramènes, abruti de barman? Tu sers à rien ici et en plus, tu sers de la bière de merde donc retourne à ton comptoir à deux balles et fais pas chier pendant que je m'explique à ce con.
Là, c'était le troisième et le quatrième point qui venaient d'être franchis : la remise en cause de la fonction du barman et le refus d'accorder une quelconque qualité à la bière servie, d'autant plus qu'on était dans la ville de la bière. Là, la situation était suffisamment chaude pour qu'on puisse commencer à fondre du plomb sans forge. Le barman lança alors à Fumseck le regard entendu qui disait « éclate-moi cet abruti, je te déclarerai pas à la garde si tu le défonces ».
- Alors, tu fais moins le malin maintenant que je t'ai cassé en deux? L'apostropha l'ivrogne. De toute façon, ça m'étonne pas que tu sois comme ça vu que t'as un commerce de bouseux et t'es un pauvre lâche.
Et hop, jackpot ! Les deux derniers points avaient été passés : la remise en cause du talent commercial du tavernier et l'insulte directe à l'honneur d'un nain. Là, il était cuit.
- De quoi tu m'as traité, enflure de fiente de troll sodomisé? »
Maintenant que les hostilités étaient définitivement lancées, autant vous prévenir que la Taverne du Clou Rouillé allait perdre pendant quelques minutes sa réputation d'auberge-taverne tranquille et calme et où les clients ne posaient pas de soucis. Le barman par pur réflexe leva sa massue pour asséner un coup direct sur la tempe de l'ivrogne en face de lui, ce qui l'envoya rapidement valdinguer à l'autre bout de la salle afin d'y passer une bonne sieste instantanée, servie par la maison. A ce moment-là, en voyant leur pote battre son record de vol plané, ses neuf autres camarades furent pendant un moment tenté d'applaudir mais en fait, ils avaient percuté plus tôt que prévu qu'ils allaient également avoir des problèmes à rester plantés ici. Ils décidèrent donc de se lever et de prendre ce qui leur passait sous la main pour se défendre, chaises, couteaux, chopes de bière et écuelles entre autres. Or, il se trouvait qu'en même temps, le nain et le barbare se trouvaient sur la même longueur d'onde : la baston. Et comme ils n'étaient pas bourrés, ils sortirent en vitesse leurs armes et se jetèrent dans le tas comme de gros bourrins. La suite fut indescriptible, tant c'était le chaos dans la taverne et qu'on entendait régulièrement des cris de douleurs venant des ivrognes. Cinq minutes, les gardes du poste du secteur rappliquèrent pour arrêter le problème mais la seule chose qu'ils arrêtèrent fut le silence planant dans la salle, après que le nain et le barbare eurent intégralement maravés les gueules des ivrognes. Autant vous dire qu'ils se sentaient bizarres et qu'ils pointèrent instinctivement leurs hallebardes en direction du duo, sentant bien que ce n'étaient pas des rigolos de dernière catégorie. Cependant, histoire de rester dans la procédure, le sargent à la tête de l'unité décida de procéder à la traditionnelle récolte de témoignages pour comprendre les faits :
- « Bon, qu'est-ce qui s'est passé ici? Gueula le sargent. Je croyais que cette taverne était censé avoir une réputation assez calme.
- C'est à cause de cette bande de connards par terre, expliqua le nain. Ils ont insulté l'honneur nain en prétendant que la bière de Mliuej était foireuse et que le barman avait reçu une formation merdique.
- Bon, là, je reconnais que c'est grave. Vous confirmez ça, les autres?
La plupart des clients encore debout acquiescèrent rapidement cette version des faits.
Apparemment, vous avez l'air sincères. Sur ce, je suis obligé d'appliquer le règlement de la ville qui dit que toute personne ayant été impliqué directement dans une bagarre doit être mise sous les verrous pendant 3 jours, seulement 1 s'il a été prouvé que les belligérants étaient en état d'attaque légitime, ce qui a l'air être le cas. Veuillez donc me suivre et vous n'aurez pas de problème.
- En résumé, on vient de laver la dignité des nains, et vous nous mettez en taule? C'est ça votre logique?
- Sincèrement navré, c'est la nouvelle convention qu'on a du adoptés à cause de l'augmentation des bagarres. Sur ce, vous ne devriez pas avoir de souci. Donc, suivez-nous sans faire d'histoire. »
Pendant un moment, Fumseck eut envie de continuer de se battre mais il pensa au fait qu'affronter une bande d'ivrognes était de la pure rigolade, ce qui est vraiment le cas, à comparer d'une dizaine de gardes sobres, armés et entraînés. D'autant plus que leurs lances étaient directement pointées sur eux et qu'ils avaient l'air stressés, donc un coup dangereux pouvait vite partir. Mieux valait se replier de son point de vue. Du côté du barbare, la volonté de continuer à se battre était beaucoup plus présente, mais il s'aperçut au bout d'un moment que son compère hésitait un peu et montrait des signes de fatigue, ce qui ne l'arrangeait pas tellement. La décision finale fut donc de se rendre.
L'escorte jusqu'au poste de garde de Mliuej se déroula sans encombre, l'histoire des faits de la taverne s'étant assez rapidement répandus dans le quartier et les passants n'ayant donc pas d'animosité particulière envers la garde et ses prisonniers temporaires. En revanche, au moment où ils arrivèrent à l'intérieur du siège de la garde de Mliuej, c'était le bordel complet. De partout fusaient divers cris et plaintes, des demandes de libération immédiates venant de parents en colère, des soûlards qui refusaient éperdument d'être mis dans une cellule, des geôliers et des gestionnaires nains qui ne s'y retrouvaient plus au milieu de tous ces problèmes. L'arrivée de dix gardes et de deux nouveaux prisonniers n'arrangeait donc strictement rien. Cependant, le sargent avait l'air d'être un habitué à ce genre de problème et décida de placer lui-même les deux compères dans la cellule destinée aux rétentions sur 24 heures, qui se trouvait au fond du couloir des cellules individuelles.
C'est une pièce assez spacieuse, mais pas trop quand même, on était dans une prison, avec cinq matelas usés servant accessoirement de lits et une table avec quelques chaises au centre de la pièce, ce qui prouvait que les gens mis dans cette pièce étaient relativement innocents et donc peu dangereux, aussi leur assurait donc une certaine forme d'hospitalité. Les murs étaient en granite d'une teinte claire et semblaient avoir été nettoyés récemment, et les barreaux de la fenêtre quasiment neufs. Enfin, la porte était solide et cerclée de fer, ce qui lui assurait une grande solidité. La pièce était enfin assez calme, même si le granite n'empêchait pas vraiment les prisonniers sur longue durée de gueuler à plein poumon pour faire chier le monde.
Fumseck et Dumlor furent donc laissés ici par les gardes et la première dont ils s'aperçurent, c'est qu'il y avait trois autres personnes avec eux dans la pièce.
Le premier individu était un humain de taille moyenne, avec des cheveux roux et des yeux bleus foncés, qui semblait avoir été affaibli à cause de diverses maladies. Il portait sur lui une cape de base, un bâton bizarre et une robe de couleur noire, ainsi qu'un pantalon, une chemise, des chaussures et des gants de qualité correcte : l'attirail convenable pour le voyage de base. Cependant, il semblait émaner une étrange sensation de lui, du type « je suis peut-être affaibli mais je peux vous faire pire », qui filtrait de son regard assez vif et perçant, faits pour analyser les moindres détails d'une situation. Enfin, son front plissé montrait qu'il savait se servir de son intelligence de manière efficace.
Le second était à l'opposé : c'était un représentant de la race des elfes, aux cheveux blonds et longs, de petite taille pour son espèce, qui avait également des yeux verts foncés et semblait en permanence dans les vapes. Il était allongé sur l'un des matelas et affichait une expression désintéressée, comme si tout changement dans la pièce lui passait à des kilomètres au-dessus du nez. Il portait sur lui une robe de couleur grise, ainsi qu'un pantalon en tissu étrange, une chemise ordinaire ainsi que des gants et des chaussures prévues pour le confort intérieur. Enfin, c'est que l'on pensait quand on voyait l'apparence extérieure de ces accessoires, parce que celle-ci était à la limite entre l'étrange et l'absurde. Enfin, il avait un bâton en bois posé à côté de lui.
Enfin, le troisième sortait un peu des sentiers battus : c'était un individu dont on ne saurait dire précisément si c'était un elfe ou un humain, avec ses yeux clairs, sa chevelure châtain claire et épaisse et ses oreilles ovales. Il s'était calé dans un coin afin de réfléchir à diverses choses, comme sa prochaine destination ou son futur plan de progression. Il portait sur lui un ensemble vestimentaire correct de couleur foncée, et ne semblait pas avoir de style esthétique particulier au contraire de ses autres compagnons de cellule. Cependant, ses mains assez fines laissaient deviner qu'il possédait une certaine forme de dextérité. Ce type sortait donc de l'ordinaire à sa manière.
- Bordel de merde, commença le guerrier en rogne, mais pourquoi on se retrouve enfermés ici alors qu'on est innocents? Ces gardes sont vraiment des abrutis finis avec leurs règlements débiles.
- Ça ne te dérangerait pas de te taire ou du moins d'éviter de parler pour dire ce que tout le monde sait? L'interpella l'elfe. Il y en a ici qui aimeraient rester au calme.
Dernier propos qui fut approuvé par les deux autres occupants inconnus de la cellule.
- T'es qui pour me dire ça?
- Aurelias Eillerandil, haut-elfe prêtre de Dlul, appelé communément Aure Eiller parmi mes confrères, lâcha l'elfe dans un long bâillement.
- Franchement, c'est vraiment un nom débile.
- En même temps, cette bande de feignasses passe son temps à dormir, alors ils prennent rarement le temps de réfléchir à ce genre de truc, intervint le second.
- Et toi, tu es qui?
- Dralnu Lakiar, sorcier de Tzinntch de niveau apprenti...
Bon, ça va, on a compris, le stoppa Dumlor. C'est un peu évident que t'es un débutant sinon tu ne seras pas en taule. Sinon, l'elfe, ça ne te dérange pas de te faire traiter de feignasse comme ça par ce type?
- Vu que le nom donné aux apôtres de Dlul est les Feignasses, pas vraiment non. En plus, ces hyperactifs de Tzinntch passent leur temps à insulter les autres cultes au lieu de se reposer, ce qui nuit à leur santé de mon point de vue.
- En même temps, c'est pas vraiment la classe de rester à rien faire toute la journée, répondit Fumseck. Comment tu veux gagner des niveaux si tu restes planté au même endroit pendant des jours?
- Tu vois, quand on est un haut-elfe, on n'a pas la même notion du temps donc si je n'ai pas pris d'expérience cette année, il m'en reste encore des centaines d'autres pour cela. Et puis, c'est vraiment fatigant de se battre pour ça.
- En résumé, tu pourrais avoir un potentiel de malade et tu ne t'en sers pas? C'est quoi cette logique débile?
- Laisse tomber, le prévint le demi-elfe. Personne n'a jamais suivi la moindre logique dans ses pensées, en admettant qu'il y ait une logique.
- Et toi, tu es qui?
- Kaïnto, ranger venant de Glargh.
- Et tu viens de quelle espèce?
- Eh bien, est-ce que tu arriverais à deviner, maître nain?
- Pas vraiment, non.
- Dans ce cas, ce n'est pas un problème.
- Et c'est toi qui dis que l'autre a une logique bizarre... Enfin bref, vous vous êtes retrouvés ici pour quelle raison?
- Dans mon cas et celui du sorcier, commença l'elfe, c'est à cause d'un débat théorique sur nos convictions qui a failli devenir dangereux pour la population, donc les gardes nous ont placés ici pour éviter des ennuis.
- En plus, les gardes ont bien compris que ce débat était purement ennuyeux...
- Ce qui était bien mon objectif, si le débat devient ennuyeux, c'est que Dlul intervient donc j'ai raison.
- Oui, mais je t'ai déjà expliqué que...
- Vos gueules! Les coupa Kaïnto. Il y en a marre de vos débats stériles, l'approche théorique ne sert à rien ici, seule la différence pratique vous départagera.
- Si tu veux, je peux directement mettre en pratique ma Compression des Gonades sur toi pour m'avoir insulté.
- Et toi, demanda le barbare à Kaïnto, tu t'es retrouvé ici pour quelle raison?
- Euh, pour faire simple, j'ai en train de marcher quand un ivrogne a commencé à me chercher des noises. Les gardes ont donc décidé de me mettre ici par précaution.
- Je sais pas pourquoi, intervint le nain, mais je suis sûr que tu veux nous cacher la véritable raison.
- Mais je ne mentais pas, c'est ce qui s'est vraiment passé.
- C'est cela, oui. Bon, en attendant, on est toujours coincés ici comme des rats et je n'ai pas l'intention de m'éterniser ici.
- Ben, commença le barbare, ils n'ont pas dit qu'ils nous libèreraient demain?
- Ah ah ah, mort de rire ! Et s'ils se prennent une bonne cuite ce soir, comment tu veux qu'ils se souviennent qu'on est censés rester qu'un seul jour? Je vous rappelle qu'on est dans la ville de la bière les gars, et dans la ville de la bière, on picole, c'est logique. Enfin, sachant que vous n'êtes pas des nains, je vous passe cet instant d'ignorance.
- Attends, tu plaisantes? L'interrogea Dralnu. On va quand même bénéficier d'un séjour prolongé ici?
- Malheureusement, si, lâcha le nain. C'est pour ça que je comptais vous proposer un plan pour sortir d'ici.
- Et qu'est-ce qui te fait croire qu'on va écouter tes ordres? L'interpella Aure.
- Bien, je vais faire très simple : est-ce quelqu'un d'autre que moi a une idée à proposer?
Cette question fut bizarrement suivie d'un silence de mort, car sur le fond personne n'avait pris le temps de réfléchir à un quelconque plan d'évasion.
- Donc, reprit Fumseck d'un ton autoritaire, puisque je suis le seul à avoir un plan valable à vous proposer, voici mon idée... »
Où on arrive et on réunit en prison
L'art de la coordination dans une compagnie dépend de plusieurs facteurs tels que les affinités existantes entre les membres d'une compagnie et surtout la composition de l'équipe, parce qu'en général c'est l'association des talents des membres qui va faire leur système relationnel. Dans cette logique, les compagnies se forment donc sur des critères destinées à coordonner efficacement les équipes tels que le métier, la race ou même l'origine sociale et la religion. L'exception la plus courante à ce principe de formation de compagnie est le rendez-vous auquel différentes personnes ne se connaissant pas doivent se rendre sur ordre du commanditaire, aussi nous n'en parlerons pas parce que ce n'est pas vraiment ce qui s'est passé ici.
Mliuej. La cité naine ayant basé sa puissance sur la production et la vente de bière à travers la Terre de Fangh, ce qui a fait apparaître dans les mémoires un des stéréotypes les plus connus sur les Nains, stéréotype que les Nains ne cherchent pas vraiment à combattre puisque ça leur fait de la publicité gratuite pour leur activité. A la base exclusivement composée de Nains, la ville s'est peu à peu ouverte à l'extérieur et on retrouve diverses races qui se côtoient dans la ville, puisque ça fait marcher les affaires. Ainsi, plusieurs tavernes sont apparues afin de satisfaire le maximum de clientèle : taverne avec chaises basses pour les Nains, taverne résistante pour les ivrognes aimant se battre après une bonne cuite, taverne sombre pour mettre en place des complots et surtout la taverne par excellence, celle pour les missions d'aventuriers.
La Taverne du Clou Rouillé était une taverne relativement calme, la clientèle ayant un minimum d'éducation et le barman ayant l'habitude de couper efficacement sa bière avec de l'eau afin de prolonger les stocks, augmenter ses profits et surtout maintenir les clients suffisamment sobres pour qu'ils aient envie de continuer à consommer. Contrairement à la taverne de base, il n'y avait pas de scène pour faire entrer divers artistes, ça ne servait à rien et ça coûtait cher. Il y avait cependant un étage qui faisait office d'auberge à condition que l'on y réserve sa chambre à l'avance, car elles étaient réputées bien entretenues. Chez les Nains, la réception des invités qui payaient en règle leur addition était de rigueur, même si la plupart des gens informés savent que l'arnaque est également une tradition chez les Nains, puisque leur attirance pour les métaux les pousse à en extorquer un maximum aux autres. Bien sûr, ce n'est pas comme à Waldorg où tout est fait pour puiser un maximum d'or aux contribuables, mais là la politique monétaire est bien encadrée. Les Nains ne prendraient pas le risque que la valeur des métaux se dévalue suite à une arrivée en masse sur le marché, ça plomberait leur commerce et diminuerait les stocks appartenant aux Nains, ce qui serait vécu comme un drame national car en six millénaires d'exploitation, jamais un seul entrepôt minier nain n'avait connu de revue à la baisse des stocks.
C'est à cette taverne qu'arriva un nain guerrier appelé Fumseck. Il avait passé une bonne partie de sa vie dans les mines de Jambfer à faire marcher l'exploitation familiale mais il avait fini par prendre la route sur un malentendu familial. Au niveau physique, il se démarquait de la moyenne des nains puisqu'il possédait des jambes assez musclées, ce qui surprend en général, une barbe brune bien taillée de façon à s'arrêter au niveau du nombril, deux bras robustes et des yeux marron clair qui donnaient l'impression que le gars n'était pas vraiment amateur. Pour le reste, il se trimballait un casque en fer de facture correcte, un plastron de protection efficace qui avait fait ses preuves (enfin, c'est que le marchand qui lui avait vendu disait), des bottes en cuir quasiment neuves, puisqu'il devait en changer régulièrement à cause de l'usure et des gantelets en cuir destinés à protéger des poignets en cas de souci. Mais surtout on le remarquait à ses deux haches qu'il gardait en permanence derrière son dos, ce qui inquiétait la plupart des passants vu qu'en général les nains guerriers présentant une forme d' ambidextrie étaient connus pour ne pas faire de scrupule à utiliser leurs talents pour se débarrasser d'un problème quelconque. Dès qu'il arriva, il alla commander un tonnelet de bière et un terrine au gibier au patron puis se cala à une table suffisamment éclairée pour permettre une réflexion tranquille et la lecture de son manuel Maîtriser son ambidextrie, un ouvrage pour les guerriers qui se transmettait de père en fils dans sa famille jusqu'à ce qu'il se barre avec au moment de son départ. De son point de vue, il était mieux entre ses mains puisque ses frères étaient trop idiots pour comprendre que sortir dehors pour extorquer de l'or aux autres était plus facile que la mine, l'exploitation minière dépendant de la qualité et de la taille des filons alors que l'aventure était un business continu et rentable pour tout le monde quand on savait se renseigner.
Une heure plus tard, une dizaine de joyeux fêtards se ramena à la taverne avec l'intention de vider le stock de bière, ce qui agaça le nain puisqu'il préférait rester au calme, puis un second voyageur inattendu.
C'était un barbare plutôt étrange, il n'avait pas beaucoup de charisme, mais semblait néanmoins se déplacer assez vite, même pour un barbare. Pour son apparence, il était évidemment blond comme 90% des barbares, mais avait des yeux vert clair, ainsi qu'une musculature davantage destinée à la souplesse qu'à la force brute, ce qui prouvait qu'il avait passé beaucoup de temps au contact de la civilisation, sinon il restait comme tous les membres de sa tribu un gros bourrin sans cervelle. De plus, il semblait assez perspicace et parfois en le regardant dans les yeux, on se surprenait à penser qu'il avait développé son propre système de philosophie de vie. Au niveau de son équipement, il possédait une veste en toile légère, un pantalon en cuir d'auroch ainsi qu'une paire de bottes dissimulant à peu près son odeur. Enfin, il présentait un sabre bien aiguisé attaché à une ceinture de métal, et le sac à dos qu'il portait semblait disposer d'un matériel suffisant pour voyager tranquillement. Autant dire que ce n'était pas une petite frappe. Il alla également se commander un bon repas auprès du tavernier puis alla s'asseoir à la table de Jethenix puisque les joyeux drilles à côté n'étaient visiblement pas de bonne compagnie, d'autant plus que la débauche était quelque chose qui énervait pas mal de monde dans le bar. Quelques minutes passèrent puis le barbare se décida à engager la conversation.
« - Salut. Tu es nouveau ici?
- Pas vraiment, ça fait quelques temps que je traîne à Mliuej pour le travail.
- Quel genre de boulot?
- Protection et récupération, c'est assez calé et ça paye bien. Tu t'appelles comment?
- Dumlor. Et toi?
- Fumseck. Tu travailles dans quoi toi?
- J'ai pas vraiment de boulot . Disons que je travaille à mon compte. Parfois pour d'autres personnes, mais pas souvent.
- C'est-à-dire?
- Récupération d'objets précieux pour vente.
- Je vois. Ça paye bien?
- Oui, je m'en sors comme je peux.
Pendant qu'ils discutaient de leurs activités respectives, la consommation aux autres tables avait subitement augmenté, les clients prétextant que ce n'était pas de la bière efficace. Ils étaient beaucoup trop sous l'effet de l'alcool pour s'apercevoir qu'elle était coupée. En fait, leur comportement se rapprochait plus de la beuverie pure que la consommation de bière.
- Franchement, ces gars-là sont des gros abrutis, reprit Fumseck en parlant de ceux-ci. Chez nous les Nains, peut-être qu'on consomme beaucoup de bière mais pas comme ça, c'est plus pour la bonne ambiance et les relations sociales, pas de l'ingurgitation pure sans raison.
- Oui, c'est vrai que c'est con. Après, ils savent plus profiter.
- Là, je suis parfaitement d'accord. De toute façon, ça se voit que ce sont des grosses barriques dont on devrait se débarrasser en vitesse.
Cette dernière phrase n'échappa pas à l'un des ivrognes qui se ramena à la table des deux compères en titubant.
- Ehhhh, toi, qu'est-ce tu dis sur nous, enfoiré de nain? On boit donc on cause pas de blem, nabot, donc nous insulte pas.
- De quoi tu viens de me traiter là? S'énerva Fumseck, dont la voix venait de monter d'un cran, ce qui n'échappa à personne dans la taverne. Vous faites tous chier à boire comme des porcs, ce qui emmerde tout le monde, et en plus tu te permets de m'insulter. Pour qui tu te prends?
Cette tentative de moralisation fut applaudi par une partie de l'assistance, vu que la plupart des clients sobres de la taverne était sur la même longueur d'onde, le reste se foutant un peu de ce qui se passait.
- Ah, mais t'es vraiment un gros abruti d'enflure, toi. Tu fais quatre têtes de moins que moi et tu te permets de me faire la morale, gamin avec barbe fausse?
Là, il venait de dépasser solennellement la frontière entre « je vais finir par te taper » et « je vais te pourrir ta gueule, connard » chez les Nains. Au moment où il finissait son insulte, le barman eut le réflexe de verrouiller la caisse et de saisir une masse parce qu'il sentait que le vase débordait à flots. Chez les Nains, il existait six points dont le dépassement conduisait systématiquement à une grosse baston et dire à un nain qu'il portait une fausse barbe était l'un de ces points. Le deuxième point qui avait été dépassé par la même occasion était le fait que l'ivrogne se soit pris pour supérieur parce qu'il était plus grand. Autant dire que le situation était grave.
- Messieurs, arriva le barman avec sa massue, il serait temps de se calmer et en vitesse. J'ai pas envie d'être indexé sur les tavernes à baston de Mliuej.
- Mais de quoi tu te la ramènes, abruti de barman? Tu sers à rien ici et en plus, tu sers de la bière de merde donc retourne à ton comptoir à deux balles et fais pas chier pendant que je m'explique à ce con.
Là, c'était le troisième et le quatrième point qui venaient d'être franchis : la remise en cause de la fonction du barman et le refus d'accorder une quelconque qualité à la bière servie, d'autant plus qu'on était dans la ville de la bière. Là, la situation était suffisamment chaude pour qu'on puisse commencer à fondre du plomb sans forge. Le barman lança alors à Fumseck le regard entendu qui disait « éclate-moi cet abruti, je te déclarerai pas à la garde si tu le défonces ».
- Alors, tu fais moins le malin maintenant que je t'ai cassé en deux? L'apostropha l'ivrogne. De toute façon, ça m'étonne pas que tu sois comme ça vu que t'as un commerce de bouseux et t'es un pauvre lâche.
Et hop, jackpot ! Les deux derniers points avaient été passés : la remise en cause du talent commercial du tavernier et l'insulte directe à l'honneur d'un nain. Là, il était cuit.
- De quoi tu m'as traité, enflure de fiente de troll sodomisé? »
Maintenant que les hostilités étaient définitivement lancées, autant vous prévenir que la Taverne du Clou Rouillé allait perdre pendant quelques minutes sa réputation d'auberge-taverne tranquille et calme et où les clients ne posaient pas de soucis. Le barman par pur réflexe leva sa massue pour asséner un coup direct sur la tempe de l'ivrogne en face de lui, ce qui l'envoya rapidement valdinguer à l'autre bout de la salle afin d'y passer une bonne sieste instantanée, servie par la maison. A ce moment-là, en voyant leur pote battre son record de vol plané, ses neuf autres camarades furent pendant un moment tenté d'applaudir mais en fait, ils avaient percuté plus tôt que prévu qu'ils allaient également avoir des problèmes à rester plantés ici. Ils décidèrent donc de se lever et de prendre ce qui leur passait sous la main pour se défendre, chaises, couteaux, chopes de bière et écuelles entre autres. Or, il se trouvait qu'en même temps, le nain et le barbare se trouvaient sur la même longueur d'onde : la baston. Et comme ils n'étaient pas bourrés, ils sortirent en vitesse leurs armes et se jetèrent dans le tas comme de gros bourrins. La suite fut indescriptible, tant c'était le chaos dans la taverne et qu'on entendait régulièrement des cris de douleurs venant des ivrognes. Cinq minutes, les gardes du poste du secteur rappliquèrent pour arrêter le problème mais la seule chose qu'ils arrêtèrent fut le silence planant dans la salle, après que le nain et le barbare eurent intégralement maravés les gueules des ivrognes. Autant vous dire qu'ils se sentaient bizarres et qu'ils pointèrent instinctivement leurs hallebardes en direction du duo, sentant bien que ce n'étaient pas des rigolos de dernière catégorie. Cependant, histoire de rester dans la procédure, le sargent à la tête de l'unité décida de procéder à la traditionnelle récolte de témoignages pour comprendre les faits :
- « Bon, qu'est-ce qui s'est passé ici? Gueula le sargent. Je croyais que cette taverne était censé avoir une réputation assez calme.
- C'est à cause de cette bande de connards par terre, expliqua le nain. Ils ont insulté l'honneur nain en prétendant que la bière de Mliuej était foireuse et que le barman avait reçu une formation merdique.
- Bon, là, je reconnais que c'est grave. Vous confirmez ça, les autres?
La plupart des clients encore debout acquiescèrent rapidement cette version des faits.
Apparemment, vous avez l'air sincères. Sur ce, je suis obligé d'appliquer le règlement de la ville qui dit que toute personne ayant été impliqué directement dans une bagarre doit être mise sous les verrous pendant 3 jours, seulement 1 s'il a été prouvé que les belligérants étaient en état d'attaque légitime, ce qui a l'air être le cas. Veuillez donc me suivre et vous n'aurez pas de problème.
- En résumé, on vient de laver la dignité des nains, et vous nous mettez en taule? C'est ça votre logique?
- Sincèrement navré, c'est la nouvelle convention qu'on a du adoptés à cause de l'augmentation des bagarres. Sur ce, vous ne devriez pas avoir de souci. Donc, suivez-nous sans faire d'histoire. »
Pendant un moment, Fumseck eut envie de continuer de se battre mais il pensa au fait qu'affronter une bande d'ivrognes était de la pure rigolade, ce qui est vraiment le cas, à comparer d'une dizaine de gardes sobres, armés et entraînés. D'autant plus que leurs lances étaient directement pointées sur eux et qu'ils avaient l'air stressés, donc un coup dangereux pouvait vite partir. Mieux valait se replier de son point de vue. Du côté du barbare, la volonté de continuer à se battre était beaucoup plus présente, mais il s'aperçut au bout d'un moment que son compère hésitait un peu et montrait des signes de fatigue, ce qui ne l'arrangeait pas tellement. La décision finale fut donc de se rendre.
L'escorte jusqu'au poste de garde de Mliuej se déroula sans encombre, l'histoire des faits de la taverne s'étant assez rapidement répandus dans le quartier et les passants n'ayant donc pas d'animosité particulière envers la garde et ses prisonniers temporaires. En revanche, au moment où ils arrivèrent à l'intérieur du siège de la garde de Mliuej, c'était le bordel complet. De partout fusaient divers cris et plaintes, des demandes de libération immédiates venant de parents en colère, des soûlards qui refusaient éperdument d'être mis dans une cellule, des geôliers et des gestionnaires nains qui ne s'y retrouvaient plus au milieu de tous ces problèmes. L'arrivée de dix gardes et de deux nouveaux prisonniers n'arrangeait donc strictement rien. Cependant, le sargent avait l'air d'être un habitué à ce genre de problème et décida de placer lui-même les deux compères dans la cellule destinée aux rétentions sur 24 heures, qui se trouvait au fond du couloir des cellules individuelles.
C'est une pièce assez spacieuse, mais pas trop quand même, on était dans une prison, avec cinq matelas usés servant accessoirement de lits et une table avec quelques chaises au centre de la pièce, ce qui prouvait que les gens mis dans cette pièce étaient relativement innocents et donc peu dangereux, aussi leur assurait donc une certaine forme d'hospitalité. Les murs étaient en granite d'une teinte claire et semblaient avoir été nettoyés récemment, et les barreaux de la fenêtre quasiment neufs. Enfin, la porte était solide et cerclée de fer, ce qui lui assurait une grande solidité. La pièce était enfin assez calme, même si le granite n'empêchait pas vraiment les prisonniers sur longue durée de gueuler à plein poumon pour faire chier le monde.
Fumseck et Dumlor furent donc laissés ici par les gardes et la première dont ils s'aperçurent, c'est qu'il y avait trois autres personnes avec eux dans la pièce.
Le premier individu était un humain de taille moyenne, avec des cheveux roux et des yeux bleus foncés, qui semblait avoir été affaibli à cause de diverses maladies. Il portait sur lui une cape de base, un bâton bizarre et une robe de couleur noire, ainsi qu'un pantalon, une chemise, des chaussures et des gants de qualité correcte : l'attirail convenable pour le voyage de base. Cependant, il semblait émaner une étrange sensation de lui, du type « je suis peut-être affaibli mais je peux vous faire pire », qui filtrait de son regard assez vif et perçant, faits pour analyser les moindres détails d'une situation. Enfin, son front plissé montrait qu'il savait se servir de son intelligence de manière efficace.
Le second était à l'opposé : c'était un représentant de la race des elfes, aux cheveux blonds et longs, de petite taille pour son espèce, qui avait également des yeux verts foncés et semblait en permanence dans les vapes. Il était allongé sur l'un des matelas et affichait une expression désintéressée, comme si tout changement dans la pièce lui passait à des kilomètres au-dessus du nez. Il portait sur lui une robe de couleur grise, ainsi qu'un pantalon en tissu étrange, une chemise ordinaire ainsi que des gants et des chaussures prévues pour le confort intérieur. Enfin, c'est que l'on pensait quand on voyait l'apparence extérieure de ces accessoires, parce que celle-ci était à la limite entre l'étrange et l'absurde. Enfin, il avait un bâton en bois posé à côté de lui.
Enfin, le troisième sortait un peu des sentiers battus : c'était un individu dont on ne saurait dire précisément si c'était un elfe ou un humain, avec ses yeux clairs, sa chevelure châtain claire et épaisse et ses oreilles ovales. Il s'était calé dans un coin afin de réfléchir à diverses choses, comme sa prochaine destination ou son futur plan de progression. Il portait sur lui un ensemble vestimentaire correct de couleur foncée, et ne semblait pas avoir de style esthétique particulier au contraire de ses autres compagnons de cellule. Cependant, ses mains assez fines laissaient deviner qu'il possédait une certaine forme de dextérité. Ce type sortait donc de l'ordinaire à sa manière.
- Bordel de merde, commença le guerrier en rogne, mais pourquoi on se retrouve enfermés ici alors qu'on est innocents? Ces gardes sont vraiment des abrutis finis avec leurs règlements débiles.
- Ça ne te dérangerait pas de te taire ou du moins d'éviter de parler pour dire ce que tout le monde sait? L'interpella l'elfe. Il y en a ici qui aimeraient rester au calme.
Dernier propos qui fut approuvé par les deux autres occupants inconnus de la cellule.
- T'es qui pour me dire ça?
- Aurelias Eillerandil, haut-elfe prêtre de Dlul, appelé communément Aure Eiller parmi mes confrères, lâcha l'elfe dans un long bâillement.
- Franchement, c'est vraiment un nom débile.
- En même temps, cette bande de feignasses passe son temps à dormir, alors ils prennent rarement le temps de réfléchir à ce genre de truc, intervint le second.
- Et toi, tu es qui?
- Dralnu Lakiar, sorcier de Tzinntch de niveau apprenti...
Bon, ça va, on a compris, le stoppa Dumlor. C'est un peu évident que t'es un débutant sinon tu ne seras pas en taule. Sinon, l'elfe, ça ne te dérange pas de te faire traiter de feignasse comme ça par ce type?
- Vu que le nom donné aux apôtres de Dlul est les Feignasses, pas vraiment non. En plus, ces hyperactifs de Tzinntch passent leur temps à insulter les autres cultes au lieu de se reposer, ce qui nuit à leur santé de mon point de vue.
- En même temps, c'est pas vraiment la classe de rester à rien faire toute la journée, répondit Fumseck. Comment tu veux gagner des niveaux si tu restes planté au même endroit pendant des jours?
- Tu vois, quand on est un haut-elfe, on n'a pas la même notion du temps donc si je n'ai pas pris d'expérience cette année, il m'en reste encore des centaines d'autres pour cela. Et puis, c'est vraiment fatigant de se battre pour ça.
- En résumé, tu pourrais avoir un potentiel de malade et tu ne t'en sers pas? C'est quoi cette logique débile?
- Laisse tomber, le prévint le demi-elfe. Personne n'a jamais suivi la moindre logique dans ses pensées, en admettant qu'il y ait une logique.
- Et toi, tu es qui?
- Kaïnto, ranger venant de Glargh.
- Et tu viens de quelle espèce?
- Eh bien, est-ce que tu arriverais à deviner, maître nain?
- Pas vraiment, non.
- Dans ce cas, ce n'est pas un problème.
- Et c'est toi qui dis que l'autre a une logique bizarre... Enfin bref, vous vous êtes retrouvés ici pour quelle raison?
- Dans mon cas et celui du sorcier, commença l'elfe, c'est à cause d'un débat théorique sur nos convictions qui a failli devenir dangereux pour la population, donc les gardes nous ont placés ici pour éviter des ennuis.
- En plus, les gardes ont bien compris que ce débat était purement ennuyeux...
- Ce qui était bien mon objectif, si le débat devient ennuyeux, c'est que Dlul intervient donc j'ai raison.
- Oui, mais je t'ai déjà expliqué que...
- Vos gueules! Les coupa Kaïnto. Il y en a marre de vos débats stériles, l'approche théorique ne sert à rien ici, seule la différence pratique vous départagera.
- Si tu veux, je peux directement mettre en pratique ma Compression des Gonades sur toi pour m'avoir insulté.
- Et toi, demanda le barbare à Kaïnto, tu t'es retrouvé ici pour quelle raison?
- Euh, pour faire simple, j'ai en train de marcher quand un ivrogne a commencé à me chercher des noises. Les gardes ont donc décidé de me mettre ici par précaution.
- Je sais pas pourquoi, intervint le nain, mais je suis sûr que tu veux nous cacher la véritable raison.
- Mais je ne mentais pas, c'est ce qui s'est vraiment passé.
- C'est cela, oui. Bon, en attendant, on est toujours coincés ici comme des rats et je n'ai pas l'intention de m'éterniser ici.
- Ben, commença le barbare, ils n'ont pas dit qu'ils nous libèreraient demain?
- Ah ah ah, mort de rire ! Et s'ils se prennent une bonne cuite ce soir, comment tu veux qu'ils se souviennent qu'on est censés rester qu'un seul jour? Je vous rappelle qu'on est dans la ville de la bière les gars, et dans la ville de la bière, on picole, c'est logique. Enfin, sachant que vous n'êtes pas des nains, je vous passe cet instant d'ignorance.
- Attends, tu plaisantes? L'interrogea Dralnu. On va quand même bénéficier d'un séjour prolongé ici?
- Malheureusement, si, lâcha le nain. C'est pour ça que je comptais vous proposer un plan pour sortir d'ici.
- Et qu'est-ce qui te fait croire qu'on va écouter tes ordres? L'interpella Aure.
- Bien, je vais faire très simple : est-ce quelqu'un d'autre que moi a une idée à proposer?
Cette question fut bizarrement suivie d'un silence de mort, car sur le fond personne n'avait pris le temps de réfléchir à un quelconque plan d'évasion.
- Donc, reprit Fumseck d'un ton autoritaire, puisque je suis le seul à avoir un plan valable à vous proposer, voici mon idée... »
Chapitre 2
Chapitre 2 : une évasion trop stéréotypée (pour marcher correctement)
Où l'on s'évade et on présente
Après avoir préalablement vérifié qu'aucun garde ou prisonnier d'une autre cellule n'écoutait leur conversation, car ils ont tendance à provoquer des accrocs importants dans les plans, Fumseck se retourna en direction de ses quatre compagnons de cellule pour leur expliquer son plan :
- « Bon, ce que je vais vous dire va peut-être être long mais si vous m'écoutez bien et que vous ne faites que ce que vous devez faire, tout se passera bien.
- J'aime pas les plans compliqués, ça sert à rien, répondit Dumlor.
- En plus, c'est fatigant à écouter, renchérit Aurelias.
- Mais merde, pourquoi faut-il qu'il y ait simultanément un flemmard et un ignorant différents dans mes calculs?
- Tu sais, lui répondit Dralnu, en matière d'effort, que ce soit intellectuel pour le barbare ou physique pour les prêtres de Dlul, faut jamais trop en demander, ça ne sert à rien.
Cette dernière réplique fit directement mouche sur les deux concernés et ils se pointèrent aussitôt pour écouter le nain.
- Donc voici mon plan : tout d'abord, on va attendre que les gardes soient suffisamment bourrés, histoire qu'ils ne puissent pas réagir assez vite. Depuis que la nuit tombe dans une heure, il faudra donc attendre trois heures à partir de maintenant pour qu'ils aient ingurgités suffisamment d'alcool.
- Vachement évolué, ton plan qui consiste à attendre.
- Ensuite, reprit Fumseck avec une petite note de colère dans sa voix, le barbare va ouvrir la porte, de manière discrète si possible.
- Tu demandes ça à un barbare?!!
- J'ai des compétences en crochetage, au cas où tu ne serais pas au courant.
- Ah bon...
- Après ça, on fonce à travers le couloir pour atteindre l'entrée de la salle, où on en profitera pour récupérer nos armes, ainsi que quelques provisions pour la route, après avoir assommé les gardes.
- Et où se trouve leur réserve de nourriture?
- On s'en fout, on aura du temps pour chercher vu que les gardes seront assommés. Ensuite, on devra sortir du poste de garde et le ranger nous dirigera jusqu'à l'auberge la plus proche, parce que j'avais envie de dormir moi. Voilà, vous avez bien compris ce que j'avais dit.
- C'est ça que tu appelles un plan long? Demanda Dralnu.
- J'avais dit que ça serait peut-être long, mais pas forcément très long. D'autres questions?
- Sachant que tu es un nain, pourquoi tu ne nous guides pas toi dans cette ville naine? Demanda Kaïnto.
- Aux dernières nouvelles, c'est toi le ranger dans le coin donc tu es censé avoir les compétences de repérage requises. Autre chose?
- On est vraiment obligés de courir? Demanda le haut-elfe.
- Si tu ne veux pas être mis de nouveau en taule au lieu de dormir dans un vrai lit, tu ferais mieux de te bouger un peu. Tu n'as rien à demander le mage?
- Moi et le prêtre on sert à quoi dans ton plan?
- Servez-vous de vos pouvoirs pour vous débarrasser plus efficacement des gardes, qu'est-ce que tu veux que je te dise. Et toi le barbare?
- On a le droit de maraver les gardes?
- Bien sûr, mais ne perds pas trop de temps non plus. Bon, est-ce que mon plan vous convient?
- Oui, acquiescèrent plus ou moins malgré eux les occupants de la salle.
- Bien, alors c'est parti, on applique. »
Au bout de quelques heures, le pronostic de Fumseck concernant les gardes se révéla exact, puisqu'on pouvait entendre dans la cellule divers grognements caractéristiques des personnes en état d'ivresse. Le barbare décida donc de se pointer vers la porte avec l'intention de l'ouvrir mais il semblait qu'elle ne puisse pas être ouverte que de l'intérieur, ce qui fit douter les autres sur les compétences de Dumlor, jusqu'à ce qu'il arrive on ne sait comment à enlever les gonds retenant la porte sans faire du bruit et à la déposer sur le mur de manière discrète, ce qui épata tout le monde et fit tomber pendant un moment quelques stéréotypes concernant le peuple barbare, même si ça n'allait évidemment pas durer longtemps, et même pour être précis, vingt-trois secondes, c'est-à-dire le temps qu'il avait fallu au barbare pour traverser entièrement le couloir et aller tabasser à mains nues les gardes ivres morts. Le nain décida également de se joindre à la fête et en profita pour casser le dos de quelques gardes affalés sur leur chaise. Naturellement, les trois autres furent d'accord pour ne pas s'embêter et laisser les deux bourrins se défouler un peu, comme ça ils économisaient un peu d'énergie pour la suite.
Une fois les gardes neutralisés, le groupe en profita pour procéder à une fouille complète du bâtiment, ce qui permit au barbare de se récupérer un meilleur sabre, n'ayant pas du tout hésité à piocher dans la réserve d'armes du poste de garde, et au nain de changer entièrement sa tenue de protection de combat et de trouver deux nouvelles haches de qualité à la place de ses anciennes. Comme quoi, l'alcool est bien un fléau à l'origine des problèmes des acheteurs mais aussi des vendeurs d'armes.
Ainsi équipés, le groupe sortit du poste de garde et ce fut au tour de Kaïnto le ranger d'entrer en scène et devinez quoi, il s'est complètement foiré dans son repérage, ce qui a contraint le groupe à déambuler pendant une bonne heure à travers les rues sombres de Mliuej. Et comme les compétences du ranger se révélaient être plus que critiquables en territoire nain, ce fut le nain qui se chargea efficacement d'amener le groupe dans une bonne auberge de Mliuej, l'auberge du Sanglier moqueur. A l'entrée de l'établissement, certains émirent des doutes sur la validité du lieu choisi par le nain mais une fois à l'intérieur, c'était plutôt calme. Un barman restait à son comptoir et remplissait également la fonction de veilleur de nuit, les chaises étaient assez bien ordonnées et les tables venaient d'être épongées de leurs traces de vomissures par la serveuse qui venait juste de s'éclipser dans une chambre. Un feu brûlait encore dans l'âtre et on pouvait voir quelques joueurs de cartes qui profitaient de l'ambiance détendue pour faire une partie de belote pépitée, un jeu de cartes assez spécial où l'on donnait quatre cartes à chaque joueur et dont l'objectif était de deviner la composition du jeu adverse et en cas de succès, le gagnant raflait la mise du joueur berné. Et comme il s'agissait d'un jeu nain, tous les moyens étaient bons pour s'arranger afin de gagner, vu que l'or était en jeu.
- « Ben finalement, engagea le nain, vous voyez que j'ai de bonnes compétences pour diriger un groupe. Je devais peut-être me charger de la gestion des affaires nous concernant.
- Eh, répliqua Dralnu, qu'est-ce qui te fait croire qu'on va rester ensemble?
- Simple, pour commencer, c'est la seule auberge encore ouverte de la ville donc tu n'as pas d'autre endroit pour aller dormir ce soir. Ensuite, je pensais sincèrement qu'on était suffisamment coordonnés pour former une compagnie efficace. Enfin, ça ne vous intéresse pas un peu, l'aventure? Bon, dans tous les cas, je vous dis bonne nuit, parce que j'ai envie d'aller dormir. »
Sur cette dernière parole, le guerrier se détacha du groupe et s'en alla voir le barman avec l'intention de louer une chambre pour la nuit. Pendant quelques minutes, il y eut quelques négociations, comme le veut la tradition naine, mais au final, Jethenix parvint à obtenir une chambre correcte avec petit-déjeuner le lendemain pour la somme de cinq pièces d'or, soit une réduction de près de 18% par rapport au tarif en vigueur habituellement. Et au bout d'un moment, le reste suivit, étant également fatigué et n'ayant pas l'énergie requise ni la volonté de rester plantés là toute la nuit.
Maintenant que nous avons un petit intervalle de pause dans l'histoire, vu que la nuit est tombée et qu'il n'y a aucun intérêt à décrire le sommeil de cinq personnes dormant dans des chambres séparées ( ben oui, vous vous attendiez à quoi? ), autant vous faire une présentation plus approfondie des personnages, notamment au niveau de leur histoire et de leur psychologie.
Tout d'abord, commençons par notre premier personnage introduit dans l'histoire : Fumseck Amederoc. Comme nous l'avions déjà révélé, il s'agit d'un nain natif de la ville minière de Jambfer dont la famille s'était naturellement spécialisée dans l'exploitation minière. A l'âge de 10 ans, un médecin psychologue nain avait procédé à une analyse complète en règle, car c'était à cet âge que les nains étaient sujets à leurs poussées de croissance les plus fortes, chose relative en fonction des espèces, ce qui pouvait provoquer également des changements psychologiques. Ce fut suite à une erreur d'interprétation des propos de Fumseck lors de son entretien avec le médecin que celui-ci parvint à la conclusion qu'il pourrait avoir quelques penchants à oublier sa nature de nain, notamment au niveau éthique et social. Cela poussa ainsi sa famille à lui chanter le refrain connu des chansons naines « Nous sommes les nains sous la montagne/ On creuse le jour, on boit la nuit/ Et on n'aime pas ceux de la surface » chaque jour jusqu'à l'âge de trente ans, âge auquel on jugeait que les nains étaient prêts à s'émanciper socialement. Ce fut à ce moment-là que Jethenix k s'aperçut que dans le fond on ne lui avait essentiellement chanté cette chanson que dans le but de le faire chier. Et en réponse à cela, il décida de se lancer dans une carrière de guerrier, histoire de remettre en cause les préceptes familiaux. Ainsi, pendant cinq ans, il prit une formation auprès d'un maître d'armes nain dans la maîtrise de la hache et dans l'assimilation d'un certain nombre de principes de conduite qui constituèrent pour Jethenix son code d'honneur. Mais comme sa famille était vivement opposée à ce qu'il quitte les mines, bien décidée à garder son objet de moquerie, après la fin de sa formation et la remise de sa première hache de combat, ils décidèrent de monter un guet-apens destiné à l'humilier sous la couverture d'une réunion familiale destinée à fêter la fin de ses études. On ne saura jamais si c'était par fierté ou par instinct, mais Fumseck décida de se présenter en armes pour le rendez-vous pour illustrer sa nouvelle condition sociale, ce qui lui sauva largement la mise à l'issue d'une gigantesque bagarre dans la galerie familiale. Au final, sa formation et sa résistance aux coups lui permit de s'en sortir et en guise de trophée, il décida de repartir avec une seconde hache de combat qui se transmettait dans la famille ainsi qu'avec le Grand Livre de la Botte secrète, un ouvrage hérité d'un lointain ancêtre qui restait dans un coin puisque personne ne s'y intéressait, le maniement de la pioche et la conduite du chariot étant les seules choses valables que les membres actuels de la famille jugeaient utiles de retenir. Il décida donc ensuite de partir sur les routes en quête de gloire et de fortune afin de prouver à sa famille qu'il était parfaitement possible de réussir dans un autre domaine que l'extraction minière. Ce fut donc dans ce contexte qu'il arriva dans la Taverne du Clou Rouillé afin d'y trouver du travail.
De son côté, Dumlor était un barbare venant évidemment des plaines de Kwzprtt mais autant préciser pour les insultes ou pour ceux qui auraient oublier la bonne orthographe. Pour ceux qui s'intéressent éventuellement à son lignage, on peut simplement vous dire qu'il est issu des Cardiacs, pas la peine de s'enfoncer dans les détails, ça ne serait qu'inutile. Dès son plus âge, il s'est démarqué du reste par une excellente souplesse ainsi qu'une vitesse d'action importante. Le problème, c'est que son clan l'a rapidement mis à l'écart parce que soit on avait déjà ce genre de compétences dans sa tribu, soit elles ne servaient à rien dans les situations habituelles. Et la logique barbare voulait qu'on ne puisse survivre que grâce à son activité, comme la chasse ou le combat. Mais comme il était systématiquement mis à l'écart, ça posait problème. Notre barbare avait donc fini par arriver à la logique du type « les autres ne veulent rien te donner, eh bien va te servir tout seul ». Sauf que le vol n'était pas du tout une activité bien considérée dans le clan, même quand les raisons qui conduisaient à voler étaient issues des conséquences directes des actions du clan. Dumlor fut donc invité, vers l'âge de 15 ans, à coups de pierres et de massue, à aller chercher de quoi survivre ailleurs, ce qui le fit atterrir dans la ville de Glargh, la grande cité de la Terre de Fangh. Et dès le début, il apprécia ce nouveau monde où on pouvait facilement de la nourriture et des armes pour peu qu'on se donne la peine de chercher. Sauf qu'il y ait quelques règles à apprendre et qu'au bout d'un moment, le barbare se retrouva de nouveau mis de côté, ce qui commença sérieusement à l'énerver. Ce fut un soir au détour d'une ruelle, alors qu'il voulait dérober de l'or à un passant pour se payer un peu de nourriture, qu'il rencontra pour la première fois un vieil homme qui, simple coïncidence, était un ancien voleur professionnel, concept qui intrigua au début le barbare ( ben oui, chez les barbares, le crime n'est pas du tout une profession ). Cependant, le vieillard se montra à peu près conciliant envers ce nomade des steppes dont on voyait clairement qu'il était perdu dans un monde nouveau pour lui. Il décida donc de l'emmener chez lui afin de lui enseigner ce qu'il savait, histoire que son savoir ne s'envole pas après sa mort. Il passa donc près de sept années à former le barbare et à lui donner un minimum d'éducation et comme il était plus intelligent, même s'il ne saurait jamais lire, il parvint néanmoins à acquérir un langage bien plus évolué que les autres barbares et à retenir facilement la formation pratique du métier de voleur, le côté théorique et éthique étant inutile à aborder puisqu'il avait déjà assimilé par lui-même les principes de la profession. A l'âge de 22 ans, Dumlor était donc prêt à arpenter la Terre de Fangh afin d'y mener une vie correcte, après avoir subtilisé au maître de quoi s'équiper et un sabre à un main pour se défendre, ce qui constituait le dernier examen pour vérifier si l'enseignement avait été assimilé. Cependant, la ville de Glargh était encore trop vaste pour un voleur de son niveau, et il se dirigea donc vers le nord afin d'y mener une vie plus tranquille. C'est donc dans ce contexte qu'il arriva dans la ville de Mliuej et se dirigea vers une auberge dont un contact de son ancien maître qu'il avait pu voir lui conseilla. En Terre de Fangh, la vie des voleurs et plus généralement des métiers du monde souterrain était essentiellement basée sur les relations que vous aviez avec les autres membres de la profession, les carrières individuelles étant rarement encouragées à moins de disposer de talents exceptionnels. C'est ainsi qu'il se rendit à la Taverne du Clou Rouillé.
Ensuite, autant aborder l'histoire du mystérieux Dralnu Lakiar. C'était un individu originaire de la ville de Noghall, qui se trouvait près de l'intersection entre la forêt de Groinsale et le Lac Aspousser. Il s'était peu à peu près révélé plus intelligent, notamment lorsqu'il s'aperçut du profond ennui qu'il y avait à passer dans sa vie dans cette ville, à l'instar d'autres personnes, dont le fils du notable local, un entrepreneur spécialisé dans la fabrication de hachoirs à jambon, que l'on n'avait pas encore revu dans les parages. Sauf qu'il avait une excellente résistance aux maladies, ce qui augmentait grandement son espérance de vie, et qu'il ne voulait pas passer cette longue vie à s'ennuyer ferme. Et un jour, pendant qu'il lisait dans la librairie locale, il tomba dans un ouvrage expliquant l'art de la magie et décida de s'y initier, histoire de s'amuser un peu. Et au bout de quelques temps, il se décida à mettre au point son propre sortilège, qui consistait en une masse d'énergie assemblée sous la forme d'un fouet destiné à infliger des dégâts directement à l'adversaire. Une version plus agressive de la dislocation d'Arkoss en quelque sorte. Sauf que la dislocation d'Arkoss est un sort destiné aux mages de niveau quatre minimum, alors quand on est même pas niveau un, on n'est pas censés se risquer à ce genre de choses. Donc, le jour où il décida à mettre en pratique son sortilège, ce fut une authentique catastrophe puisque le sort absorba une quantité trop importante d'énergie et réduisit en miettes le siège local de la CDD ( Centre de Désintoxication à la Destinologie, centre très peu connu en Terre de Fangh, car 95% des destinologues fanghiens sont trop fous pour pouvoir être soignés ). Évidemment, tout le monde était remonté contre lui, mais le destin fit qu'un sorcier de Tzinntch avait assisté à la scène et avait rapidement que ce jeune avait du potentiel. Alors, au moment où les villageois s'apprêtent à le lapider avec les débris du centre, il se ramena et proposa de l'emmener afin d'en faire quelque chose d'utile « puisqu'il avait déjà reçu une bonne formation en magie », requête à laquelle les villageois accédèrent, trop heureux de se débarrasser d'un danger public en perspective.
Il ramena donc Dralnu au Sanctuaire Magnifique de Tzinntch à Glargh en expliquant à ses supérieurs ce qu'il avait vu, et le jeune se retrouva ainsi embarqué dans une longue formation à la magie noire de Tzinntch, dont le côté obscur et destructeur l'avait directement fasciné, et autant dire que sa résistance physique l'avait beaucoup aidé durant son apprentissage. Et finalement, au bout de cinq ans, Dralnu Lakiar était devenu un mage de Tzinntch digne de ce nom et on l'autorisa à voyager afin de répandre la gloire de Tzinntch à travers la Terre de Fangh ( et à rapporter un maximum d'or au culte par la même occasion ). C'est en se rendant à la ville naine de Mliuej qu'il tomba sur un haut-elfe prêtre de Dlul qui prêchait la parole de son dieu, et par réflexe il intervint pour réduire l'argumentation et la bonne parole de son adversaire à l'état de charpie. Et comme la population était sérieusement agacée par leur débat, la garde finit par intervenir et les emmena tous les deux dans la prison de Mliuej, histoire de les calmer.
A l'exact opposé de ce mage dérangé, vous avez Aurelias Eillerandil, l'autre pratiquant des arcanes de notre histoire. Il appartient à la race des hauts-elfes et a actuellement plus de trois cents années passées en Terre de Fangh. Il est issu de l'une des familles aristocratiques elfiques de Fquiepou, l'une des grandes villes de l'est de la Terre de Fangh, la deuxième après Waldorg, même si à côté de celle-ci, elle ne tient pas vraiment la comparaison en terme de taille et de puissance. Au cours de ses deux cents premières années d'existence, il a passé son temps à étudier tous les thèmes possibles, la philosophie, les mathématiques, le commerce, les métaux, l'alchimie, la magie et la théologie. Enfin bref, il a passé au peigne fin tous les ouvrages dont disposait la bibliothèque familiale et dispose d'une bonne base de connaissance sur tous les sujets possibles. Cependant, lorsqu'il parvint au bout de sa formation, il s'aperçut qu'il n'avait plus rien d'intéressant à faire chez lui et donc qu'il s'ennuyait ferme. Ce fut lors de l'un des passages en ville qu'il tomba sur un temple dédié à un dieu qui n'était présent dans aucun des livres de sa bibliothèque : Dlul. En entrant à l'intérieur, il tomba alors sur une haut-elfe d'une autre famille de Fquiepou prêtresse de Dlul qui était endormie dans un fauteuil, ce qui surprit le haut-elfe car il s'attendait à ce que les cultistes réagissent face à l'arrivée d'un potentiel nouveau membre. La conversation qu'il eut avec la prêtresse altéra définitivement ses convictions et sa façon de voir les choses : il cherchait à apprendre un maximum mais elle lui avouait qu'on ne pouvait savoir tout parce que les choses évoluaient; il pensait qu'il se devait de s'investir dans des tâches mais que c'était une chose vaine car l'incomplet permanent était une caractéristique de ce monde ; enfin, il pensait que l'activité était un moteur de ce monde mais elle lui répondit que l'ennui était à la source de toute activité et qu'on ne pouvait éternellement échapper à l'ennui. Un ébranlement de ses convictions accompagné d'une émotion bizarre qu'il ressentait en voyant la haute-elfe mais qu'il ne connaissait pas fit qu'il décida de s'engager dans le culte de Dlul, qui était le seigneur du sommeil et de l'ennui. Il passa donc près d'un siècle à apprendre les bases du culte de Dlul et à peaufiner sa philosophie, en prenant son temps parce qu'il en avait devant lui, et à maîtriser l'énergie karmique ainsi que les prodiges de Dlul. Et puis, il s'aperçut également que sur le fond il aimait bien la prêtresse, qui s'appelait Alinéa Rité et que se mettre à son service serait sa manière de lui rendre hommage ( petite note pour les lecteurs avides d'un certain genre de détails : on est chez les cultistes de Dlul, pas de Lafoune ). Donc, une fois qu'elle eut jugée qu'il avait une formation de prêtre de Dlul suffisante, elle décida de l'envoyer dans la ville de Mliuej où les gens souillaient régulièrement leurs lits avec de l'alcool en vomissant, ce qui était une faute grave aux yeux de Dlul et qu'il fallait enrayer : la mission était donc d'enseigner aux gens à ne pas vomir au lit mais autre part, parce que ça insultait Dlul. Ce fut en arrivant dans la ville qu'il eut l'occasion de tester sa force d'argumentation puisqu'il venait de tomber sur un cultiste de Tzinntch qui remettait en cause les préceptes de Dlul. Malheureusement, le débat s'allongea et la garde locale décida de le mettre en prison pour vingt-quatre heures avec l'autre mage pour trouble de l'ordre public.
Enfin, concernant l'histoire de Kaïnto Shinra, on peut vous dire qu'elle n'était pas vraiment ordinaire. C'était un demi-elfe, avec parent humain ex-prêtresse de Lafoune ( quand je dis ex-prêtresse, c'est qu'au bout d'un moment et passé un certain âge, les prêtres de Lafoune ne servent plus à grand chose ) et elfe sylvain qui avait subi les conséquences d'une mauvaise plaisanterie d'un touriste, qui avait décidé de se marrer en lui indiquant la direction d'un temple de Lafoune alors qu'il cherchait un vendeur d'arcs. La suite se passera de commentaires par commodité et si vous voulez des détails, allez vous informer par vous-même autre part. Toujours était-il que suite à leur liaison, la prêtresse reçut un congé d'un an pour avoir réussi quelque chose qui ne se produisait que très rarement, et au bout de neuf mois, le résultat de tout ça était ce cher Kaïnto. Elle décida donc de confier le nouveau-né à un orphelinat car elle ne tenait pas vraiment à ce que ses « collègues de travail » sachent qu'elle avait pu tomber enceinte sur un seul accouplement avec un elfe, ce qui aurait été très mauvais pour elle ( note à part : imaginez un peu si les prêtresses de Lafoune pouvaient toutes facilement tomber enceintes, ils tomberaient rapidement à court de personnel. ) Heureusement pour lui, il était né à Waldorg et comme sa mère avait payé suffisamment cher de façon à ce que son secret soit bien gardé, il vécut dans un bon milieu et ne se fit pas vraiment de complexe vis-à-vis de ses origines, jusqu'à ce qu'on lui en parle, mais ça c'est un détail à part. Toujours est-il qu'il disposait d'un excellent sens de réflexion et d'orientation en temps normal, ce qui lui permit d'acquérir une formation de ranger, ce qui est normalement risqué quand on a certaines origines mais qui n'en pose pas quand on a envie de s'émanciper. Au bout de quelques temps, il finit par devenir suffisamment informé pour pouvoir se débrouiller tout seul et décida de partir sur les routes pour voyager et se prouver qu'on pouvait être un demi-elfe et réussir quand même dans la vie. Cependant, lorsqu'il arriva à Mliuej, il tomba par hasard sur son père qui avait sombré dans l'alcool depuis qu'il avait été déshonoré suite à son aventure à la prêtresse et lorsqu'il reconnut Kaïnto comme étant son fils, grâce à une tache de naissance en forme de goutte d'eau qui se trouvait sur son avant-bras, son sang ne fit qu'un tour et il tenta de se venger lui-même en se débarrassant du produit de son malheur. Et avant que ça ne tourne au drame, le patron appela la garde de Mliuej et celle-ci décida de le placer dans la prison temporairement pour l'éloigner de ce type et lui sauver la vie tant qu'à faire. Notez au passage qu'à Mliuej, les ivrognes ne sont arrêtés car ils font marcher le commerce.
Au bout de deux heures, la plupart des occupants de l'auberge étaient bien endormis à l'exception de Fumseck, qui pensait au fond de lui que son plan avait trop bien marché et qu'il se posait quelques questions, et de Aurelias qui en avait profité pour lire un peu son Manuel des Prodiges des Novices de Dlul. Et finalement, trois heures plus tard, vers deux heures du matin, les soupçons de Fumseck se confirmèrent lorsqu'il entendit des bruits sur la porte de l'auberge depuis sa fenêtre et qu'en regardant sur celle-ci, il vit qu'une troupe de gardes passablement énervée et présentant quelques marques dues à leur tabassage par Fumseck et Dumlor se présentait à la porte de l'auberge. Il fallait donc intervenir rapidement. Il se remit en tenue de combat en vitesse, récupéra sa bourse et ses affaires et décida de réveiller tout le monde sinon ils risquaient d'avoir des ennuis :
- « Réveil général, gueula-t-il. La garde est à l'entrée de l'auberge. Bougez-vous! »
Deux minutes plus tard, Dralnu, Aurelias et Dumlor étaient déjà prêts et répondaient présents à l'appel tandis que Kaïnto était encore au pays des rêves.
- « Bon, on fait quoi de l'autre? Demanda le barbare.
- On va le réveiller nous-même et on le bouge un peu sinon on est dans les ennuis jusqu'au coup. »
Cette dernière proposition fut approuvée à l'unanimité et le barbare ne prit pas la peine de frapper avant d'entrer dans la chambre de Kaïnto, qui fut surpris dans une position de sommeil un peu étrange que même Aurelias ne connaissait pas, si vous voyez la situation, et on força à s'habiller et à récupérer son matériel en le forçant à s'activer comme on le pouvait. Autant vous dire que la situation était grotesque, mais dans ce genre de contexte, l'embarras n'était pas vraiment un souci parce qu'il y avait plus important sur le feu. Dès que tout le monde fut prêt, le groupe dirigé de nouveau par le nain descendit en vitesse au rez-de-chaussée et s'aperçurent que le veilleur de nuit en avait profité pour prendre une bonne cuite tandis que les gardes toujours à l'extérieur commençaient à s'impatienter. Fort heureusement, Fumseck savait que la plupart des taverniers nains avait l'habitude de creuser une galerie en-dessous de leur lieu de travail pour pouvoir faire passer diverses choses en contre-bande, vu que ça permettait d'éviter les soucis de quotas et les diverses taxes, et espérait que l'aubergiste du Sanglier Moqueur ne ferait pas exception à la règle. Ce qui ne fut évidemment pas le cas puisque le poivrot était trop bourré pour avoir pris la peine de cacher sa trappe qui se trouvait près de lui derrière le comptoir. Le barbare prit donc une initiative efficace et plaça une bonne beigne dans la tête du veilleur qui ne resta plus éveillé bien longtemps, après que Dumlor ait finalement décidé d'en rajouter une couche. Fumseck en profita naturellement pour prendre la caisse qui était un peu lourde à cause du pouvoir de l'or contenu dedans mais qui était scellée par un cadenas, ce qui ne le dérangea pas tellement sur le coup. Kaïnto décida de passer devant vu qu'il disposait d'une excellente vue de part son côté elfique, élan qui ne fut contesté par personne et Aurelias décida de clore la marche pour éviter de ralentir le groupe. Enfin, Fumseck décida de verrouiller la trappe et Dralnu fit fondre le verrou après une boule de feu bien dosée. Maintenant, ils étaient piégés comme des rats dans le souterrain du Sanglier Moqueur mais ils étaient libres et c'était toujours mieux que d'être en prison.
Maintenant qu'ils étaient hors d'atteinte, ils décidèrent de faire le point sur leur situation et de réfléchir à la suite de ce qu'ils allaient faire :
- « Bon, ben, déjà on a eu de la chance que la théorie de Fumseck ait été exacte et qu'il y ait bien eu une trappe secrète dans cette taverne, commença Kaïnto. Sauf que maintenant, on est bloqués parce que la trappe est verrouillée.
- Pas vraiment, répondit le nain. Ce tunnel doit être normalement un simple maillon d'un réseau donc on aura toujours une autre sortie.
- Sauf que les gardes doivent également savoir, intervint Aurelias. Ce sont aussi des nains après tout. Donc, il leur suffira de placer des gardes à chaque sortie importante de ce réseau et ils nous mettront facilement la main dessus. Donc, monsieur l'expert en réseau souterrain, on fait quoi?
- Il reste toujours l'ancienne mine de Mliuej mais c'est risqué.
- Risqué? Se hérissa Kaïnto. Comment ça?
- Avant que je t'explique, réfléchis un minimum. Tu ne trouverais pas étrange qu'une mine chez les nains présentant encore du minerai ne soit plus exploitée sans aucune raison?
- Bon, s'échauffa Dumlor. On va arrêter les devinettes et se mettre à table direct, donc, qu'est-ce que tu sais le nain?
- Une invasion d'orques, répondit-il simplement. Il y a quelques mois, une armée d'orques a tenté d'attaquer Mliuej et les survivants ont été repoussés dans ces galeries, donc on risque de tomber sur eux.
- Bizarre, fit Dralnu suspicieusement, je n'ai pas du tout entendu parler de ça.
- Normal, on avait quelques problèmes d'argent à Mliuej donc on n'a pas fait appel à des renforts d'autres espèces et on a gardé ça pour nous, donc personne d'autre que les nains est au courant.
- Alors, pourquoi tu nous en parles? S'étonna le haut-elfe. Ce n'était pas censé rester secret?
- Maintenant que l'argent est revenu à Mliuej, ce n'est plus un souci pour nous que ça soit révélé ou pas.
- Donc, si je suis bien, résuma Kaïnto, il y a des dizaines d'orques qui traînent dans ce réseau de galeries et tu nous as quand même attiré ici?! Non, mais tu es stupide ou quoi?
- Et d'un, on n'avait pas tellement d'autre option. Et de deux, je n'ai jamais dit qu'ils étaient partout, ils doivent plutôt être concentrés à un seul endroit. Et de trois, qui t'a permis de me traiter d'imbécile alors qu'on t'a sauvé de la garde en te bougeant un peu, face de truite?
- Bon, on ne va pas commencer à s'engueuler sinon, on est mal barrés. Pour revenir à un sujet sérieux, pour sortir d'ici, on fait comment? Est-ce que tu as au moins un plan pour sortir d'ici?
- Déjà, faudrait que tu nous éclaires un peu avec ta magie, comme ça les explications vont aller plus vite. »
Le mage noir accepta donc de s'exécuter rapidement.
- « Bon, pour faire simple, plus on s'enfonce dans cette mine, plus les parois de granite qui nous entourent seront foncées, à cause de la concentration plus importante de minerai. Donc, en se dirigeant vers des couleurs de plus en plus claires, on atterrira forcément sur une sortie à l'air libre.
- C'est aussi simple que ça?
- Je suis guerrier, moi, pas géologue. Pour tous les détails techniques, je ne les connais pas et je me porte très bien sans.
- Non, mais je veux dire : connaissant la réputation des nains, je m'attendais à quelque chose de plus complexe concernant l'organisation des mines, vu la manière dont vous gérez les creusements de tunnels.
- Bon, d'accord, je vais te servir l'explication sur le système d'organisation des mines si tu y tiens tellement...
- Non mais en fait... tenta de l'arrêter Kaïnto.
-Bon, pour commencer, lors du creusement de la mine, on fait un conduit principal qui sert à remonter tout ce qu'on creuse. Puis on inscrit sur la paroi des graduations destinées à indiquer la profondeur à laquelle on se trouve. Ensuite, on creuse les quatre ailes cardinales vers le fond du conduit principal, afin de créer un cadre tridimensionnel de repérage pour le creusement...
- Bon, ça va, on a compris.
Mais malheureusement pour les quatre autres, le nain descendant d'une famille de mineurs était déjà lancé dans son exposé.
- Donc, dès qu'on a fini de consolider les quatre ailes cardinales, on les gradue également pour repérer l'écart que l'on a vis-à-vis du conduit, ce qui permet de définir les trois mesures du cadre : profondeur, largeur et longueur. Et enfin, lorsque les bases de la mine sont prêtes, chaque nain doit réaliser ce qu'on appelle un pari de détection de fortune.
Un pari de détection de fortune? S'étonna le mage.
Oui, ou PDF dans notre jargon. Il s'agit de réaliser de faire des pronostics sur la quantité de minerai dans une zone. Par exemple, dans la zone nord-est, chacun pariera qu'il y aura tant de pierres précieuses, tant de granit, tant de klokolium, sachant qu'on doit donner les proportions pour chacune des dix roches et métaux les plus répandus de la Terre de Fangh. Une fois les pronostics, on creuse le tunnel sur un cube de un mètre et on regarde la composition de ce qui est extrait, et celui qui est le plus proche du résultat gagne le droit d'exploiter le secteur. Enfin, pour le codage des secteurs, selon le code A00-B11-CCCC en vigueur depuis le troisième décret de la convention des mineurs des Montages du Nord, A00 désigne l'aile cardinale dont on est parti (pour la lettre) et 00 à quel niveau la galerie a été commencée, B11 désigne la même chose à l'échelle de la galerie mais donnant sur la sous-galerie et CCCC les quatre lettres désignant le code correspondant au clan détenant les droits d'exploitation sur la galerie, cette série de lettres étant répertorié sur le Registre des Mineurs de Clans, ou RMC dans le jargon technique. C'est bon, vous avez tout compris?
Les membres du groupe lui servirent en guise de réponse un regard chargé de fer fondu qui disait « rajoute-en rien qu'un milligramme et on t' explose ». Ce qui fut interprété par Fumseck comme une preuve de compréhension.
- Bon, maintenant que tu as fini ton exposé, on pourrait y aller? Demanda Aurelias. Je n'ai pas envie de m'attarder ici. »
Propos qui fut approuvé par l'ensemble du groupe.
L'équipe ainsi formée guidée par le nain commença donc son périple souterrain, sans se douter que la garde avait discrètement écouté leur conversation et avait déjà commencé à mettre en place un dispositif à la sortie des galeries.
Où l'on s'évade et on présente
Après avoir préalablement vérifié qu'aucun garde ou prisonnier d'une autre cellule n'écoutait leur conversation, car ils ont tendance à provoquer des accrocs importants dans les plans, Fumseck se retourna en direction de ses quatre compagnons de cellule pour leur expliquer son plan :
- « Bon, ce que je vais vous dire va peut-être être long mais si vous m'écoutez bien et que vous ne faites que ce que vous devez faire, tout se passera bien.
- J'aime pas les plans compliqués, ça sert à rien, répondit Dumlor.
- En plus, c'est fatigant à écouter, renchérit Aurelias.
- Mais merde, pourquoi faut-il qu'il y ait simultanément un flemmard et un ignorant différents dans mes calculs?
- Tu sais, lui répondit Dralnu, en matière d'effort, que ce soit intellectuel pour le barbare ou physique pour les prêtres de Dlul, faut jamais trop en demander, ça ne sert à rien.
Cette dernière réplique fit directement mouche sur les deux concernés et ils se pointèrent aussitôt pour écouter le nain.
- Donc voici mon plan : tout d'abord, on va attendre que les gardes soient suffisamment bourrés, histoire qu'ils ne puissent pas réagir assez vite. Depuis que la nuit tombe dans une heure, il faudra donc attendre trois heures à partir de maintenant pour qu'ils aient ingurgités suffisamment d'alcool.
- Vachement évolué, ton plan qui consiste à attendre.
- Ensuite, reprit Fumseck avec une petite note de colère dans sa voix, le barbare va ouvrir la porte, de manière discrète si possible.
- Tu demandes ça à un barbare?!!
- J'ai des compétences en crochetage, au cas où tu ne serais pas au courant.
- Ah bon...
- Après ça, on fonce à travers le couloir pour atteindre l'entrée de la salle, où on en profitera pour récupérer nos armes, ainsi que quelques provisions pour la route, après avoir assommé les gardes.
- Et où se trouve leur réserve de nourriture?
- On s'en fout, on aura du temps pour chercher vu que les gardes seront assommés. Ensuite, on devra sortir du poste de garde et le ranger nous dirigera jusqu'à l'auberge la plus proche, parce que j'avais envie de dormir moi. Voilà, vous avez bien compris ce que j'avais dit.
- C'est ça que tu appelles un plan long? Demanda Dralnu.
- J'avais dit que ça serait peut-être long, mais pas forcément très long. D'autres questions?
- Sachant que tu es un nain, pourquoi tu ne nous guides pas toi dans cette ville naine? Demanda Kaïnto.
- Aux dernières nouvelles, c'est toi le ranger dans le coin donc tu es censé avoir les compétences de repérage requises. Autre chose?
- On est vraiment obligés de courir? Demanda le haut-elfe.
- Si tu ne veux pas être mis de nouveau en taule au lieu de dormir dans un vrai lit, tu ferais mieux de te bouger un peu. Tu n'as rien à demander le mage?
- Moi et le prêtre on sert à quoi dans ton plan?
- Servez-vous de vos pouvoirs pour vous débarrasser plus efficacement des gardes, qu'est-ce que tu veux que je te dise. Et toi le barbare?
- On a le droit de maraver les gardes?
- Bien sûr, mais ne perds pas trop de temps non plus. Bon, est-ce que mon plan vous convient?
- Oui, acquiescèrent plus ou moins malgré eux les occupants de la salle.
- Bien, alors c'est parti, on applique. »
Au bout de quelques heures, le pronostic de Fumseck concernant les gardes se révéla exact, puisqu'on pouvait entendre dans la cellule divers grognements caractéristiques des personnes en état d'ivresse. Le barbare décida donc de se pointer vers la porte avec l'intention de l'ouvrir mais il semblait qu'elle ne puisse pas être ouverte que de l'intérieur, ce qui fit douter les autres sur les compétences de Dumlor, jusqu'à ce qu'il arrive on ne sait comment à enlever les gonds retenant la porte sans faire du bruit et à la déposer sur le mur de manière discrète, ce qui épata tout le monde et fit tomber pendant un moment quelques stéréotypes concernant le peuple barbare, même si ça n'allait évidemment pas durer longtemps, et même pour être précis, vingt-trois secondes, c'est-à-dire le temps qu'il avait fallu au barbare pour traverser entièrement le couloir et aller tabasser à mains nues les gardes ivres morts. Le nain décida également de se joindre à la fête et en profita pour casser le dos de quelques gardes affalés sur leur chaise. Naturellement, les trois autres furent d'accord pour ne pas s'embêter et laisser les deux bourrins se défouler un peu, comme ça ils économisaient un peu d'énergie pour la suite.
Une fois les gardes neutralisés, le groupe en profita pour procéder à une fouille complète du bâtiment, ce qui permit au barbare de se récupérer un meilleur sabre, n'ayant pas du tout hésité à piocher dans la réserve d'armes du poste de garde, et au nain de changer entièrement sa tenue de protection de combat et de trouver deux nouvelles haches de qualité à la place de ses anciennes. Comme quoi, l'alcool est bien un fléau à l'origine des problèmes des acheteurs mais aussi des vendeurs d'armes.
Ainsi équipés, le groupe sortit du poste de garde et ce fut au tour de Kaïnto le ranger d'entrer en scène et devinez quoi, il s'est complètement foiré dans son repérage, ce qui a contraint le groupe à déambuler pendant une bonne heure à travers les rues sombres de Mliuej. Et comme les compétences du ranger se révélaient être plus que critiquables en territoire nain, ce fut le nain qui se chargea efficacement d'amener le groupe dans une bonne auberge de Mliuej, l'auberge du Sanglier moqueur. A l'entrée de l'établissement, certains émirent des doutes sur la validité du lieu choisi par le nain mais une fois à l'intérieur, c'était plutôt calme. Un barman restait à son comptoir et remplissait également la fonction de veilleur de nuit, les chaises étaient assez bien ordonnées et les tables venaient d'être épongées de leurs traces de vomissures par la serveuse qui venait juste de s'éclipser dans une chambre. Un feu brûlait encore dans l'âtre et on pouvait voir quelques joueurs de cartes qui profitaient de l'ambiance détendue pour faire une partie de belote pépitée, un jeu de cartes assez spécial où l'on donnait quatre cartes à chaque joueur et dont l'objectif était de deviner la composition du jeu adverse et en cas de succès, le gagnant raflait la mise du joueur berné. Et comme il s'agissait d'un jeu nain, tous les moyens étaient bons pour s'arranger afin de gagner, vu que l'or était en jeu.
- « Ben finalement, engagea le nain, vous voyez que j'ai de bonnes compétences pour diriger un groupe. Je devais peut-être me charger de la gestion des affaires nous concernant.
- Eh, répliqua Dralnu, qu'est-ce qui te fait croire qu'on va rester ensemble?
- Simple, pour commencer, c'est la seule auberge encore ouverte de la ville donc tu n'as pas d'autre endroit pour aller dormir ce soir. Ensuite, je pensais sincèrement qu'on était suffisamment coordonnés pour former une compagnie efficace. Enfin, ça ne vous intéresse pas un peu, l'aventure? Bon, dans tous les cas, je vous dis bonne nuit, parce que j'ai envie d'aller dormir. »
Sur cette dernière parole, le guerrier se détacha du groupe et s'en alla voir le barman avec l'intention de louer une chambre pour la nuit. Pendant quelques minutes, il y eut quelques négociations, comme le veut la tradition naine, mais au final, Jethenix parvint à obtenir une chambre correcte avec petit-déjeuner le lendemain pour la somme de cinq pièces d'or, soit une réduction de près de 18% par rapport au tarif en vigueur habituellement. Et au bout d'un moment, le reste suivit, étant également fatigué et n'ayant pas l'énergie requise ni la volonté de rester plantés là toute la nuit.
Maintenant que nous avons un petit intervalle de pause dans l'histoire, vu que la nuit est tombée et qu'il n'y a aucun intérêt à décrire le sommeil de cinq personnes dormant dans des chambres séparées ( ben oui, vous vous attendiez à quoi? ), autant vous faire une présentation plus approfondie des personnages, notamment au niveau de leur histoire et de leur psychologie.
Tout d'abord, commençons par notre premier personnage introduit dans l'histoire : Fumseck Amederoc. Comme nous l'avions déjà révélé, il s'agit d'un nain natif de la ville minière de Jambfer dont la famille s'était naturellement spécialisée dans l'exploitation minière. A l'âge de 10 ans, un médecin psychologue nain avait procédé à une analyse complète en règle, car c'était à cet âge que les nains étaient sujets à leurs poussées de croissance les plus fortes, chose relative en fonction des espèces, ce qui pouvait provoquer également des changements psychologiques. Ce fut suite à une erreur d'interprétation des propos de Fumseck lors de son entretien avec le médecin que celui-ci parvint à la conclusion qu'il pourrait avoir quelques penchants à oublier sa nature de nain, notamment au niveau éthique et social. Cela poussa ainsi sa famille à lui chanter le refrain connu des chansons naines « Nous sommes les nains sous la montagne/ On creuse le jour, on boit la nuit/ Et on n'aime pas ceux de la surface » chaque jour jusqu'à l'âge de trente ans, âge auquel on jugeait que les nains étaient prêts à s'émanciper socialement. Ce fut à ce moment-là que Jethenix k s'aperçut que dans le fond on ne lui avait essentiellement chanté cette chanson que dans le but de le faire chier. Et en réponse à cela, il décida de se lancer dans une carrière de guerrier, histoire de remettre en cause les préceptes familiaux. Ainsi, pendant cinq ans, il prit une formation auprès d'un maître d'armes nain dans la maîtrise de la hache et dans l'assimilation d'un certain nombre de principes de conduite qui constituèrent pour Jethenix son code d'honneur. Mais comme sa famille était vivement opposée à ce qu'il quitte les mines, bien décidée à garder son objet de moquerie, après la fin de sa formation et la remise de sa première hache de combat, ils décidèrent de monter un guet-apens destiné à l'humilier sous la couverture d'une réunion familiale destinée à fêter la fin de ses études. On ne saura jamais si c'était par fierté ou par instinct, mais Fumseck décida de se présenter en armes pour le rendez-vous pour illustrer sa nouvelle condition sociale, ce qui lui sauva largement la mise à l'issue d'une gigantesque bagarre dans la galerie familiale. Au final, sa formation et sa résistance aux coups lui permit de s'en sortir et en guise de trophée, il décida de repartir avec une seconde hache de combat qui se transmettait dans la famille ainsi qu'avec le Grand Livre de la Botte secrète, un ouvrage hérité d'un lointain ancêtre qui restait dans un coin puisque personne ne s'y intéressait, le maniement de la pioche et la conduite du chariot étant les seules choses valables que les membres actuels de la famille jugeaient utiles de retenir. Il décida donc ensuite de partir sur les routes en quête de gloire et de fortune afin de prouver à sa famille qu'il était parfaitement possible de réussir dans un autre domaine que l'extraction minière. Ce fut donc dans ce contexte qu'il arriva dans la Taverne du Clou Rouillé afin d'y trouver du travail.
De son côté, Dumlor était un barbare venant évidemment des plaines de Kwzprtt mais autant préciser pour les insultes ou pour ceux qui auraient oublier la bonne orthographe. Pour ceux qui s'intéressent éventuellement à son lignage, on peut simplement vous dire qu'il est issu des Cardiacs, pas la peine de s'enfoncer dans les détails, ça ne serait qu'inutile. Dès son plus âge, il s'est démarqué du reste par une excellente souplesse ainsi qu'une vitesse d'action importante. Le problème, c'est que son clan l'a rapidement mis à l'écart parce que soit on avait déjà ce genre de compétences dans sa tribu, soit elles ne servaient à rien dans les situations habituelles. Et la logique barbare voulait qu'on ne puisse survivre que grâce à son activité, comme la chasse ou le combat. Mais comme il était systématiquement mis à l'écart, ça posait problème. Notre barbare avait donc fini par arriver à la logique du type « les autres ne veulent rien te donner, eh bien va te servir tout seul ». Sauf que le vol n'était pas du tout une activité bien considérée dans le clan, même quand les raisons qui conduisaient à voler étaient issues des conséquences directes des actions du clan. Dumlor fut donc invité, vers l'âge de 15 ans, à coups de pierres et de massue, à aller chercher de quoi survivre ailleurs, ce qui le fit atterrir dans la ville de Glargh, la grande cité de la Terre de Fangh. Et dès le début, il apprécia ce nouveau monde où on pouvait facilement de la nourriture et des armes pour peu qu'on se donne la peine de chercher. Sauf qu'il y ait quelques règles à apprendre et qu'au bout d'un moment, le barbare se retrouva de nouveau mis de côté, ce qui commença sérieusement à l'énerver. Ce fut un soir au détour d'une ruelle, alors qu'il voulait dérober de l'or à un passant pour se payer un peu de nourriture, qu'il rencontra pour la première fois un vieil homme qui, simple coïncidence, était un ancien voleur professionnel, concept qui intrigua au début le barbare ( ben oui, chez les barbares, le crime n'est pas du tout une profession ). Cependant, le vieillard se montra à peu près conciliant envers ce nomade des steppes dont on voyait clairement qu'il était perdu dans un monde nouveau pour lui. Il décida donc de l'emmener chez lui afin de lui enseigner ce qu'il savait, histoire que son savoir ne s'envole pas après sa mort. Il passa donc près de sept années à former le barbare et à lui donner un minimum d'éducation et comme il était plus intelligent, même s'il ne saurait jamais lire, il parvint néanmoins à acquérir un langage bien plus évolué que les autres barbares et à retenir facilement la formation pratique du métier de voleur, le côté théorique et éthique étant inutile à aborder puisqu'il avait déjà assimilé par lui-même les principes de la profession. A l'âge de 22 ans, Dumlor était donc prêt à arpenter la Terre de Fangh afin d'y mener une vie correcte, après avoir subtilisé au maître de quoi s'équiper et un sabre à un main pour se défendre, ce qui constituait le dernier examen pour vérifier si l'enseignement avait été assimilé. Cependant, la ville de Glargh était encore trop vaste pour un voleur de son niveau, et il se dirigea donc vers le nord afin d'y mener une vie plus tranquille. C'est donc dans ce contexte qu'il arriva dans la ville de Mliuej et se dirigea vers une auberge dont un contact de son ancien maître qu'il avait pu voir lui conseilla. En Terre de Fangh, la vie des voleurs et plus généralement des métiers du monde souterrain était essentiellement basée sur les relations que vous aviez avec les autres membres de la profession, les carrières individuelles étant rarement encouragées à moins de disposer de talents exceptionnels. C'est ainsi qu'il se rendit à la Taverne du Clou Rouillé.
Ensuite, autant aborder l'histoire du mystérieux Dralnu Lakiar. C'était un individu originaire de la ville de Noghall, qui se trouvait près de l'intersection entre la forêt de Groinsale et le Lac Aspousser. Il s'était peu à peu près révélé plus intelligent, notamment lorsqu'il s'aperçut du profond ennui qu'il y avait à passer dans sa vie dans cette ville, à l'instar d'autres personnes, dont le fils du notable local, un entrepreneur spécialisé dans la fabrication de hachoirs à jambon, que l'on n'avait pas encore revu dans les parages. Sauf qu'il avait une excellente résistance aux maladies, ce qui augmentait grandement son espérance de vie, et qu'il ne voulait pas passer cette longue vie à s'ennuyer ferme. Et un jour, pendant qu'il lisait dans la librairie locale, il tomba dans un ouvrage expliquant l'art de la magie et décida de s'y initier, histoire de s'amuser un peu. Et au bout de quelques temps, il se décida à mettre au point son propre sortilège, qui consistait en une masse d'énergie assemblée sous la forme d'un fouet destiné à infliger des dégâts directement à l'adversaire. Une version plus agressive de la dislocation d'Arkoss en quelque sorte. Sauf que la dislocation d'Arkoss est un sort destiné aux mages de niveau quatre minimum, alors quand on est même pas niveau un, on n'est pas censés se risquer à ce genre de choses. Donc, le jour où il décida à mettre en pratique son sortilège, ce fut une authentique catastrophe puisque le sort absorba une quantité trop importante d'énergie et réduisit en miettes le siège local de la CDD ( Centre de Désintoxication à la Destinologie, centre très peu connu en Terre de Fangh, car 95% des destinologues fanghiens sont trop fous pour pouvoir être soignés ). Évidemment, tout le monde était remonté contre lui, mais le destin fit qu'un sorcier de Tzinntch avait assisté à la scène et avait rapidement que ce jeune avait du potentiel. Alors, au moment où les villageois s'apprêtent à le lapider avec les débris du centre, il se ramena et proposa de l'emmener afin d'en faire quelque chose d'utile « puisqu'il avait déjà reçu une bonne formation en magie », requête à laquelle les villageois accédèrent, trop heureux de se débarrasser d'un danger public en perspective.
Il ramena donc Dralnu au Sanctuaire Magnifique de Tzinntch à Glargh en expliquant à ses supérieurs ce qu'il avait vu, et le jeune se retrouva ainsi embarqué dans une longue formation à la magie noire de Tzinntch, dont le côté obscur et destructeur l'avait directement fasciné, et autant dire que sa résistance physique l'avait beaucoup aidé durant son apprentissage. Et finalement, au bout de cinq ans, Dralnu Lakiar était devenu un mage de Tzinntch digne de ce nom et on l'autorisa à voyager afin de répandre la gloire de Tzinntch à travers la Terre de Fangh ( et à rapporter un maximum d'or au culte par la même occasion ). C'est en se rendant à la ville naine de Mliuej qu'il tomba sur un haut-elfe prêtre de Dlul qui prêchait la parole de son dieu, et par réflexe il intervint pour réduire l'argumentation et la bonne parole de son adversaire à l'état de charpie. Et comme la population était sérieusement agacée par leur débat, la garde finit par intervenir et les emmena tous les deux dans la prison de Mliuej, histoire de les calmer.
A l'exact opposé de ce mage dérangé, vous avez Aurelias Eillerandil, l'autre pratiquant des arcanes de notre histoire. Il appartient à la race des hauts-elfes et a actuellement plus de trois cents années passées en Terre de Fangh. Il est issu de l'une des familles aristocratiques elfiques de Fquiepou, l'une des grandes villes de l'est de la Terre de Fangh, la deuxième après Waldorg, même si à côté de celle-ci, elle ne tient pas vraiment la comparaison en terme de taille et de puissance. Au cours de ses deux cents premières années d'existence, il a passé son temps à étudier tous les thèmes possibles, la philosophie, les mathématiques, le commerce, les métaux, l'alchimie, la magie et la théologie. Enfin bref, il a passé au peigne fin tous les ouvrages dont disposait la bibliothèque familiale et dispose d'une bonne base de connaissance sur tous les sujets possibles. Cependant, lorsqu'il parvint au bout de sa formation, il s'aperçut qu'il n'avait plus rien d'intéressant à faire chez lui et donc qu'il s'ennuyait ferme. Ce fut lors de l'un des passages en ville qu'il tomba sur un temple dédié à un dieu qui n'était présent dans aucun des livres de sa bibliothèque : Dlul. En entrant à l'intérieur, il tomba alors sur une haut-elfe d'une autre famille de Fquiepou prêtresse de Dlul qui était endormie dans un fauteuil, ce qui surprit le haut-elfe car il s'attendait à ce que les cultistes réagissent face à l'arrivée d'un potentiel nouveau membre. La conversation qu'il eut avec la prêtresse altéra définitivement ses convictions et sa façon de voir les choses : il cherchait à apprendre un maximum mais elle lui avouait qu'on ne pouvait savoir tout parce que les choses évoluaient; il pensait qu'il se devait de s'investir dans des tâches mais que c'était une chose vaine car l'incomplet permanent était une caractéristique de ce monde ; enfin, il pensait que l'activité était un moteur de ce monde mais elle lui répondit que l'ennui était à la source de toute activité et qu'on ne pouvait éternellement échapper à l'ennui. Un ébranlement de ses convictions accompagné d'une émotion bizarre qu'il ressentait en voyant la haute-elfe mais qu'il ne connaissait pas fit qu'il décida de s'engager dans le culte de Dlul, qui était le seigneur du sommeil et de l'ennui. Il passa donc près d'un siècle à apprendre les bases du culte de Dlul et à peaufiner sa philosophie, en prenant son temps parce qu'il en avait devant lui, et à maîtriser l'énergie karmique ainsi que les prodiges de Dlul. Et puis, il s'aperçut également que sur le fond il aimait bien la prêtresse, qui s'appelait Alinéa Rité et que se mettre à son service serait sa manière de lui rendre hommage ( petite note pour les lecteurs avides d'un certain genre de détails : on est chez les cultistes de Dlul, pas de Lafoune ). Donc, une fois qu'elle eut jugée qu'il avait une formation de prêtre de Dlul suffisante, elle décida de l'envoyer dans la ville de Mliuej où les gens souillaient régulièrement leurs lits avec de l'alcool en vomissant, ce qui était une faute grave aux yeux de Dlul et qu'il fallait enrayer : la mission était donc d'enseigner aux gens à ne pas vomir au lit mais autre part, parce que ça insultait Dlul. Ce fut en arrivant dans la ville qu'il eut l'occasion de tester sa force d'argumentation puisqu'il venait de tomber sur un cultiste de Tzinntch qui remettait en cause les préceptes de Dlul. Malheureusement, le débat s'allongea et la garde locale décida de le mettre en prison pour vingt-quatre heures avec l'autre mage pour trouble de l'ordre public.
Enfin, concernant l'histoire de Kaïnto Shinra, on peut vous dire qu'elle n'était pas vraiment ordinaire. C'était un demi-elfe, avec parent humain ex-prêtresse de Lafoune ( quand je dis ex-prêtresse, c'est qu'au bout d'un moment et passé un certain âge, les prêtres de Lafoune ne servent plus à grand chose ) et elfe sylvain qui avait subi les conséquences d'une mauvaise plaisanterie d'un touriste, qui avait décidé de se marrer en lui indiquant la direction d'un temple de Lafoune alors qu'il cherchait un vendeur d'arcs. La suite se passera de commentaires par commodité et si vous voulez des détails, allez vous informer par vous-même autre part. Toujours était-il que suite à leur liaison, la prêtresse reçut un congé d'un an pour avoir réussi quelque chose qui ne se produisait que très rarement, et au bout de neuf mois, le résultat de tout ça était ce cher Kaïnto. Elle décida donc de confier le nouveau-né à un orphelinat car elle ne tenait pas vraiment à ce que ses « collègues de travail » sachent qu'elle avait pu tomber enceinte sur un seul accouplement avec un elfe, ce qui aurait été très mauvais pour elle ( note à part : imaginez un peu si les prêtresses de Lafoune pouvaient toutes facilement tomber enceintes, ils tomberaient rapidement à court de personnel. ) Heureusement pour lui, il était né à Waldorg et comme sa mère avait payé suffisamment cher de façon à ce que son secret soit bien gardé, il vécut dans un bon milieu et ne se fit pas vraiment de complexe vis-à-vis de ses origines, jusqu'à ce qu'on lui en parle, mais ça c'est un détail à part. Toujours est-il qu'il disposait d'un excellent sens de réflexion et d'orientation en temps normal, ce qui lui permit d'acquérir une formation de ranger, ce qui est normalement risqué quand on a certaines origines mais qui n'en pose pas quand on a envie de s'émanciper. Au bout de quelques temps, il finit par devenir suffisamment informé pour pouvoir se débrouiller tout seul et décida de partir sur les routes pour voyager et se prouver qu'on pouvait être un demi-elfe et réussir quand même dans la vie. Cependant, lorsqu'il arriva à Mliuej, il tomba par hasard sur son père qui avait sombré dans l'alcool depuis qu'il avait été déshonoré suite à son aventure à la prêtresse et lorsqu'il reconnut Kaïnto comme étant son fils, grâce à une tache de naissance en forme de goutte d'eau qui se trouvait sur son avant-bras, son sang ne fit qu'un tour et il tenta de se venger lui-même en se débarrassant du produit de son malheur. Et avant que ça ne tourne au drame, le patron appela la garde de Mliuej et celle-ci décida de le placer dans la prison temporairement pour l'éloigner de ce type et lui sauver la vie tant qu'à faire. Notez au passage qu'à Mliuej, les ivrognes ne sont arrêtés car ils font marcher le commerce.
Au bout de deux heures, la plupart des occupants de l'auberge étaient bien endormis à l'exception de Fumseck, qui pensait au fond de lui que son plan avait trop bien marché et qu'il se posait quelques questions, et de Aurelias qui en avait profité pour lire un peu son Manuel des Prodiges des Novices de Dlul. Et finalement, trois heures plus tard, vers deux heures du matin, les soupçons de Fumseck se confirmèrent lorsqu'il entendit des bruits sur la porte de l'auberge depuis sa fenêtre et qu'en regardant sur celle-ci, il vit qu'une troupe de gardes passablement énervée et présentant quelques marques dues à leur tabassage par Fumseck et Dumlor se présentait à la porte de l'auberge. Il fallait donc intervenir rapidement. Il se remit en tenue de combat en vitesse, récupéra sa bourse et ses affaires et décida de réveiller tout le monde sinon ils risquaient d'avoir des ennuis :
- « Réveil général, gueula-t-il. La garde est à l'entrée de l'auberge. Bougez-vous! »
Deux minutes plus tard, Dralnu, Aurelias et Dumlor étaient déjà prêts et répondaient présents à l'appel tandis que Kaïnto était encore au pays des rêves.
- « Bon, on fait quoi de l'autre? Demanda le barbare.
- On va le réveiller nous-même et on le bouge un peu sinon on est dans les ennuis jusqu'au coup. »
Cette dernière proposition fut approuvée à l'unanimité et le barbare ne prit pas la peine de frapper avant d'entrer dans la chambre de Kaïnto, qui fut surpris dans une position de sommeil un peu étrange que même Aurelias ne connaissait pas, si vous voyez la situation, et on força à s'habiller et à récupérer son matériel en le forçant à s'activer comme on le pouvait. Autant vous dire que la situation était grotesque, mais dans ce genre de contexte, l'embarras n'était pas vraiment un souci parce qu'il y avait plus important sur le feu. Dès que tout le monde fut prêt, le groupe dirigé de nouveau par le nain descendit en vitesse au rez-de-chaussée et s'aperçurent que le veilleur de nuit en avait profité pour prendre une bonne cuite tandis que les gardes toujours à l'extérieur commençaient à s'impatienter. Fort heureusement, Fumseck savait que la plupart des taverniers nains avait l'habitude de creuser une galerie en-dessous de leur lieu de travail pour pouvoir faire passer diverses choses en contre-bande, vu que ça permettait d'éviter les soucis de quotas et les diverses taxes, et espérait que l'aubergiste du Sanglier Moqueur ne ferait pas exception à la règle. Ce qui ne fut évidemment pas le cas puisque le poivrot était trop bourré pour avoir pris la peine de cacher sa trappe qui se trouvait près de lui derrière le comptoir. Le barbare prit donc une initiative efficace et plaça une bonne beigne dans la tête du veilleur qui ne resta plus éveillé bien longtemps, après que Dumlor ait finalement décidé d'en rajouter une couche. Fumseck en profita naturellement pour prendre la caisse qui était un peu lourde à cause du pouvoir de l'or contenu dedans mais qui était scellée par un cadenas, ce qui ne le dérangea pas tellement sur le coup. Kaïnto décida de passer devant vu qu'il disposait d'une excellente vue de part son côté elfique, élan qui ne fut contesté par personne et Aurelias décida de clore la marche pour éviter de ralentir le groupe. Enfin, Fumseck décida de verrouiller la trappe et Dralnu fit fondre le verrou après une boule de feu bien dosée. Maintenant, ils étaient piégés comme des rats dans le souterrain du Sanglier Moqueur mais ils étaient libres et c'était toujours mieux que d'être en prison.
Maintenant qu'ils étaient hors d'atteinte, ils décidèrent de faire le point sur leur situation et de réfléchir à la suite de ce qu'ils allaient faire :
- « Bon, ben, déjà on a eu de la chance que la théorie de Fumseck ait été exacte et qu'il y ait bien eu une trappe secrète dans cette taverne, commença Kaïnto. Sauf que maintenant, on est bloqués parce que la trappe est verrouillée.
- Pas vraiment, répondit le nain. Ce tunnel doit être normalement un simple maillon d'un réseau donc on aura toujours une autre sortie.
- Sauf que les gardes doivent également savoir, intervint Aurelias. Ce sont aussi des nains après tout. Donc, il leur suffira de placer des gardes à chaque sortie importante de ce réseau et ils nous mettront facilement la main dessus. Donc, monsieur l'expert en réseau souterrain, on fait quoi?
- Il reste toujours l'ancienne mine de Mliuej mais c'est risqué.
- Risqué? Se hérissa Kaïnto. Comment ça?
- Avant que je t'explique, réfléchis un minimum. Tu ne trouverais pas étrange qu'une mine chez les nains présentant encore du minerai ne soit plus exploitée sans aucune raison?
- Bon, s'échauffa Dumlor. On va arrêter les devinettes et se mettre à table direct, donc, qu'est-ce que tu sais le nain?
- Une invasion d'orques, répondit-il simplement. Il y a quelques mois, une armée d'orques a tenté d'attaquer Mliuej et les survivants ont été repoussés dans ces galeries, donc on risque de tomber sur eux.
- Bizarre, fit Dralnu suspicieusement, je n'ai pas du tout entendu parler de ça.
- Normal, on avait quelques problèmes d'argent à Mliuej donc on n'a pas fait appel à des renforts d'autres espèces et on a gardé ça pour nous, donc personne d'autre que les nains est au courant.
- Alors, pourquoi tu nous en parles? S'étonna le haut-elfe. Ce n'était pas censé rester secret?
- Maintenant que l'argent est revenu à Mliuej, ce n'est plus un souci pour nous que ça soit révélé ou pas.
- Donc, si je suis bien, résuma Kaïnto, il y a des dizaines d'orques qui traînent dans ce réseau de galeries et tu nous as quand même attiré ici?! Non, mais tu es stupide ou quoi?
- Et d'un, on n'avait pas tellement d'autre option. Et de deux, je n'ai jamais dit qu'ils étaient partout, ils doivent plutôt être concentrés à un seul endroit. Et de trois, qui t'a permis de me traiter d'imbécile alors qu'on t'a sauvé de la garde en te bougeant un peu, face de truite?
- Bon, on ne va pas commencer à s'engueuler sinon, on est mal barrés. Pour revenir à un sujet sérieux, pour sortir d'ici, on fait comment? Est-ce que tu as au moins un plan pour sortir d'ici?
- Déjà, faudrait que tu nous éclaires un peu avec ta magie, comme ça les explications vont aller plus vite. »
Le mage noir accepta donc de s'exécuter rapidement.
- « Bon, pour faire simple, plus on s'enfonce dans cette mine, plus les parois de granite qui nous entourent seront foncées, à cause de la concentration plus importante de minerai. Donc, en se dirigeant vers des couleurs de plus en plus claires, on atterrira forcément sur une sortie à l'air libre.
- C'est aussi simple que ça?
- Je suis guerrier, moi, pas géologue. Pour tous les détails techniques, je ne les connais pas et je me porte très bien sans.
- Non, mais je veux dire : connaissant la réputation des nains, je m'attendais à quelque chose de plus complexe concernant l'organisation des mines, vu la manière dont vous gérez les creusements de tunnels.
- Bon, d'accord, je vais te servir l'explication sur le système d'organisation des mines si tu y tiens tellement...
- Non mais en fait... tenta de l'arrêter Kaïnto.
-Bon, pour commencer, lors du creusement de la mine, on fait un conduit principal qui sert à remonter tout ce qu'on creuse. Puis on inscrit sur la paroi des graduations destinées à indiquer la profondeur à laquelle on se trouve. Ensuite, on creuse les quatre ailes cardinales vers le fond du conduit principal, afin de créer un cadre tridimensionnel de repérage pour le creusement...
- Bon, ça va, on a compris.
Mais malheureusement pour les quatre autres, le nain descendant d'une famille de mineurs était déjà lancé dans son exposé.
- Donc, dès qu'on a fini de consolider les quatre ailes cardinales, on les gradue également pour repérer l'écart que l'on a vis-à-vis du conduit, ce qui permet de définir les trois mesures du cadre : profondeur, largeur et longueur. Et enfin, lorsque les bases de la mine sont prêtes, chaque nain doit réaliser ce qu'on appelle un pari de détection de fortune.
Un pari de détection de fortune? S'étonna le mage.
Oui, ou PDF dans notre jargon. Il s'agit de réaliser de faire des pronostics sur la quantité de minerai dans une zone. Par exemple, dans la zone nord-est, chacun pariera qu'il y aura tant de pierres précieuses, tant de granit, tant de klokolium, sachant qu'on doit donner les proportions pour chacune des dix roches et métaux les plus répandus de la Terre de Fangh. Une fois les pronostics, on creuse le tunnel sur un cube de un mètre et on regarde la composition de ce qui est extrait, et celui qui est le plus proche du résultat gagne le droit d'exploiter le secteur. Enfin, pour le codage des secteurs, selon le code A00-B11-CCCC en vigueur depuis le troisième décret de la convention des mineurs des Montages du Nord, A00 désigne l'aile cardinale dont on est parti (pour la lettre) et 00 à quel niveau la galerie a été commencée, B11 désigne la même chose à l'échelle de la galerie mais donnant sur la sous-galerie et CCCC les quatre lettres désignant le code correspondant au clan détenant les droits d'exploitation sur la galerie, cette série de lettres étant répertorié sur le Registre des Mineurs de Clans, ou RMC dans le jargon technique. C'est bon, vous avez tout compris?
Les membres du groupe lui servirent en guise de réponse un regard chargé de fer fondu qui disait « rajoute-en rien qu'un milligramme et on t' explose ». Ce qui fut interprété par Fumseck comme une preuve de compréhension.
- Bon, maintenant que tu as fini ton exposé, on pourrait y aller? Demanda Aurelias. Je n'ai pas envie de m'attarder ici. »
Propos qui fut approuvé par l'ensemble du groupe.
L'équipe ainsi formée guidée par le nain commença donc son périple souterrain, sans se douter que la garde avait discrètement écouté leur conversation et avait déjà commencé à mettre en place un dispositif à la sortie des galeries.