C'est une belle journée - Mylène Farmer
Spoiler
Il y avait des champs à perte de vue, entre lesquels s'écoulait une rivière à Magicarpe sinueuse au courant fort. Des bois bordaient ces plaines labourées, aux arbres jeunes et la faune abondante. C'était dans ce petit coin de nature paradisiaque que vivait Kathy avec ses parents, propriétaires de la ferme et des terrains alentours.
En fin de matinée, alors que le soleil était quasiment à son zénith, assise en amazone sur son Ponyta, que sa famille lui avait offert deux ans auparavant lors de son dixième anniversaire, elle partit se balader en forêt. Elle aurait souhaité que son frère aîné l'accompagne, mais ce dernier avait décliné son invitation en précisant qu'il tenait à finir son livre, un pavé poussiéreux ennuyeux à souhait.
Avec grâce et fierté, elle tenait les rênes dans d'une petite main gantée, l'autre gardant sa cravache contre l'épaule du pokémon. Un pression de mollets contre le ventre du Ponyta suffit à le faire partir au trot. Elle atteignit une clairière au bout de quelques minutes, où elle mit pied à terre dans le but de cueillir des fleurs des champs pour les offrir à sa mère. Elles iraient magnifiquement bien dans le vase en cristal de la salle à manger.
Des roses sauvages poussaient un peu plus loin sur le sentier. Elle alla en couper quelques unes, car elle les trouvait splendides : rouges aux reflets noirs. Il était fort rare de croiser des spécimen d'une telle couleur. Cependant, une épine transperça son gant en dentelle blanche, qui fut bientôt tâché de sang. Elle suça la plaie comme on le lui avait appris afin d'éviter qu'elle ne s'infecte, et s'apprêtait à tourner les talons, ses fleurs sur le bras, lorsqu'elle entendit un bruit qui l'intrigua.
Un jeune Cerfrousse apparut entre deux buissons. Il était si mignon ! Kathy posa avec précaution son bouquet sur le sol puis avança dans sa direction, lentement, pour ne pas l'effrayer, la main tendue. Le pokémon prit peur malgré toutes ses précautions et recula de quelques pas. Elle fit une nouvelle tentative, mais il s'éloigna aussi vite que le lui permettait ses fragiles pattes longilignes.
La fillette siffla son Ponyta qui trottina dans sa direction. En toute hâte, elle jeta les fleurs dans la sacoche qu'elle avait accrochée à un quartier de sa selle avant de se hisser sur le dos de la créature avec l'aide d'une vieille souche couverte de mousse. Amusée, elle poursuivit le Cerfrousse à travers bois. Il l'entraîna de plus en plus profondément au coeur de la forêt, là où les arbres se faisaient plus anciens, mais aussi plus denses. La lumière avait moins de facilité à filtrer entre leurs branches. Finalement, Kathy perdit le pokémon de vue, mais ce ne fut pas la seule chose. Elle aurait été incapable de dire où elle se trouvait exactement.
- Oh, flûte ! couina-t-elle de sa petite voix aiguë. Moi qui avais promis à Maman d'être rentrée avant le déjeuner. Elle va être fâchée, maintenant. Ponyta, mon ami, dis-moi, sais-tu où se trouve la maison ?
Comme elle le craignait, sa monture hocha la tête en signe de dénégation. Honteuse, la fillette lui mit un léger coup de talon dans les flancs pour qu'il avance. Il resta au petit pas, ce qui lui permis d'observer les alentours dans l'espoir d'identifier un détail qui lui permettrait de se souvenir du chemin qu'ils venaient d'emprunter.
Soudain, son pokémon s'arrêta brutalement. Une lignée de buissons épineux faisait barrière devant eux. Kathy songea un instant à lancer une attaque Flammèche pour les réduire en cendre et poursuivre ainsi leur route, mais il n'avait pas plu depuis des jours et le bois autour d'eux était sec. Elle risquait de déclencher un feu de forêt qui mettrait en danger tous les pokémon qui vivaient dans cet endroit. En tout cas, ces buissons confirmaient le fait qu'elle était belle et bien perdue : jamais elle ne les avait vus auparavant.
Elle passa sa jambe par-dessus le cuir qui calait sa jambe en amazone et sauta sur le sol. Ses bottes épaisses amortirent un peu le choc, mais cela ne lui empêcha pas de se faire mal aux chevilles et au dos. Passant les rênes de sa monture par-dessus sa crinière incandescente, elle ouvrit la marche, Ponyta dans son sillage.
Kathy ramassa une branche d'apparence solide sur le sol, et s'en servit pour écarter les ronces qui leur barraient la route. Même si cela lui permit de leur frayer un chemin, elle ne s'en sortit pas sans égratignure, au contraire. Sa robe au velours bleu roi, ainsi que ses collants fins, avaient été déchirés par les épines acérées. Sa peau était également touchée, mais elle saignait peu. Les blessures étaient toutes superficielles.
Ce fut avec soulagement qu'elle passa la barricade qu'étaient les buissons. Elle aurait aimé se remettre en selle, mais les branches des arbres étaient très basses. Sur le dos de son Ponyta, elle aurait risqué de se cogner la tête. D'ailleurs, malgré toutes ses précautions pour les éviter, plusieurs morceaux de bois s'accrochèrent dans ses cheveux. Elle en arracha beaucoup en croyant de se libérer de la prise des arbres, et bientôt ses anglaises soignées et bouclées ne furent plus qu'un tas de noeuds crépus.
- Arceus tout-puissant, où sommes-nous ? supplia-t-elle, les yeux levés en direction du ciel qu'elle apercevait à peine entre les feuilles touffues. Si Vous m'entendez, aidez-nous, je Vous en conjure.
Elle sortit un chapelet de sa poche qu'elle égraina tout en prononçant à voix très basse une prière destinée à l'Alpha. Elle était très pieuse, et L'avait toujours respecté. Elle croyait sincèrement qu'Il la reconduirait sur le bon chemin.
Elle continua à errer un long moment au hasard, avant que l'agencement des lieux ne redeviennent favorable à sa montée en selle. Certaine de ne plus risquer d'être éborgnée ou griffée par des branches noueuses, elle se rassit sur le dos de son Ponyta. D'ailleurs, cet élément lui permit de constater que les arbres étaient différents. Plus jeunes. Elle ne devait plus être très loin de l'orée de la forêt.
Lançant son pokémon au galop, tenant les rênes à deux mains car elle avait perdu sa cravache depuis un bon moment, elle continua d'avancer en ligne droite. Arceus avait entendu sa prière, elle savait qu'Il était grand et pur. Jamais Il ne l'aurait laissé seule, perdue dans les bois alors qu'elle était si près de chez elle.
Bientôt, elle reconnut soulagée le vieux rocher couvert de mousse et de champignons sur lequel son frère et elle montaient parfois, puis l'arbre tordu qui avait sûrement dû être frappé par la foudre avant leur arrivée dans la région, car elle l'avait toujours connu ainsi. Poussant un soupir, Kathy sauta avec soulagement par-dessus un petit buisson avant de jaillir en pleine lumière, hors de la forêt.
Elle éclata de rire. Sa peur lui semblait soudain bien lointaine. Elle avait retrouvé son chemin, même si cela lui avait pris beaucoup de temps. Il avait simplement fallu qu'elle garde son calme et qu'elle évite de paniquer, au risque de se perdre davantage, ce qui n'avait pas été une chose facile.
Euphorique, elle dirigea ses rênes pour que Ponyta emprunte le pont qui la séparait des terres familiales. Jamais elle n'avait été aussi contente de revoir la grande roue à aube qui, grâce à la puissance du torrent, aidait le moulin à fonctionner lorsqu'il n'y avait pas de vent. Elle descendit allègrement de sa monture pour regarder son reflet dans l'eau agitée de la rivière.
Elle qui avait l'habitude de voir une belle enfant brune au teint de porcelaine et toujours impeccable, elle ne fut pas déçue : elle était encore plus laide que les épouvantails installés dans les champs par son père pour faire fuir les Cornèbre et les Roucool. Ses cheveux étaient emmêlés de feuillages et sa peau claire avait été encrassée par la poussière. Sa robe était en lambeaux, tout comme ses bras marqués par les griffures des ronces.
- Ils doivent déjà être inquiets, je n'ose même pas imaginer ce qu'ils vont penser lorsqu'ils vont me voir arriver dans un tel état.
Kathy plongea ses mains dans l'eau fraîche pour se nettoyer le visage, puis tenta de dompter ses cheveux à l'allure sauvageonne en les plaquant contre son crâne après en avoir ôté toutes les branchettes et les feuilles.
Elle conduisit ensuite son Ponyta à l'écurie où elle lui donna une auge entière de poffins, cuisinés par ses soins, qu'il avait amplement mérité, avant de rentrer chez elle. Sa maison, qui ressemblait plus à une grande chaumière, était le bâtiment qui se situait le plus à l'ouest, juste après l'étable et l'enclos où paissaient tranquillement les Wattouat et les Tauros en parfaite harmonie.
- Me voici ! s'écria-t-elle gaiement en poussant la porte d'entrée qui n'était pas fermée. Je suis désolée, je me suis égarée dans les bois en suivant un Cerfrousse et j'ai été obligée de traverser des ronces pour revenir jusqu'ici.
Elle n'eut aucune réponse. Peut-être ses parents, angoissés, étaient-ils partis à sa recherche ? Pourtant, elle trouvait étrange que l'un d'entre eux, ou même son frère, ne soit resté à la maison au cas-où elle rentrerait, ce qui d'ailleurs était le cas.
- Eh oh ? Vous m'entendez ? Il y a quelqu'un ?
Elle n'obtint aucune réponse. C'était elle qui commençait à être anxieuse désormais. L'atmosphère était plus angoissante encore que lorsqu'elle s'était crue perdue dans les bois. Ce n'était pas le genre de ses parents de disparaître de la sorte, et encore moins de son frère, un garçon d'intérieur diaboliquement intelligent qui préférait passer ses journées à lire ses livres ou à s'adonner à diverses expériences scientifiques.
- Si vous me faîtes une plaisanterie, elle n'est vraiment pas amusante. Dîtes-moi où vous êtes, maintenant, exigea l'enfant dont la voix était presque nouée par l'anxiété.
Elle pénétra dans la cuisine qui faisait également office de salle à manger. La table n'était pas dressée, le four était éteint et les marmites ne contenaient rien. Personne n'avait préparé le repas. Elle regarda l'horloge murale, suspendue au-dessus du plan de travail. Il était presque deux heures de l'après-midi. Elle avait longtemps vagabondé dans les bois, pourtant aucun repas n'avait été préparé dans cette pièce, alors que sa mère avait eu largement le temps de le faire depuis son départ. L'évier était sec, preuve que personne n'avait utilisé le robinet. Que se passait-il dans cette maison ?
Le coeur serré, Kathy se dirigea vers le salon, de l'autre côté de la maison. Elle avait un mauvais pressentiment, et ses doigts hésitèrent longuement avant de se poser sur la poignée en acier, qu'elle ne tourna pas immédiatement, comme si elle craignait ce qu'elle pourrait trouver de l'autre côté. Au mieux, il n'y aurait personne. Au pire, elle s'interdit d'y penser. C'était impossible. Il ne pouvait rien être arrivé à sa famille.
Enfin, sa petite paume délicate fit pression sur le métal et la porte s'ouvrit. En voyant le salon et le spectacle qui se dévoilait sous ses yeux, elle poussa un hurlement. Le regard bientôt obscurci par les larmes, elle dût se tenir au montant de bois pour ne pas s'évanouir. Pendant un instant, elle crût que son coeur allait cesser de battre, tandis que la terreur l'envahissait totalement.
En fin de matinée, alors que le soleil était quasiment à son zénith, assise en amazone sur son Ponyta, que sa famille lui avait offert deux ans auparavant lors de son dixième anniversaire, elle partit se balader en forêt. Elle aurait souhaité que son frère aîné l'accompagne, mais ce dernier avait décliné son invitation en précisant qu'il tenait à finir son livre, un pavé poussiéreux ennuyeux à souhait.
Avec grâce et fierté, elle tenait les rênes dans d'une petite main gantée, l'autre gardant sa cravache contre l'épaule du pokémon. Un pression de mollets contre le ventre du Ponyta suffit à le faire partir au trot. Elle atteignit une clairière au bout de quelques minutes, où elle mit pied à terre dans le but de cueillir des fleurs des champs pour les offrir à sa mère. Elles iraient magnifiquement bien dans le vase en cristal de la salle à manger.
Des roses sauvages poussaient un peu plus loin sur le sentier. Elle alla en couper quelques unes, car elle les trouvait splendides : rouges aux reflets noirs. Il était fort rare de croiser des spécimen d'une telle couleur. Cependant, une épine transperça son gant en dentelle blanche, qui fut bientôt tâché de sang. Elle suça la plaie comme on le lui avait appris afin d'éviter qu'elle ne s'infecte, et s'apprêtait à tourner les talons, ses fleurs sur le bras, lorsqu'elle entendit un bruit qui l'intrigua.
Un jeune Cerfrousse apparut entre deux buissons. Il était si mignon ! Kathy posa avec précaution son bouquet sur le sol puis avança dans sa direction, lentement, pour ne pas l'effrayer, la main tendue. Le pokémon prit peur malgré toutes ses précautions et recula de quelques pas. Elle fit une nouvelle tentative, mais il s'éloigna aussi vite que le lui permettait ses fragiles pattes longilignes.
La fillette siffla son Ponyta qui trottina dans sa direction. En toute hâte, elle jeta les fleurs dans la sacoche qu'elle avait accrochée à un quartier de sa selle avant de se hisser sur le dos de la créature avec l'aide d'une vieille souche couverte de mousse. Amusée, elle poursuivit le Cerfrousse à travers bois. Il l'entraîna de plus en plus profondément au coeur de la forêt, là où les arbres se faisaient plus anciens, mais aussi plus denses. La lumière avait moins de facilité à filtrer entre leurs branches. Finalement, Kathy perdit le pokémon de vue, mais ce ne fut pas la seule chose. Elle aurait été incapable de dire où elle se trouvait exactement.
- Oh, flûte ! couina-t-elle de sa petite voix aiguë. Moi qui avais promis à Maman d'être rentrée avant le déjeuner. Elle va être fâchée, maintenant. Ponyta, mon ami, dis-moi, sais-tu où se trouve la maison ?
Comme elle le craignait, sa monture hocha la tête en signe de dénégation. Honteuse, la fillette lui mit un léger coup de talon dans les flancs pour qu'il avance. Il resta au petit pas, ce qui lui permis d'observer les alentours dans l'espoir d'identifier un détail qui lui permettrait de se souvenir du chemin qu'ils venaient d'emprunter.
Soudain, son pokémon s'arrêta brutalement. Une lignée de buissons épineux faisait barrière devant eux. Kathy songea un instant à lancer une attaque Flammèche pour les réduire en cendre et poursuivre ainsi leur route, mais il n'avait pas plu depuis des jours et le bois autour d'eux était sec. Elle risquait de déclencher un feu de forêt qui mettrait en danger tous les pokémon qui vivaient dans cet endroit. En tout cas, ces buissons confirmaient le fait qu'elle était belle et bien perdue : jamais elle ne les avait vus auparavant.
Elle passa sa jambe par-dessus le cuir qui calait sa jambe en amazone et sauta sur le sol. Ses bottes épaisses amortirent un peu le choc, mais cela ne lui empêcha pas de se faire mal aux chevilles et au dos. Passant les rênes de sa monture par-dessus sa crinière incandescente, elle ouvrit la marche, Ponyta dans son sillage.
Kathy ramassa une branche d'apparence solide sur le sol, et s'en servit pour écarter les ronces qui leur barraient la route. Même si cela lui permit de leur frayer un chemin, elle ne s'en sortit pas sans égratignure, au contraire. Sa robe au velours bleu roi, ainsi que ses collants fins, avaient été déchirés par les épines acérées. Sa peau était également touchée, mais elle saignait peu. Les blessures étaient toutes superficielles.
Ce fut avec soulagement qu'elle passa la barricade qu'étaient les buissons. Elle aurait aimé se remettre en selle, mais les branches des arbres étaient très basses. Sur le dos de son Ponyta, elle aurait risqué de se cogner la tête. D'ailleurs, malgré toutes ses précautions pour les éviter, plusieurs morceaux de bois s'accrochèrent dans ses cheveux. Elle en arracha beaucoup en croyant de se libérer de la prise des arbres, et bientôt ses anglaises soignées et bouclées ne furent plus qu'un tas de noeuds crépus.
- Arceus tout-puissant, où sommes-nous ? supplia-t-elle, les yeux levés en direction du ciel qu'elle apercevait à peine entre les feuilles touffues. Si Vous m'entendez, aidez-nous, je Vous en conjure.
Elle sortit un chapelet de sa poche qu'elle égraina tout en prononçant à voix très basse une prière destinée à l'Alpha. Elle était très pieuse, et L'avait toujours respecté. Elle croyait sincèrement qu'Il la reconduirait sur le bon chemin.
Elle continua à errer un long moment au hasard, avant que l'agencement des lieux ne redeviennent favorable à sa montée en selle. Certaine de ne plus risquer d'être éborgnée ou griffée par des branches noueuses, elle se rassit sur le dos de son Ponyta. D'ailleurs, cet élément lui permit de constater que les arbres étaient différents. Plus jeunes. Elle ne devait plus être très loin de l'orée de la forêt.
Lançant son pokémon au galop, tenant les rênes à deux mains car elle avait perdu sa cravache depuis un bon moment, elle continua d'avancer en ligne droite. Arceus avait entendu sa prière, elle savait qu'Il était grand et pur. Jamais Il ne l'aurait laissé seule, perdue dans les bois alors qu'elle était si près de chez elle.
Bientôt, elle reconnut soulagée le vieux rocher couvert de mousse et de champignons sur lequel son frère et elle montaient parfois, puis l'arbre tordu qui avait sûrement dû être frappé par la foudre avant leur arrivée dans la région, car elle l'avait toujours connu ainsi. Poussant un soupir, Kathy sauta avec soulagement par-dessus un petit buisson avant de jaillir en pleine lumière, hors de la forêt.
Elle éclata de rire. Sa peur lui semblait soudain bien lointaine. Elle avait retrouvé son chemin, même si cela lui avait pris beaucoup de temps. Il avait simplement fallu qu'elle garde son calme et qu'elle évite de paniquer, au risque de se perdre davantage, ce qui n'avait pas été une chose facile.
Euphorique, elle dirigea ses rênes pour que Ponyta emprunte le pont qui la séparait des terres familiales. Jamais elle n'avait été aussi contente de revoir la grande roue à aube qui, grâce à la puissance du torrent, aidait le moulin à fonctionner lorsqu'il n'y avait pas de vent. Elle descendit allègrement de sa monture pour regarder son reflet dans l'eau agitée de la rivière.
Elle qui avait l'habitude de voir une belle enfant brune au teint de porcelaine et toujours impeccable, elle ne fut pas déçue : elle était encore plus laide que les épouvantails installés dans les champs par son père pour faire fuir les Cornèbre et les Roucool. Ses cheveux étaient emmêlés de feuillages et sa peau claire avait été encrassée par la poussière. Sa robe était en lambeaux, tout comme ses bras marqués par les griffures des ronces.
- Ils doivent déjà être inquiets, je n'ose même pas imaginer ce qu'ils vont penser lorsqu'ils vont me voir arriver dans un tel état.
Kathy plongea ses mains dans l'eau fraîche pour se nettoyer le visage, puis tenta de dompter ses cheveux à l'allure sauvageonne en les plaquant contre son crâne après en avoir ôté toutes les branchettes et les feuilles.
Elle conduisit ensuite son Ponyta à l'écurie où elle lui donna une auge entière de poffins, cuisinés par ses soins, qu'il avait amplement mérité, avant de rentrer chez elle. Sa maison, qui ressemblait plus à une grande chaumière, était le bâtiment qui se situait le plus à l'ouest, juste après l'étable et l'enclos où paissaient tranquillement les Wattouat et les Tauros en parfaite harmonie.
- Me voici ! s'écria-t-elle gaiement en poussant la porte d'entrée qui n'était pas fermée. Je suis désolée, je me suis égarée dans les bois en suivant un Cerfrousse et j'ai été obligée de traverser des ronces pour revenir jusqu'ici.
Elle n'eut aucune réponse. Peut-être ses parents, angoissés, étaient-ils partis à sa recherche ? Pourtant, elle trouvait étrange que l'un d'entre eux, ou même son frère, ne soit resté à la maison au cas-où elle rentrerait, ce qui d'ailleurs était le cas.
- Eh oh ? Vous m'entendez ? Il y a quelqu'un ?
Elle n'obtint aucune réponse. C'était elle qui commençait à être anxieuse désormais. L'atmosphère était plus angoissante encore que lorsqu'elle s'était crue perdue dans les bois. Ce n'était pas le genre de ses parents de disparaître de la sorte, et encore moins de son frère, un garçon d'intérieur diaboliquement intelligent qui préférait passer ses journées à lire ses livres ou à s'adonner à diverses expériences scientifiques.
- Si vous me faîtes une plaisanterie, elle n'est vraiment pas amusante. Dîtes-moi où vous êtes, maintenant, exigea l'enfant dont la voix était presque nouée par l'anxiété.
Elle pénétra dans la cuisine qui faisait également office de salle à manger. La table n'était pas dressée, le four était éteint et les marmites ne contenaient rien. Personne n'avait préparé le repas. Elle regarda l'horloge murale, suspendue au-dessus du plan de travail. Il était presque deux heures de l'après-midi. Elle avait longtemps vagabondé dans les bois, pourtant aucun repas n'avait été préparé dans cette pièce, alors que sa mère avait eu largement le temps de le faire depuis son départ. L'évier était sec, preuve que personne n'avait utilisé le robinet. Que se passait-il dans cette maison ?
Le coeur serré, Kathy se dirigea vers le salon, de l'autre côté de la maison. Elle avait un mauvais pressentiment, et ses doigts hésitèrent longuement avant de se poser sur la poignée en acier, qu'elle ne tourna pas immédiatement, comme si elle craignait ce qu'elle pourrait trouver de l'autre côté. Au mieux, il n'y aurait personne. Au pire, elle s'interdit d'y penser. C'était impossible. Il ne pouvait rien être arrivé à sa famille.
Enfin, sa petite paume délicate fit pression sur le métal et la porte s'ouvrit. En voyant le salon et le spectacle qui se dévoilait sous ses yeux, elle poussa un hurlement. Le regard bientôt obscurci par les larmes, elle dût se tenir au montant de bois pour ne pas s'évanouir. Pendant un instant, elle crût que son coeur allait cesser de battre, tandis que la terreur l'envahissait totalement.
Chapitre 2 : Abandoned
Abandoned - Alexander Rybak
Spoiler
Kathy releva le bas de sa robe et courut jusqu'à l'écurie, les traits défigurés par l'effroi. Elle regrettait déjà d'avoir dessellé son Ponyta et prit juste le temps de lui remettre son filet. Attrapant le tissu onéreux de son vêtements entre ses petites mains, elle en déchira les coutures avant de monter sur le poney de feu, à cru, alors qu'il se trouvait encore dans son box.
Ils sortirent du bâtiment au galop. Elle lui donna l'ordre de couper à travers champ, et ce fut en piétinant une partie des semences de son père que l'enfant s'éloigna de la scène qui lui avait fait un tel choc. D'un bref claquement de langue, elle encouragea sa monture à sauter par-dessus le grillage qui délimitait la propriété familiale. Elle dût se tenir fermement à l'encolure pour ne pas tomber, car elle n'avait pas trop l'habitude de monter à Ponyta sans selle.
Elle eut peur que le pokémon n'arrive pas à tenir la cadence jusqu'au village, à plusieurs miles de là, mais il était moins fragile que ne pouvait le laisser penser sa frêle apparence et son jeune âge. Il résista jusqu'à ce qu'elle lui demande de s'arrêter, enfin, devant le commissariat de police, où elle mit pied à terre, échevelée.
Les portes coulissèrent pour la laisser pénétrer à l'intérieur. Quatre pairs d'yeux la dévisagèrent : deux adjoints en uniforme aux nuances de bleu, qui sirotaient une tasse de café devant le distributeur, une secrétaire à lunettes, assise derrière l'accueil, et l'agent Jenny elle-même, qui sortait juste de son bureau.
Kathy s'avança, tremblante, les nerfs à vif. La policière se précipita vers elle au moment où, emportée par ses émotions, elle tourna de l'oeil. Elle la rattrapa avant qu'elle ne heurte le sol, puis ses collèges vinrent l'aider à l'allonger sur la banquette la plus proche, prenant bien soin de ne pas la cogner contre la table basse où étaient éparpillés quelques magasines.
- Oh ! s'écria l'agent Jenny au moment où elle voulut prendre son pouls. Regardez ses gants. Arceus tout-puissant, mais c'est du sang ! D'où vient donc cette fillette ? Margot, s'il vous plaît, allez vite chercher l'infirmière Joëlle, dites-lui qu'elle doit venir immédiatement ici. Cette pauvre petite va sûrement avoir besoin de soins. Et vous, allez faire des compresses d'eau fraîche. Prenez ce que vous voulez, serviettes, mouchoirs, mais dépêchez-vous !
Les adjoints se précipitèrent vers l'arrière du commissariat, tandis que la secrétaire sortait dans la rue. L'effervescence avait permis à Kathy de revenir progressivement à elle. Quand elle entrouvrit les yeux, après une minute qui avait semblé interminable à la femme qui lui avait porté secours, sa vision était troublée. Des pleurs remontèrent à la surface lorsque ce qu'elle avait vu plus tôt lui revint en mémoire.
- Bonjour, dit simplement la policière d'une voix très douce pour ne pas l'effrayer, et encore moins la brusquer alors qu'elle reprenait à peine conscience. Je m'appelle Jenny. Fais un geste si tu me comprends.
La fillette ne se sentait pas en état de faire le moindre mouvement, aussi se contenta-t-elle de cligner fermement des yeux, tandis qu'une larme roulait le long de sa joue jusqu'au creux de son oreille, puisqu'elle était allongée.
- Ne bouge pas, je reviens dans une seconde, d'accord ? Ne t'inquiète pas, et surtout ne t'agite pas.
La femme se leva pour atteindre le distributeur adossé au mur derrière elle. Elle inséra quelques piécettes dans la fente prévue à cet effet, puis une bouteille d'eau fraîche en tomba. Elle la déboucha avant d'aller en verser quelques gouttes dans la bouche de l'enfant. Ce ne fut qu'au moment où le liquide toucha ses lèvres que Kathy se rendit compte à quel point elle avait soif.
L'agent Jenny l'aida à se redresser car elle toussota plusieurs fois, ayant du mal à avaler en position allongée. Ses mains se refermèrent sur la bouteille et elle en but une longue gorgée qui lui fit le plus grand bien. Ce fut à cet instant que les adjoints revinrent dans la salle d'accueil, un linge blanc détrempé lacéré entre les mains.
- Elle va mieux, à ce que je vois, constata le plus grand des deux, en tendant tout de même le chiffon humide à sa supérieur.
- Je crois qu'elle est en état de choc. Messieurs, l'infirmière Joëlle va arriver d'un instant à l'autre pour ausculter cette enfant. Vous comprenez que la décence m'oblige à vous demander de patienter dans votre bureau pendant que la petite reçoit ses soins.
- Bien sûr, agent Jenny, affirma le second, plus trapu, en se mettant au garde-à-vous. Nous attendrons. Avertissez-nous quand vous en saurez davantage.
Kathy posa la bouteille d'eau vide sur la table basse, puis se recroquevilla, accolant ses cuisses contre son buste, avant de les encercler de ses bras. La policière acheta une autre boisson, plus sucrée, qu'elle lui donna. L'enfant s'en empara entre ses gants ensanglantées.
- Tu ne veux pas me dire ce qu'il t'est arrivé ?
Elle aurait voulu parler, mais sa gorge nouée l'empêcher d'émettre le moindre son. Elle hocha la tête en signe de dénégation. Comme son regard s'embuait à nouveau, la femme l'invita à prendre une gorgée de soda.
- Et ton nom, peux-tu me le donner ?
- Je... K-K-Kathy, bredouilla l'intéressée en tremblant nerveusement.
- Tu es très jeune, Kathy. Quel âge as-tu ? Onze ans ? Douze ?
Elle répondit par l'affirmative d'un petit couinement apeuré. L'agent Jenny aurait voulu faire quelque chose pour elle, mais cette enfant venait visiblement de subir un traumatisme psychologique, et l'infirmière serait mieux à même qu'elle de lui venir en aide. Elle se contenta de prendre ses petites mains entre les siennes pour ôter ses gants.
Son instinct de policière lui indiquait que le sang n'était pas à la fillette. Elle regarda ses paumes, avant de les comparer aux taches clairsemées sur la dentelle. Seule une égratignure au pouce pouvait correspondre avec le liquide répandu au niveau de l'index de la main droite. Les autres semblaient plus récentes, pourtant l'enfant n'avait aucune autre blessure.
- Que t'es-tu fait ? s'enquit l'agent Jenny en lui montrant la plaie au bout de son doigt.
- J-j-je... Ce-ce-c'est un rosier qui m-m-m'a piquée. J-j-je me suis p-p-perdue en f-f-forêt.
- C'est pour cela que tu es dans un tel état ?
Kathy acquiesça d'une signe de tête au moment où les portes coulissantes s'ouvrirent sur l'infirmière Joëlle qui arrivait enfin, escortée par la secrétaire. Sa trousse sous le bras, son stéthoscope autour du cou, elle accourut vers sa jeune patiente qui l'attendait.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle tout bas à la policière avant de commencer son examen.
- Je ne sais pas, elle est arrivée ici avec une allure de sauvageonne et elle s'est presque aussitôt évanouie.
- A dos de Ponyta, je suppose. Margot et moi-même en avons vu un juste devant l'entrée de votre commissariat. Il avait un filet, preuve qu'il appartient à quelqu'un. Si vous voulez mon avis, vous feriez bien d'aller l'attacher avant qu'il ne s'échappe.
Tandis que l'agent Jenny s'exécutait, l'infirmière sortit son nécessaire de sa trousse, tout en priant Kathy d'ôter sa robe. Quand elle ne fut plus qu'en sous-vêtements, elle remarqua les marques d'éraflure sur ses bras.
- Que t'est-il arrivé pour que tu es toutes ces blessures ?
- J-j-je... R-r-rien. C-c-ce sont les buissons.
La femme comprit qu'elle n'arriverait à rien avec la fillette dans un tel état. Dans un verre d'eau qu'elle alla chercher au robinet, elle lui dilua un calmant. C'était un médicament pour adulte, aussi ne lui en donna-t-elle qu'une faible dose, nécessaire pour calmer ses nerfs qui semblaient à bout.
Il fit bientôt effet. L'infirmière, alors qu'elle appliquait un cataplasme d'Anti-Brûle sur les jambes frêles qui avaient souffert du contact avec la peau ardente du Ponyta, constata avec soulagement que les tremblements commençaient à s'atténuer.
- Tu n'aurais pas dû monter à cru, tu sais. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'un Galopa, car les dégâts auraient été plus importants. Il faut toujours une couche protectrice entre la robe de ces pokémon et ta peau. Un simple pantalon en tissu tout ce qu'il y a de plus banal aurait suffi.
- Je sais, murmura Kathy d'une voix plus reposée, probablement à cause du calmant, mais néanmoins toujours hésitante. Je n'avais pas le temps. Je... Je devais venir.
- Comment cela, pas le temps ? Ah, Jenny ! Vous revenez au bon moment, pourriez-vous s'il vous plaît me couper un morceau de bande stérilisée pendant que je désinfecte ces égratignures.
- Avez-vous vu ses gants, Joëlle ? s'enquit la policière, les sourcils froncés, tout en lui tendant ce qu'elle lui avait réclamé.
- Non, qu'ont-ils ? Oh !
L'infirmière ouvrit des yeux ronds et manqua de lâcher le coton alcoolisé avec lequel elle nettoyait les griffures que les ronces avaient infligées à Kathy. Elle avait suivi le regard de son interlocutrice jusqu'à l'objet en question.
- Par Arceus, tes blessures sont toutes superficielles. Comment cela se fait-il que tes gants soient couvertes de tout ce sang alors que tu n'as qu'une petite entaille au doigt ?
- Ce n'est pas le mien, articula lentement l'enfant dont l'esprit devenait de plus en plus confus suite au médicament dont elle n'avait pas l'habitude. C'est ma faute.
- Qu'est-ce qui est ta faute ? insista l'agent Jenny en venant s'agenouiller face à elle pour prendre ses mains entre les siennes.
- Je devais rentrer avant midi, or j'ai voulu suivre un Cerfrousse à cause duquel je me suis égarée. Je suis arrivée à la maison avec plus de deux heures de retard et là... là... Si seulement je ne m'étais pas perdue !
- Où habites-tu ?
- A environ trois miles après la sortie du village. Au milieu des champs, il y a une ferme qui appartient à mes parents.
- Je vais envoyer immédiatement mes adjoints sur place, mais il faut que tu me donnes plus de précision quant à ce que tu as découvert, afin qu'ils sachent quoi chercher.
- Il n'y a rien, affirma Kathy contre toute attente. Juste du sang, beaucoup de sang. Mais rien d'autre. Les murs du salon ont été éclaboussés, ainsi que les meubles. Si j'en ai par mes gants, c'est parce que je me suis appuyée sur le battant de la porte, qui lui aussi en était plein.
- Tu n'as rien à te reprocher. Au contraire, tu as été courageuse de venir jusqu'ici nous avertir. Quant à ce qui s'est passé dans la forêt, je crois qu'au contraire que cela t'a été bénéfique. Si tu étais rentrée à l'heure prévue, je doute que tu aies pu faire quoi que ce soit pour sauver ta famille et tu aurais disparu en même temps qu'eux. Là, grâce à ton intervention, nous avons une chance de les retrouver.
- Je doute qu'avec tout le sang que j'ai vu, il y ait la moindre chance qu'ils soient encore vivant au moment où nous parlons, affirma la fillette en pleurs avec un éclair de lucidité. Et maintenant, sans mon frère et mes parents, je suis toute seule.
- Jenny, allez sans tarder sur les lieux. Vos adjoints ne suffiront pas, vous êtes la plus qualifiée pour mener cette enquête. Ne vous tracassez pas pour la petite, je vais m'en occuper.
- S'il y a la moindre chance, le plus petit espoir, je te jure que je te ramènerai ta famille, Kathy. Mais surtout, ne quitte pas la surveillance de l'infirmière Joëlle pour l'instant. Je vous la confie, mon amie. Et les monstres qui ont fait cela finiront leur vie en prison, je peux vous l'assurer.
Le regard déterminé, la policière appela ses collègues tandis que Kathy se rhabillait, et ils quittèrent les lieux en toute hâte pour se rendre sur la scène de crime. L'enfant aurait aimé se bercer d'illusions : restait-il la plus infime lueur ? Se pouvaient-ils que ses parents soient encore vivants, ainsi que son frère, malgré tout ce sang ? Avait-elle le droit d'espérer, au risque d'être ensuite abattue par la réalité ?
Ils sortirent du bâtiment au galop. Elle lui donna l'ordre de couper à travers champ, et ce fut en piétinant une partie des semences de son père que l'enfant s'éloigna de la scène qui lui avait fait un tel choc. D'un bref claquement de langue, elle encouragea sa monture à sauter par-dessus le grillage qui délimitait la propriété familiale. Elle dût se tenir fermement à l'encolure pour ne pas tomber, car elle n'avait pas trop l'habitude de monter à Ponyta sans selle.
Elle eut peur que le pokémon n'arrive pas à tenir la cadence jusqu'au village, à plusieurs miles de là, mais il était moins fragile que ne pouvait le laisser penser sa frêle apparence et son jeune âge. Il résista jusqu'à ce qu'elle lui demande de s'arrêter, enfin, devant le commissariat de police, où elle mit pied à terre, échevelée.
Les portes coulissèrent pour la laisser pénétrer à l'intérieur. Quatre pairs d'yeux la dévisagèrent : deux adjoints en uniforme aux nuances de bleu, qui sirotaient une tasse de café devant le distributeur, une secrétaire à lunettes, assise derrière l'accueil, et l'agent Jenny elle-même, qui sortait juste de son bureau.
Kathy s'avança, tremblante, les nerfs à vif. La policière se précipita vers elle au moment où, emportée par ses émotions, elle tourna de l'oeil. Elle la rattrapa avant qu'elle ne heurte le sol, puis ses collèges vinrent l'aider à l'allonger sur la banquette la plus proche, prenant bien soin de ne pas la cogner contre la table basse où étaient éparpillés quelques magasines.
- Oh ! s'écria l'agent Jenny au moment où elle voulut prendre son pouls. Regardez ses gants. Arceus tout-puissant, mais c'est du sang ! D'où vient donc cette fillette ? Margot, s'il vous plaît, allez vite chercher l'infirmière Joëlle, dites-lui qu'elle doit venir immédiatement ici. Cette pauvre petite va sûrement avoir besoin de soins. Et vous, allez faire des compresses d'eau fraîche. Prenez ce que vous voulez, serviettes, mouchoirs, mais dépêchez-vous !
Les adjoints se précipitèrent vers l'arrière du commissariat, tandis que la secrétaire sortait dans la rue. L'effervescence avait permis à Kathy de revenir progressivement à elle. Quand elle entrouvrit les yeux, après une minute qui avait semblé interminable à la femme qui lui avait porté secours, sa vision était troublée. Des pleurs remontèrent à la surface lorsque ce qu'elle avait vu plus tôt lui revint en mémoire.
- Bonjour, dit simplement la policière d'une voix très douce pour ne pas l'effrayer, et encore moins la brusquer alors qu'elle reprenait à peine conscience. Je m'appelle Jenny. Fais un geste si tu me comprends.
La fillette ne se sentait pas en état de faire le moindre mouvement, aussi se contenta-t-elle de cligner fermement des yeux, tandis qu'une larme roulait le long de sa joue jusqu'au creux de son oreille, puisqu'elle était allongée.
- Ne bouge pas, je reviens dans une seconde, d'accord ? Ne t'inquiète pas, et surtout ne t'agite pas.
La femme se leva pour atteindre le distributeur adossé au mur derrière elle. Elle inséra quelques piécettes dans la fente prévue à cet effet, puis une bouteille d'eau fraîche en tomba. Elle la déboucha avant d'aller en verser quelques gouttes dans la bouche de l'enfant. Ce ne fut qu'au moment où le liquide toucha ses lèvres que Kathy se rendit compte à quel point elle avait soif.
L'agent Jenny l'aida à se redresser car elle toussota plusieurs fois, ayant du mal à avaler en position allongée. Ses mains se refermèrent sur la bouteille et elle en but une longue gorgée qui lui fit le plus grand bien. Ce fut à cet instant que les adjoints revinrent dans la salle d'accueil, un linge blanc détrempé lacéré entre les mains.
- Elle va mieux, à ce que je vois, constata le plus grand des deux, en tendant tout de même le chiffon humide à sa supérieur.
- Je crois qu'elle est en état de choc. Messieurs, l'infirmière Joëlle va arriver d'un instant à l'autre pour ausculter cette enfant. Vous comprenez que la décence m'oblige à vous demander de patienter dans votre bureau pendant que la petite reçoit ses soins.
- Bien sûr, agent Jenny, affirma le second, plus trapu, en se mettant au garde-à-vous. Nous attendrons. Avertissez-nous quand vous en saurez davantage.
Kathy posa la bouteille d'eau vide sur la table basse, puis se recroquevilla, accolant ses cuisses contre son buste, avant de les encercler de ses bras. La policière acheta une autre boisson, plus sucrée, qu'elle lui donna. L'enfant s'en empara entre ses gants ensanglantées.
- Tu ne veux pas me dire ce qu'il t'est arrivé ?
Elle aurait voulu parler, mais sa gorge nouée l'empêcher d'émettre le moindre son. Elle hocha la tête en signe de dénégation. Comme son regard s'embuait à nouveau, la femme l'invita à prendre une gorgée de soda.
- Et ton nom, peux-tu me le donner ?
- Je... K-K-Kathy, bredouilla l'intéressée en tremblant nerveusement.
- Tu es très jeune, Kathy. Quel âge as-tu ? Onze ans ? Douze ?
Elle répondit par l'affirmative d'un petit couinement apeuré. L'agent Jenny aurait voulu faire quelque chose pour elle, mais cette enfant venait visiblement de subir un traumatisme psychologique, et l'infirmière serait mieux à même qu'elle de lui venir en aide. Elle se contenta de prendre ses petites mains entre les siennes pour ôter ses gants.
Son instinct de policière lui indiquait que le sang n'était pas à la fillette. Elle regarda ses paumes, avant de les comparer aux taches clairsemées sur la dentelle. Seule une égratignure au pouce pouvait correspondre avec le liquide répandu au niveau de l'index de la main droite. Les autres semblaient plus récentes, pourtant l'enfant n'avait aucune autre blessure.
- Que t'es-tu fait ? s'enquit l'agent Jenny en lui montrant la plaie au bout de son doigt.
- J-j-je... Ce-ce-c'est un rosier qui m-m-m'a piquée. J-j-je me suis p-p-perdue en f-f-forêt.
- C'est pour cela que tu es dans un tel état ?
Kathy acquiesça d'une signe de tête au moment où les portes coulissantes s'ouvrirent sur l'infirmière Joëlle qui arrivait enfin, escortée par la secrétaire. Sa trousse sous le bras, son stéthoscope autour du cou, elle accourut vers sa jeune patiente qui l'attendait.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-elle tout bas à la policière avant de commencer son examen.
- Je ne sais pas, elle est arrivée ici avec une allure de sauvageonne et elle s'est presque aussitôt évanouie.
- A dos de Ponyta, je suppose. Margot et moi-même en avons vu un juste devant l'entrée de votre commissariat. Il avait un filet, preuve qu'il appartient à quelqu'un. Si vous voulez mon avis, vous feriez bien d'aller l'attacher avant qu'il ne s'échappe.
Tandis que l'agent Jenny s'exécutait, l'infirmière sortit son nécessaire de sa trousse, tout en priant Kathy d'ôter sa robe. Quand elle ne fut plus qu'en sous-vêtements, elle remarqua les marques d'éraflure sur ses bras.
- Que t'est-il arrivé pour que tu es toutes ces blessures ?
- J-j-je... R-r-rien. C-c-ce sont les buissons.
La femme comprit qu'elle n'arriverait à rien avec la fillette dans un tel état. Dans un verre d'eau qu'elle alla chercher au robinet, elle lui dilua un calmant. C'était un médicament pour adulte, aussi ne lui en donna-t-elle qu'une faible dose, nécessaire pour calmer ses nerfs qui semblaient à bout.
Il fit bientôt effet. L'infirmière, alors qu'elle appliquait un cataplasme d'Anti-Brûle sur les jambes frêles qui avaient souffert du contact avec la peau ardente du Ponyta, constata avec soulagement que les tremblements commençaient à s'atténuer.
- Tu n'aurais pas dû monter à cru, tu sais. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'un Galopa, car les dégâts auraient été plus importants. Il faut toujours une couche protectrice entre la robe de ces pokémon et ta peau. Un simple pantalon en tissu tout ce qu'il y a de plus banal aurait suffi.
- Je sais, murmura Kathy d'une voix plus reposée, probablement à cause du calmant, mais néanmoins toujours hésitante. Je n'avais pas le temps. Je... Je devais venir.
- Comment cela, pas le temps ? Ah, Jenny ! Vous revenez au bon moment, pourriez-vous s'il vous plaît me couper un morceau de bande stérilisée pendant que je désinfecte ces égratignures.
- Avez-vous vu ses gants, Joëlle ? s'enquit la policière, les sourcils froncés, tout en lui tendant ce qu'elle lui avait réclamé.
- Non, qu'ont-ils ? Oh !
L'infirmière ouvrit des yeux ronds et manqua de lâcher le coton alcoolisé avec lequel elle nettoyait les griffures que les ronces avaient infligées à Kathy. Elle avait suivi le regard de son interlocutrice jusqu'à l'objet en question.
- Par Arceus, tes blessures sont toutes superficielles. Comment cela se fait-il que tes gants soient couvertes de tout ce sang alors que tu n'as qu'une petite entaille au doigt ?
- Ce n'est pas le mien, articula lentement l'enfant dont l'esprit devenait de plus en plus confus suite au médicament dont elle n'avait pas l'habitude. C'est ma faute.
- Qu'est-ce qui est ta faute ? insista l'agent Jenny en venant s'agenouiller face à elle pour prendre ses mains entre les siennes.
- Je devais rentrer avant midi, or j'ai voulu suivre un Cerfrousse à cause duquel je me suis égarée. Je suis arrivée à la maison avec plus de deux heures de retard et là... là... Si seulement je ne m'étais pas perdue !
- Où habites-tu ?
- A environ trois miles après la sortie du village. Au milieu des champs, il y a une ferme qui appartient à mes parents.
- Je vais envoyer immédiatement mes adjoints sur place, mais il faut que tu me donnes plus de précision quant à ce que tu as découvert, afin qu'ils sachent quoi chercher.
- Il n'y a rien, affirma Kathy contre toute attente. Juste du sang, beaucoup de sang. Mais rien d'autre. Les murs du salon ont été éclaboussés, ainsi que les meubles. Si j'en ai par mes gants, c'est parce que je me suis appuyée sur le battant de la porte, qui lui aussi en était plein.
- Tu n'as rien à te reprocher. Au contraire, tu as été courageuse de venir jusqu'ici nous avertir. Quant à ce qui s'est passé dans la forêt, je crois qu'au contraire que cela t'a été bénéfique. Si tu étais rentrée à l'heure prévue, je doute que tu aies pu faire quoi que ce soit pour sauver ta famille et tu aurais disparu en même temps qu'eux. Là, grâce à ton intervention, nous avons une chance de les retrouver.
- Je doute qu'avec tout le sang que j'ai vu, il y ait la moindre chance qu'ils soient encore vivant au moment où nous parlons, affirma la fillette en pleurs avec un éclair de lucidité. Et maintenant, sans mon frère et mes parents, je suis toute seule.
- Jenny, allez sans tarder sur les lieux. Vos adjoints ne suffiront pas, vous êtes la plus qualifiée pour mener cette enquête. Ne vous tracassez pas pour la petite, je vais m'en occuper.
- S'il y a la moindre chance, le plus petit espoir, je te jure que je te ramènerai ta famille, Kathy. Mais surtout, ne quitte pas la surveillance de l'infirmière Joëlle pour l'instant. Je vous la confie, mon amie. Et les monstres qui ont fait cela finiront leur vie en prison, je peux vous l'assurer.
Le regard déterminé, la policière appela ses collègues tandis que Kathy se rhabillait, et ils quittèrent les lieux en toute hâte pour se rendre sur la scène de crime. L'enfant aurait aimé se bercer d'illusions : restait-il la plus infime lueur ? Se pouvaient-ils que ses parents soient encore vivants, ainsi que son frère, malgré tout ce sang ? Avait-elle le droit d'espérer, au risque d'être ensuite abattue par la réalité ?
Chapitre 3 : Walking on water
Walking on water - Yohanna
Spoiler
Cela faisait déjà un long moment que les agents de police étaient partis. Kathy était parvenue à se détendre et pensait désormais avec un peu plus de clairvoyance. Elle réfléchissait à la situation, tâchant de relier tous les évènements entre eux, même si cela était complexe.
- Infirmière Joëlle ! s'exclama le plus grand des adjoints en pénétrant dans le commissariat tel un courant d'air. Jenny m'envoie chercher l'enfant. Je dois lui poser davantage de questions au sujet de cette affaire, si vous la croyez en état de répondre, et si possible même la ramener sur les lieux du crime.
- Ce n'est pas à moi qu'il faut demander cela. Elle seule peut savoir si elle est en mesure de vous répondre. Kathy, te sens-tu capable d'aider la police ou veux-tu rester encore un peu tranquille ?
- Non, je dois les aider. Il y va de l'avenir de ma famille. J'accepte également de vous accompagner, à une condition : s'il vous plaît, ne me forcez pas à retourner dans le salon.
- Je te le promets. Nous avons fouillé toutes les pièces de la maison, et je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de cela. Il me semble que c'est à toi, non ?
Il lui tendit une robe en dentelle jaune pastel qu'il avait dû prendre dans son armoire. Elle regarda la sienne, en lambeaux, et le remercia d'un signe de tête d'avoir eu cette intention. Il la conduisit, sous le regard bienveillant de l'infirmière Joëlle, dans le bureau de l'agent Jenny où elle put se changer à l'abri des regards.
Quand elle en ressortit une poignée de minutes plus tard, elle était en apparence présentable, à l'exception de ses cheveux qui n'étaient toujours pas coiffés. La soigneuse lui adressa quelques encouragements auxquels elle ne répondit pas, puis suivit le policier jusqu'à sa moto qui était garée devant le bâtiment.
Avec précautions, il l'aida à s'installer dans le sit-car où il lui boucla sa ceinture avant de lui donner un casque qu'elle attacha sous son menton. Fin prêts, ils partirent pour la ferme familiale, désormais devenue une scène de crime.
L'agent Jenny était venue les attendre à l'extrémité du grand pont qui surplombait la rivière, entre deux champs. Le chemin de terre qui suivait ce tracé menait directement à l'habitation. L'adjoint coupa le moteur tandis que la femme assistait Kathy, aux prises avec son harnachement.
- Tu es une fillette très courageuse, la complimenta-t-elle. Je vais te poser les questions nécessaires à l'enquête tout de suite, au cas-où ta présence ici devienne trop difficile pour toi, tu veux bien ?
L'enfant acquiesça brièvement et la policière posa une main sur l'épaule pour l'obliger à faire quelques pas. Elle garda le silence un moment, pour la laisser se préparer mentalement. Kathy observait les alentours : dire qu'elle avait quitté sa maison le matin même, alors que tout allait bien, et qu'après s'être égarée dans les bois, elle revenait affronter une situation de crise. Elle frissonna, songeant à la brutalité de l'évènement qui était tombée sans crier gare. Elle ne pouvait même pas se souvenir des dernières paroles qu'elle avait échangé avec chacun des membres de sa famille avant son départ.
- Tes parents avaient-ils des ennemis ? Des gens qui leur en auraient voulu pour une raison ou une autre ?
- Non, je ne crois pas. Nous ne connaissions pas beaucoup de monde, pour tout dire. Ils faisaient souvent du commerce avec les gens du village, et des échanges avec les fermes alentours, mais je n'ai pas souvenir que cela se soit un jour mal passé.
- Et ton frère, tu peux me parler de lui ? Quel âge a-t-il ?
- Il s'appelle Eric et il a quinze ans. C'est un véritable génie, mais il ne parle quasiment jamais. Il lit énormément, c'est pour cela qu'il connait autant de chose. Je ne lui connais aucun ami en dehors de son microscope.
- Bien, ta famille est donc plutôt d'un genre discret, pas de celle qui s'attire des ennuis. Hum... Voilà qui complique la chose. Et tu ne te rappelles pas d'un détail qui aurait attiré ton attention comme... Je ne sais pas, un évènement inhabituel, un comportement étrange ou des personnes inconnues ?
- Pas que je sache. Tout était normal, je crois.
- Et maintenant, est-ce que tu remarques quelque chose de changer, ici ? Un élément en plus ou en moins dans le décor, ou qui aurait bougé ?
- Rien de tout cela. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d'autre, agent Jenny. Je vous ai dit tout ce que je croyais pouvoir vous être utile. Cela vous a-t-il aider ?
- D'une certaine manière, oui. Si tu veux, Yann va te ramener au Centre Pokémon, tu pourras rester là-bas aussi longtemps que tu le souhaites.
- Merci, mais pour l'instant, j'aimerais passer encore un peu de temps ici. Je pourrais peut-être encore vous servir.
La policière acquiesça d'un signe de tête avant de se diriger vers ses collègues. Kathy trouvait cela étrange qu'elle ne lui ait pas dit un mot sur la progression de l'enquête. Si elle cherchait à la préserver, elle avait tort. Certes, elle avait peur qu'on lui annonce le pire, mais elle ne voulait pas pour autant être ménagée. La vérité finirait bien par être découverte, elle aurait simplement voulu des précisions pour savoir à quoi s'en tenir. C'était tout de même sa famille qui s'était volatilisée en le laissant derrière qu'une mare sanguinolente.
Discrètement, elle s'approcha du petit groupe de policiers jusqu'à être suffisamment près pour entendre leur conversation. Ils parlaient tous à voix très basse, ce qui confirmait son idée qu'ils ne voulaient rien qu'elle découvre.
- A-t-on bouclé le périmètre ?
- Je l'ai fait sitôt après notre arrivée, pendant que vous preniez la scène de crime en photo. Entre nous, je n'avais encore jamais rien vu de tel auparavant. Je sais que c'est surtout les éclaboussures qui donnent cette impression, mais il y a quand même beaucoup de sang.
- J'en ai prélevé quelques échantillons que je ferais parvenir au laboratoire dès que nous serons rentrés.
- Et vous, agent Jenny, avez-vous appris quelque chose avec l'enfant ?
- Apparemment, ses parents étaient en bon terme avec tout le monde. D'après ce que j'ai compris, ils n'étaient pas du genre à sympathiser facilement, mais leurs relations avec leurs fréquentations étaient parfaitement correctes. Selon la fillette, il n'y avait personne susceptible de leur en vouloir.
- Ce n'est pas bon signe, tout cela. Une famille discrète, sans ennuis... Généralement, quand il y a enlèvement, c'est dans un but bien précis : vengeance, demande de rançon... Or, ils étaient commerçants, ils ne devaient pas gagner des millions. Cependant, si cela avait été l'oeuvre d'un tueur fou, pourquoi avoir fait disparaître les corps ? Dans les deux cas, cela ne colle pas.
Cinq paires d'yeux se tournèrent vers Kathy, qui avait cessé de faire comme si de rien était pour les fixer. Elle n'avait pas perdu un mot de la conversation, qui lui indiquait clairement qu'elle avait probablement très peu de chance de revoir sa famille.
- Vous ne les retrouvez jamais, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle, les lèvres tremblotantes.
L'agent Jenny s'agenouilla pour être à sa hauteur et posa une main sur son épaule qu'elle pressa légèrement, en signe de soutien. Son regard plongé dans le sien, embué, elle lui affirma d'une voix douce :
- Le modus operandi ne ressemble à aucun autre. Il a de fortes chances que ta famille soit encore vivante à l'heure qu'il est. Nous n'avons pas trouvé de corps, ce qui est plutôt bon signe. Rien n'empêche de toujours croire à un enlèvement. Si tel est le cas, les ravisseurs devraient prendre contact avec nous d'ici la fin de la journée.
- Pourquoi des kidnappeurs enlèveraient-ils ma famille pour demander quelque chose en échange ? Nous ne possédons rien que quelqu'un puisse vouloir.
- Tu sais, dès fois, il y a des choses auxquelles on ne pense pas au premier abord : une peinture valant des millions que vous preniez pour une croûte, un objet rare que vous avez oublié au grenier, ou plein d'autres choses. Ecoute, je pense que tu ferais mieux d'aller au Centre Pokémon. Tu dois être épuisée par les évènements récents qui se succèdent à une telle vitesse. J'enverrai un Roucool te prévenir dès que j'aurai dû nouveau. Je te l'ai dit, nous retrouverons ta famille.
- J'espère que vous dites vrai. J'attendrai votre message avec impatience. Par contre, est-ce qu'avant de partir, je pourrais aller chercher la selle de mon Ponyta ? Je l'ai laissée à l'écurie.
- D'accord, mais fais-vite. Je vais dire à Yann de t'attendre devant le sit-car, tu le rejoindras directement.
Kathy approuva d'un signe de tête puis se hâta d'aller chercher ce dont elle avait besoin. L'adjoint, en la voyant marcher dans sa direction avec l'objet en cuir deux fois plus large qu'elle dans les bras, se dépêcha d'aller le lui prendre. Quand elle se fut assise dans sit-car, il déposa délicatement la selle sur ses genoux. Il allait démarrer lorsqu'une femme arriva par le chemin au milieu duquel Yann avait garé la moto.
Elle portait une tenue de plongée noire et moulante, avec une bouteille d'oxygène fixée dans son dos. Quatre Mustébouée et un Musteflot l'accompagnaient : ils se tenaient derrière elle, le dos droit. La nouvelle venue se mit au garde-à-vous devant le policier qui était en faction sur le pont afin de vérifier que personne ne viendrait interférer dans le bon déroulement de l'enquête. Rapidement, elle lui montra un badge que Kathy n'eut pas le temps d'entrevoir.
- Escouade aquatique, lieutenant. L'agent Jenny m'a demandée de venir aussi vite que possible. Je suis ici pour drainer la rivière avec mes pokémon à l'entraînement spécialisé afin de retrouver de potentiels cadavres.
Le visage de l'adjoint se figea alors qu'il s'apprêtait à enfiler son casque. La fillette leva les yeux vers lui, le regard sombre. Soudain, il se sentit terriblement gêné. Elle serra les dents, furieuse, le corps à nouveau parcouru de tremblements nerveux. Plusieurs nausées l'obligèrent à se pencher sur le bord du sit-car, car ce qu'elle venait d'entendre lui avait noué le ventre.
Pourquoi l'agent Jenny, ainsi que la police, s'échinaient-ils tous à lui mentir de la sorte ? Ce n'était pas sa famille vivante qu'ils recherchaient, mais bel et bien des corps. Pourquoi donc ne cessait-on pas de lui répéter que les choses allaient s'arranger, qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter ?
Ils la prenaient tous pour une enfant, mais malgré son apparente fragilité lorsqu'elle était arrivée au commissariat, elle était beaucoup plus forte qu'ils ne semblaient le croire. Elle aurait voulu entendre la vérité, mais apparemment, eux n'y tenaient pas plus que cela. Elle était certaine qu'ils agissaient de la sorte pour son propre bien, mais être tenue à l'écart lui faisait plus de mal.
Cependant, Yann ne lui laissa pas le temps de poser la moindre question sur la situation. Il fit rugir le moteur de son véhicule et elle regarda la scène de crime s'éloigner derrière elle, en même temps que presque tous ses espoirs de retrouver ses proches sains et saufs. Désormais, il ne lui restait plus qu'à attendre, attendre que quelqu'un daigne lui dire la vérité, plutôt que de la prendre pour la fillette qu'elle n'était plus. Elle le comprenait seulement là : elle avait cessé d'être une enfant à l'instant même, fatal, où elle avait poussé la porte du salon.
- Infirmière Joëlle ! s'exclama le plus grand des adjoints en pénétrant dans le commissariat tel un courant d'air. Jenny m'envoie chercher l'enfant. Je dois lui poser davantage de questions au sujet de cette affaire, si vous la croyez en état de répondre, et si possible même la ramener sur les lieux du crime.
- Ce n'est pas à moi qu'il faut demander cela. Elle seule peut savoir si elle est en mesure de vous répondre. Kathy, te sens-tu capable d'aider la police ou veux-tu rester encore un peu tranquille ?
- Non, je dois les aider. Il y va de l'avenir de ma famille. J'accepte également de vous accompagner, à une condition : s'il vous plaît, ne me forcez pas à retourner dans le salon.
- Je te le promets. Nous avons fouillé toutes les pièces de la maison, et je me suis dit que tu aurais peut-être besoin de cela. Il me semble que c'est à toi, non ?
Il lui tendit une robe en dentelle jaune pastel qu'il avait dû prendre dans son armoire. Elle regarda la sienne, en lambeaux, et le remercia d'un signe de tête d'avoir eu cette intention. Il la conduisit, sous le regard bienveillant de l'infirmière Joëlle, dans le bureau de l'agent Jenny où elle put se changer à l'abri des regards.
Quand elle en ressortit une poignée de minutes plus tard, elle était en apparence présentable, à l'exception de ses cheveux qui n'étaient toujours pas coiffés. La soigneuse lui adressa quelques encouragements auxquels elle ne répondit pas, puis suivit le policier jusqu'à sa moto qui était garée devant le bâtiment.
Avec précautions, il l'aida à s'installer dans le sit-car où il lui boucla sa ceinture avant de lui donner un casque qu'elle attacha sous son menton. Fin prêts, ils partirent pour la ferme familiale, désormais devenue une scène de crime.
L'agent Jenny était venue les attendre à l'extrémité du grand pont qui surplombait la rivière, entre deux champs. Le chemin de terre qui suivait ce tracé menait directement à l'habitation. L'adjoint coupa le moteur tandis que la femme assistait Kathy, aux prises avec son harnachement.
- Tu es une fillette très courageuse, la complimenta-t-elle. Je vais te poser les questions nécessaires à l'enquête tout de suite, au cas-où ta présence ici devienne trop difficile pour toi, tu veux bien ?
L'enfant acquiesça brièvement et la policière posa une main sur l'épaule pour l'obliger à faire quelques pas. Elle garda le silence un moment, pour la laisser se préparer mentalement. Kathy observait les alentours : dire qu'elle avait quitté sa maison le matin même, alors que tout allait bien, et qu'après s'être égarée dans les bois, elle revenait affronter une situation de crise. Elle frissonna, songeant à la brutalité de l'évènement qui était tombée sans crier gare. Elle ne pouvait même pas se souvenir des dernières paroles qu'elle avait échangé avec chacun des membres de sa famille avant son départ.
- Tes parents avaient-ils des ennemis ? Des gens qui leur en auraient voulu pour une raison ou une autre ?
- Non, je ne crois pas. Nous ne connaissions pas beaucoup de monde, pour tout dire. Ils faisaient souvent du commerce avec les gens du village, et des échanges avec les fermes alentours, mais je n'ai pas souvenir que cela se soit un jour mal passé.
- Et ton frère, tu peux me parler de lui ? Quel âge a-t-il ?
- Il s'appelle Eric et il a quinze ans. C'est un véritable génie, mais il ne parle quasiment jamais. Il lit énormément, c'est pour cela qu'il connait autant de chose. Je ne lui connais aucun ami en dehors de son microscope.
- Bien, ta famille est donc plutôt d'un genre discret, pas de celle qui s'attire des ennuis. Hum... Voilà qui complique la chose. Et tu ne te rappelles pas d'un détail qui aurait attiré ton attention comme... Je ne sais pas, un évènement inhabituel, un comportement étrange ou des personnes inconnues ?
- Pas que je sache. Tout était normal, je crois.
- Et maintenant, est-ce que tu remarques quelque chose de changer, ici ? Un élément en plus ou en moins dans le décor, ou qui aurait bougé ?
- Rien de tout cela. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter d'autre, agent Jenny. Je vous ai dit tout ce que je croyais pouvoir vous être utile. Cela vous a-t-il aider ?
- D'une certaine manière, oui. Si tu veux, Yann va te ramener au Centre Pokémon, tu pourras rester là-bas aussi longtemps que tu le souhaites.
- Merci, mais pour l'instant, j'aimerais passer encore un peu de temps ici. Je pourrais peut-être encore vous servir.
La policière acquiesça d'un signe de tête avant de se diriger vers ses collègues. Kathy trouvait cela étrange qu'elle ne lui ait pas dit un mot sur la progression de l'enquête. Si elle cherchait à la préserver, elle avait tort. Certes, elle avait peur qu'on lui annonce le pire, mais elle ne voulait pas pour autant être ménagée. La vérité finirait bien par être découverte, elle aurait simplement voulu des précisions pour savoir à quoi s'en tenir. C'était tout de même sa famille qui s'était volatilisée en le laissant derrière qu'une mare sanguinolente.
Discrètement, elle s'approcha du petit groupe de policiers jusqu'à être suffisamment près pour entendre leur conversation. Ils parlaient tous à voix très basse, ce qui confirmait son idée qu'ils ne voulaient rien qu'elle découvre.
- A-t-on bouclé le périmètre ?
- Je l'ai fait sitôt après notre arrivée, pendant que vous preniez la scène de crime en photo. Entre nous, je n'avais encore jamais rien vu de tel auparavant. Je sais que c'est surtout les éclaboussures qui donnent cette impression, mais il y a quand même beaucoup de sang.
- J'en ai prélevé quelques échantillons que je ferais parvenir au laboratoire dès que nous serons rentrés.
- Et vous, agent Jenny, avez-vous appris quelque chose avec l'enfant ?
- Apparemment, ses parents étaient en bon terme avec tout le monde. D'après ce que j'ai compris, ils n'étaient pas du genre à sympathiser facilement, mais leurs relations avec leurs fréquentations étaient parfaitement correctes. Selon la fillette, il n'y avait personne susceptible de leur en vouloir.
- Ce n'est pas bon signe, tout cela. Une famille discrète, sans ennuis... Généralement, quand il y a enlèvement, c'est dans un but bien précis : vengeance, demande de rançon... Or, ils étaient commerçants, ils ne devaient pas gagner des millions. Cependant, si cela avait été l'oeuvre d'un tueur fou, pourquoi avoir fait disparaître les corps ? Dans les deux cas, cela ne colle pas.
Cinq paires d'yeux se tournèrent vers Kathy, qui avait cessé de faire comme si de rien était pour les fixer. Elle n'avait pas perdu un mot de la conversation, qui lui indiquait clairement qu'elle avait probablement très peu de chance de revoir sa famille.
- Vous ne les retrouvez jamais, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle, les lèvres tremblotantes.
L'agent Jenny s'agenouilla pour être à sa hauteur et posa une main sur son épaule qu'elle pressa légèrement, en signe de soutien. Son regard plongé dans le sien, embué, elle lui affirma d'une voix douce :
- Le modus operandi ne ressemble à aucun autre. Il a de fortes chances que ta famille soit encore vivante à l'heure qu'il est. Nous n'avons pas trouvé de corps, ce qui est plutôt bon signe. Rien n'empêche de toujours croire à un enlèvement. Si tel est le cas, les ravisseurs devraient prendre contact avec nous d'ici la fin de la journée.
- Pourquoi des kidnappeurs enlèveraient-ils ma famille pour demander quelque chose en échange ? Nous ne possédons rien que quelqu'un puisse vouloir.
- Tu sais, dès fois, il y a des choses auxquelles on ne pense pas au premier abord : une peinture valant des millions que vous preniez pour une croûte, un objet rare que vous avez oublié au grenier, ou plein d'autres choses. Ecoute, je pense que tu ferais mieux d'aller au Centre Pokémon. Tu dois être épuisée par les évènements récents qui se succèdent à une telle vitesse. J'enverrai un Roucool te prévenir dès que j'aurai dû nouveau. Je te l'ai dit, nous retrouverons ta famille.
- J'espère que vous dites vrai. J'attendrai votre message avec impatience. Par contre, est-ce qu'avant de partir, je pourrais aller chercher la selle de mon Ponyta ? Je l'ai laissée à l'écurie.
- D'accord, mais fais-vite. Je vais dire à Yann de t'attendre devant le sit-car, tu le rejoindras directement.
Kathy approuva d'un signe de tête puis se hâta d'aller chercher ce dont elle avait besoin. L'adjoint, en la voyant marcher dans sa direction avec l'objet en cuir deux fois plus large qu'elle dans les bras, se dépêcha d'aller le lui prendre. Quand elle se fut assise dans sit-car, il déposa délicatement la selle sur ses genoux. Il allait démarrer lorsqu'une femme arriva par le chemin au milieu duquel Yann avait garé la moto.
Elle portait une tenue de plongée noire et moulante, avec une bouteille d'oxygène fixée dans son dos. Quatre Mustébouée et un Musteflot l'accompagnaient : ils se tenaient derrière elle, le dos droit. La nouvelle venue se mit au garde-à-vous devant le policier qui était en faction sur le pont afin de vérifier que personne ne viendrait interférer dans le bon déroulement de l'enquête. Rapidement, elle lui montra un badge que Kathy n'eut pas le temps d'entrevoir.
- Escouade aquatique, lieutenant. L'agent Jenny m'a demandée de venir aussi vite que possible. Je suis ici pour drainer la rivière avec mes pokémon à l'entraînement spécialisé afin de retrouver de potentiels cadavres.
Le visage de l'adjoint se figea alors qu'il s'apprêtait à enfiler son casque. La fillette leva les yeux vers lui, le regard sombre. Soudain, il se sentit terriblement gêné. Elle serra les dents, furieuse, le corps à nouveau parcouru de tremblements nerveux. Plusieurs nausées l'obligèrent à se pencher sur le bord du sit-car, car ce qu'elle venait d'entendre lui avait noué le ventre.
Pourquoi l'agent Jenny, ainsi que la police, s'échinaient-ils tous à lui mentir de la sorte ? Ce n'était pas sa famille vivante qu'ils recherchaient, mais bel et bien des corps. Pourquoi donc ne cessait-on pas de lui répéter que les choses allaient s'arranger, qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter ?
Ils la prenaient tous pour une enfant, mais malgré son apparente fragilité lorsqu'elle était arrivée au commissariat, elle était beaucoup plus forte qu'ils ne semblaient le croire. Elle aurait voulu entendre la vérité, mais apparemment, eux n'y tenaient pas plus que cela. Elle était certaine qu'ils agissaient de la sorte pour son propre bien, mais être tenue à l'écart lui faisait plus de mal.
Cependant, Yann ne lui laissa pas le temps de poser la moindre question sur la situation. Il fit rugir le moteur de son véhicule et elle regarda la scène de crime s'éloigner derrière elle, en même temps que presque tous ses espoirs de retrouver ses proches sains et saufs. Désormais, il ne lui restait plus qu'à attendre, attendre que quelqu'un daigne lui dire la vérité, plutôt que de la prendre pour la fillette qu'elle n'était plus. Elle le comprenait seulement là : elle avait cessé d'être une enfant à l'instant même, fatal, où elle avait poussé la porte du salon.
Chapitre 4 : Après tout ça
Après tout ça - Frédéric Lerner
Spoiler
Les journées s'écoulèrent, les unes après les autres, interminables. Kathy pouvait à peine quitter sa chambre au Centre Pokémon, car des policiers la surveillaient constamment. Pour la protéger, disaient-ils, encore une fois. Les agresseurs en avaient peut-être aussi après la fillette et risquaient de venir s'en prendre à elle n'importe quand.
Cependant, l'intéressée elle-même n'y croyait guère. Tout ce qu'elle voulait, c'était revoir sa famille. Malheureusement, les espoirs qu'elle avait étaient passés de très minces à inexistants. Si ses parents et son frère étaient vivants, même rien que l'un d'entre eux, l'agent Jenny et ses collègues les auraient déjà retrouvés.
Elle avait cessé de relire les messages que la policière lui avait envoyé par Roucool afin d'y déceler la moindre raison de penser que les choses pouvaient s'arranger. Aucun élément nouveau ne se profilait à l'horizon de l'enquête. Ils n'avaient pas le moindre indice, pas le moindre suspect. Jenny avait interrogé les voisins qui traitaient avec la famille de Kathy, et ceux-ci avaient confirmé les dires de l'enfant : ses parents étaient des gens tranquilles, sympathiques et serviables, quoique peu bavards.
Un matin, quasiment deux semaines après le drame, alors que l'affaire était quasiment au point mort, la fillette fut réveillée par les premières lueurs de l'aube. L'infirmière Joëlle, au début du son service matinal, avait dû venir lui déposer son petit-déjeuner sans qu'elle ne l'entende, car un plateau appétissant se trouvait sur la table à roulettes.
Aussi délicieuses que la pile de crêpes au sirop d'érable et les tartines de pains avaient l'air de l'être, accompagnées par un grand verre de jus de fruits frais, Kathy n'avait pas faim. Elle descendit du lit, posant ses pieds nus sur le carrelage froid. Elle ignora ses pantoufles molletonnées qui gisaient un peu plus loin et se dirigea directement vers la fenêtre qu'elle entrouvrit.
Elle pouvait presque apercevoir la rue principale de là où elle était, toujours très animée, alors même qu'il était très tôt. Elle n'était pas sortie de cette chambre depuis des jours, dans laquelle la police ne cessait de passer pour lui poser de nouvelles questions qui tournaient toutes plus ou moins en rond ou simplement lui demander comment elle allait, comportement fort idiot étant donné qu'elle se retrouvait seule, perdue et désespérée.
Sur la pointe des pieds, elle ouvrit silencieusement la petite armoire murale d'où elle sortit une robe noire au col et aux manches de dentelles, qu'elle enfila à la place de son pyjama. Ses bottes couvertes de boue se trouvaient dans la petite salle de bain. Depuis son arrivée, elle devait les nettoyer, mais entre ses réflexions personnelles et les interruptions incessantes des agents, elle n'avait eu ni le temps ni l'envie de le faire.
Toujours sans bruit, elle ouvrit la porte du couloir. A l'exception de l'infirmière Joëlle qui devait effectuer sa première ronde, tout le monde semblait être endormi, y compris le policier charger d'assurer sa protection, profondément assoupi sur une chaise en métal inconfortable.
Kathy s'assura que la voie était libre avant de filer à toute allure le long du corridor jusqu'à la salle d'accueil. Elle se plaqua derrière le comptoir, fort soulagée que l'infirmière ne s'y trouve pas, puis, après avoir jeté un dernier coup d'oeil de chaque côté, se précipita hors du Centre Pokémon.
Elle rejoignit son Ponyta qu'ils avaient installé dans le jardinet, qui se situait juste derrière le bâtiment au toit rouge. Ce dernier dodelina de la tête en la voyant arriver, heureux de revoir sa maîtresse. Gantée, elle caressa son encolure flamboyante avant de se lancer à la recherche de sa selle. Elle était stockée dans un petit cagibi, dans l'angle que formait la barrière qui cernait le morceau de terrain. Elle la sangla sur le dos de son pokémon avant de s'y installer en amazone.
- Allons faire un tour, mon grand. J'ai besoin d'air, et ici, j'étouffe.
Un léger coup de talons dans les flancs du poney de feu suffit à le faire partir au petit trot. Elle ne savait pas vraiment où elle avait l'intention d'aller : elle voulait simplement fuir, quitter ce Centre Pokémon dans lequel elle était captive depuis déjà trop longtemps. Elle devait réfléchir, mais pour cela, il fallait avant tout qu'elle soit seule.
Ils descendirent la grand-rue jusqu'à la sortie de la ville, sous les regards des passants qui la dévisageaient. Elle fut surprise par ce comportement : à croire qu'ils n'avaient jamais vu personne à dos de Ponyta, qui était pourtant le moyen de transport le plus rapide lorsqu'on ne voulait pas marcher.
Elle erra un bon moment, sans but ni destination, avant de d'arrêter à proximité d'un ravin. Il était si profond que le bas était plongé dans l'obscurité. Kathy y jeta un caillou qui résonna au bout d'une demi-minute. Survivre à une chute pareille était inimaginable, pourtant, en dépit du risque, elle s'avança encore, comme fascinée.
Agenouillée à ras du précipice, elle resta sereine un instant, les yeux fermés, écoutant les bruits de la nature au tour d'elle, avant de s'apercevoir que tout ceci lui rappelait la ferme, sa famille. Jamais plus elle ne les reverrait, et elle savait qu'elle n'aurait pas non plus le courage suffisant pour rentrer chez elle après ce qu'il s'y était produit.
Ses yeux s'emplirent de larmes qu'elle ne put maîtriser. Elle revoyait son frère, à la nuit tombante, allongé devant la cheminée de sa chambre, ses lunettes sur le nez, un livre posé sur le tapis devant lui. Elle pensait à sa mère, tricotant dans l'un des fauteuils désormais ensanglanté du salon un pull ou une écharpe, en vue des rudes hivers qu'ils traversaient à la ferme. Son père, lui fumait la pipe, en somnolant, après une dure journée de labeur, le vieux Chaffreux couché sur ses genoux.
Elle n'avait pas souvenir d'avoir vu le pokémon lorsqu'elle était revenue de la forêt. Sans doute s'était-il enfui dans la panique, si panique il y avait eu, à moins qu'il n'ait été enlevé par les agresseurs, tout comme sa famille, ou au moins leur corps. Cependant, personne n'aurait été s'embêté d'une créature comme lui, âgé et paresseuse. La première explication restait donc la plus valable.
Kathy songeait également aux troupeaux. Les voisins venaient les nourrir régulièrement, selon l'agent Jenny, mais qu'adviendrait-il d'eux si personne ne revenait jamais à la ferme ? Il faudrait les vendre, et la fillette perdrait ainsi tout ce qui faisait la fierté de son père : ses Tauros, avec lesquels il avait remporté plusieurs concours de pokémon bovin, ses Ecremeuh, qui donnaient le meilleur lait de la région, et les Wattouat, dont la laine leur avait offert des vêtements si chauds.
Et après ? Etait-ce là la seule issue ? Tout ceci allait être dispersé aux quatre vents ? Et bientôt, il ne resterait plus rien de sa famille, que des souvenirs qu'elle avait peut-être rêvé, car certes, il y avait eu des bons moments passés avec eux, mais aussi d'autres, moins plaisants, cependant elle n'arrivait actuellement qu'à se rappeler des instants heureux.
Que lui restait-il, désormais ? L'espoir envolé, sa famille disparue, l'incapacité à retourner vivre dans la ferme où elle était née, où elle avait grandi, qu'allait-il advenir d'elle ? C'était la seule vie qu'elle avait jamais connu, et le sol sur lequel elle avait si longtemps marché venait de s'effondrer sous ses pieds. Elle n'avait plus rien, rien pour se raccrocher, personne pour la retenir.
Elle s'allongea sur la terre sèche, en Grahyena de fusil, en la frappant du poing au même rythme que coulaient ses pleurs. Tout avait perdu son sens, la vie elle-même n'avait plus de raison d'être vécue. Elle aurait voulu que ses parents soient là, ils l'auraient guidée sur la voie à suivre. Mais désormais, elle était seule, à jamais seule. Tout ce qu'elle aimait, tout ce qu'elle avait s'était enfui. Il ne restait rien, à part ses larmes qui semblaient ne plus pouvoir se tarir.
Elle aurait voulu entendre leur voix, leur parler. Qu'ils lui prodiguent une dernière fois amour et conseil, alors qu'elle en avait le plus besoin. Mais rien ne se produisit. Jamais plus elle ne les reverrait, elle devrait apprendre à vivre sans eux, sans personne. Elle était si jeune, elle ne connaissait rien. Elle n'était pas son frère qui avait tout lu dans les livres, bien que son savoir ne l'ait pas épargné non plus. Son avenir était flou, sombre. En avait-elle un, d'abord ?
Si seulement elle ne s'était pas égarée dans cette maudite forêt ! Elle serait rentrée à l'heure prévue. Elle aurait été avec les siens en ce fatal instant, qu'importe ce qui avait pu se passer d'ailleurs. Elle aurait mille fois mieux préférer subir le même sort qu'eux, aussi atroce qu'il pouvait l'être, à la ferme, plutôt que de se retrouver ici, vivante, mais seule, et profondément marquée par le traumatisme. Le remord la dévorait de l'intérieur : si sa famille était belle et bien morte, comme tout semblait le laisser croire, quelle était la raison de sa survie ? Pourquoi le hasard l'avait-il protégé d'un sort auquel tous auraient probablement dû être destiné ?
Elle ne devait sa vie qu'à la désobéissance. En effet, depuis qu'elle était enfant, elle avait promis, ainsi que son frère, de ne jamais s'éloigner de l'orée de la forêt, et encore moins du sentier. Elle ne méritait pas la chance qu'elle avait eu, elle ne l'avait même pas obtenue de manière honnête. Si elle avait écouté les recommandations de ses parents au lieu de n'en faire qu'à sa tête pour se lancer à la poursuite de ce Cerfrousse, elle serait avec eux, où qu'ils soient, à l'heure actuelle.
Pourtant, il n'était peut-être pas trop tard. Kathy se redressa, les yeux rougis et la peau de son visage irritée par les larmes. Elle posa son regard rendu trouble par les pleurs sur le ravin, juste devant elle. Sa famille n'était peut-être pas perdue, finalement. Elle n'avait qu'un pas, un tout petit pas à faire, minuscule, et elle pourrait les rejoindre. Ainsi, ils seraient de nouveau ensemble, comme si rien ne s'était passé. Elle arrêterait de souffrir. Une fois auprès d'eux, sa culpabilité s'envolerait. Sa mère lui pardonnerait sûrement d'avoir désobéi, si elle les retrouvait.
Elle se releva. Ses jambes étaient lourdes, comme si elles étaient faites de plomb et non de chair. Elle en souleva une, puis l'autre, mais cela lui demanda un effort considérable, en dépit du vide, à un mètre d'elle, qui l'appelait inexorablement. Elle pouvait le faire. Elle devait le faire. Et après ? Une fois qu'elle se serait écrasée au bas du précipice ?
Après, elle serait libre, enfin, de tout le poids qui l'oppresse. Elle le partagerait à nouveau avec ses parents, son frère, et son fardeau serait bien loin. Après, elle serait de retour auprès des siens, qu'elle n'aurait même jamais dû quitter. Pour cela, il n'y avait plus qu'une seule chose à faire.
Kathy fit encore un pas en avant, le dernier. Elle aurait juré entendre quelqu'un crier, dans son dos, mais il s'agissait probablement d'un effet de son imagination, ou le bruit du vent à ses oreilles. Elle n'entendrait bientôt plus rien. Ses pieds quittèrent le sol pour sentir le vide au-dessous d'eux, puis se fut la chute. Elle ferma les yeux, attendant que la mort vienne la prendre pour la ramener auprès des siens disparus.
Une violente douleur la prit cependant au poignet, puis un peu plus bas, sur son avant-bras. Le trépas ne pouvait pas être si douloureux. La fillette entrouvrit les paupières, pour se voir figée dans les airs, immobiles. Sa chute avait été stoppée. Elle leva les yeux vers le haut du ravin, pour voir une silhouette floue, celle-là même qui retenait son bras. Elle sentait les ongles qui s'enfonçaient dans sa chair, la brûlure de la peau de l'autre qui la serrait si fort que cela lui faisait mal.
N'avait-on pas compris ? Si elle avait sauté du haut de ce précipice, c'était bien parce qu'elle ne tenait pas à ce qu'on la sauve. La personne qui la tenait la tira cependant fermement vers le haut et, à contrecoeur, Kathy poussa l'à-pic avec ses pieds afin de remonter, pour ne pas entraîner celui ou celle qui avait cru la sauver de la chute.
Cependant, l'intéressée elle-même n'y croyait guère. Tout ce qu'elle voulait, c'était revoir sa famille. Malheureusement, les espoirs qu'elle avait étaient passés de très minces à inexistants. Si ses parents et son frère étaient vivants, même rien que l'un d'entre eux, l'agent Jenny et ses collègues les auraient déjà retrouvés.
Elle avait cessé de relire les messages que la policière lui avait envoyé par Roucool afin d'y déceler la moindre raison de penser que les choses pouvaient s'arranger. Aucun élément nouveau ne se profilait à l'horizon de l'enquête. Ils n'avaient pas le moindre indice, pas le moindre suspect. Jenny avait interrogé les voisins qui traitaient avec la famille de Kathy, et ceux-ci avaient confirmé les dires de l'enfant : ses parents étaient des gens tranquilles, sympathiques et serviables, quoique peu bavards.
Un matin, quasiment deux semaines après le drame, alors que l'affaire était quasiment au point mort, la fillette fut réveillée par les premières lueurs de l'aube. L'infirmière Joëlle, au début du son service matinal, avait dû venir lui déposer son petit-déjeuner sans qu'elle ne l'entende, car un plateau appétissant se trouvait sur la table à roulettes.
Aussi délicieuses que la pile de crêpes au sirop d'érable et les tartines de pains avaient l'air de l'être, accompagnées par un grand verre de jus de fruits frais, Kathy n'avait pas faim. Elle descendit du lit, posant ses pieds nus sur le carrelage froid. Elle ignora ses pantoufles molletonnées qui gisaient un peu plus loin et se dirigea directement vers la fenêtre qu'elle entrouvrit.
Elle pouvait presque apercevoir la rue principale de là où elle était, toujours très animée, alors même qu'il était très tôt. Elle n'était pas sortie de cette chambre depuis des jours, dans laquelle la police ne cessait de passer pour lui poser de nouvelles questions qui tournaient toutes plus ou moins en rond ou simplement lui demander comment elle allait, comportement fort idiot étant donné qu'elle se retrouvait seule, perdue et désespérée.
Sur la pointe des pieds, elle ouvrit silencieusement la petite armoire murale d'où elle sortit une robe noire au col et aux manches de dentelles, qu'elle enfila à la place de son pyjama. Ses bottes couvertes de boue se trouvaient dans la petite salle de bain. Depuis son arrivée, elle devait les nettoyer, mais entre ses réflexions personnelles et les interruptions incessantes des agents, elle n'avait eu ni le temps ni l'envie de le faire.
Toujours sans bruit, elle ouvrit la porte du couloir. A l'exception de l'infirmière Joëlle qui devait effectuer sa première ronde, tout le monde semblait être endormi, y compris le policier charger d'assurer sa protection, profondément assoupi sur une chaise en métal inconfortable.
Kathy s'assura que la voie était libre avant de filer à toute allure le long du corridor jusqu'à la salle d'accueil. Elle se plaqua derrière le comptoir, fort soulagée que l'infirmière ne s'y trouve pas, puis, après avoir jeté un dernier coup d'oeil de chaque côté, se précipita hors du Centre Pokémon.
Elle rejoignit son Ponyta qu'ils avaient installé dans le jardinet, qui se situait juste derrière le bâtiment au toit rouge. Ce dernier dodelina de la tête en la voyant arriver, heureux de revoir sa maîtresse. Gantée, elle caressa son encolure flamboyante avant de se lancer à la recherche de sa selle. Elle était stockée dans un petit cagibi, dans l'angle que formait la barrière qui cernait le morceau de terrain. Elle la sangla sur le dos de son pokémon avant de s'y installer en amazone.
- Allons faire un tour, mon grand. J'ai besoin d'air, et ici, j'étouffe.
Un léger coup de talons dans les flancs du poney de feu suffit à le faire partir au petit trot. Elle ne savait pas vraiment où elle avait l'intention d'aller : elle voulait simplement fuir, quitter ce Centre Pokémon dans lequel elle était captive depuis déjà trop longtemps. Elle devait réfléchir, mais pour cela, il fallait avant tout qu'elle soit seule.
Ils descendirent la grand-rue jusqu'à la sortie de la ville, sous les regards des passants qui la dévisageaient. Elle fut surprise par ce comportement : à croire qu'ils n'avaient jamais vu personne à dos de Ponyta, qui était pourtant le moyen de transport le plus rapide lorsqu'on ne voulait pas marcher.
Elle erra un bon moment, sans but ni destination, avant de d'arrêter à proximité d'un ravin. Il était si profond que le bas était plongé dans l'obscurité. Kathy y jeta un caillou qui résonna au bout d'une demi-minute. Survivre à une chute pareille était inimaginable, pourtant, en dépit du risque, elle s'avança encore, comme fascinée.
Agenouillée à ras du précipice, elle resta sereine un instant, les yeux fermés, écoutant les bruits de la nature au tour d'elle, avant de s'apercevoir que tout ceci lui rappelait la ferme, sa famille. Jamais plus elle ne les reverrait, et elle savait qu'elle n'aurait pas non plus le courage suffisant pour rentrer chez elle après ce qu'il s'y était produit.
Ses yeux s'emplirent de larmes qu'elle ne put maîtriser. Elle revoyait son frère, à la nuit tombante, allongé devant la cheminée de sa chambre, ses lunettes sur le nez, un livre posé sur le tapis devant lui. Elle pensait à sa mère, tricotant dans l'un des fauteuils désormais ensanglanté du salon un pull ou une écharpe, en vue des rudes hivers qu'ils traversaient à la ferme. Son père, lui fumait la pipe, en somnolant, après une dure journée de labeur, le vieux Chaffreux couché sur ses genoux.
Elle n'avait pas souvenir d'avoir vu le pokémon lorsqu'elle était revenue de la forêt. Sans doute s'était-il enfui dans la panique, si panique il y avait eu, à moins qu'il n'ait été enlevé par les agresseurs, tout comme sa famille, ou au moins leur corps. Cependant, personne n'aurait été s'embêté d'une créature comme lui, âgé et paresseuse. La première explication restait donc la plus valable.
Kathy songeait également aux troupeaux. Les voisins venaient les nourrir régulièrement, selon l'agent Jenny, mais qu'adviendrait-il d'eux si personne ne revenait jamais à la ferme ? Il faudrait les vendre, et la fillette perdrait ainsi tout ce qui faisait la fierté de son père : ses Tauros, avec lesquels il avait remporté plusieurs concours de pokémon bovin, ses Ecremeuh, qui donnaient le meilleur lait de la région, et les Wattouat, dont la laine leur avait offert des vêtements si chauds.
Et après ? Etait-ce là la seule issue ? Tout ceci allait être dispersé aux quatre vents ? Et bientôt, il ne resterait plus rien de sa famille, que des souvenirs qu'elle avait peut-être rêvé, car certes, il y avait eu des bons moments passés avec eux, mais aussi d'autres, moins plaisants, cependant elle n'arrivait actuellement qu'à se rappeler des instants heureux.
Que lui restait-il, désormais ? L'espoir envolé, sa famille disparue, l'incapacité à retourner vivre dans la ferme où elle était née, où elle avait grandi, qu'allait-il advenir d'elle ? C'était la seule vie qu'elle avait jamais connu, et le sol sur lequel elle avait si longtemps marché venait de s'effondrer sous ses pieds. Elle n'avait plus rien, rien pour se raccrocher, personne pour la retenir.
Elle s'allongea sur la terre sèche, en Grahyena de fusil, en la frappant du poing au même rythme que coulaient ses pleurs. Tout avait perdu son sens, la vie elle-même n'avait plus de raison d'être vécue. Elle aurait voulu que ses parents soient là, ils l'auraient guidée sur la voie à suivre. Mais désormais, elle était seule, à jamais seule. Tout ce qu'elle aimait, tout ce qu'elle avait s'était enfui. Il ne restait rien, à part ses larmes qui semblaient ne plus pouvoir se tarir.
Elle aurait voulu entendre leur voix, leur parler. Qu'ils lui prodiguent une dernière fois amour et conseil, alors qu'elle en avait le plus besoin. Mais rien ne se produisit. Jamais plus elle ne les reverrait, elle devrait apprendre à vivre sans eux, sans personne. Elle était si jeune, elle ne connaissait rien. Elle n'était pas son frère qui avait tout lu dans les livres, bien que son savoir ne l'ait pas épargné non plus. Son avenir était flou, sombre. En avait-elle un, d'abord ?
Si seulement elle ne s'était pas égarée dans cette maudite forêt ! Elle serait rentrée à l'heure prévue. Elle aurait été avec les siens en ce fatal instant, qu'importe ce qui avait pu se passer d'ailleurs. Elle aurait mille fois mieux préférer subir le même sort qu'eux, aussi atroce qu'il pouvait l'être, à la ferme, plutôt que de se retrouver ici, vivante, mais seule, et profondément marquée par le traumatisme. Le remord la dévorait de l'intérieur : si sa famille était belle et bien morte, comme tout semblait le laisser croire, quelle était la raison de sa survie ? Pourquoi le hasard l'avait-il protégé d'un sort auquel tous auraient probablement dû être destiné ?
Elle ne devait sa vie qu'à la désobéissance. En effet, depuis qu'elle était enfant, elle avait promis, ainsi que son frère, de ne jamais s'éloigner de l'orée de la forêt, et encore moins du sentier. Elle ne méritait pas la chance qu'elle avait eu, elle ne l'avait même pas obtenue de manière honnête. Si elle avait écouté les recommandations de ses parents au lieu de n'en faire qu'à sa tête pour se lancer à la poursuite de ce Cerfrousse, elle serait avec eux, où qu'ils soient, à l'heure actuelle.
Pourtant, il n'était peut-être pas trop tard. Kathy se redressa, les yeux rougis et la peau de son visage irritée par les larmes. Elle posa son regard rendu trouble par les pleurs sur le ravin, juste devant elle. Sa famille n'était peut-être pas perdue, finalement. Elle n'avait qu'un pas, un tout petit pas à faire, minuscule, et elle pourrait les rejoindre. Ainsi, ils seraient de nouveau ensemble, comme si rien ne s'était passé. Elle arrêterait de souffrir. Une fois auprès d'eux, sa culpabilité s'envolerait. Sa mère lui pardonnerait sûrement d'avoir désobéi, si elle les retrouvait.
Elle se releva. Ses jambes étaient lourdes, comme si elles étaient faites de plomb et non de chair. Elle en souleva une, puis l'autre, mais cela lui demanda un effort considérable, en dépit du vide, à un mètre d'elle, qui l'appelait inexorablement. Elle pouvait le faire. Elle devait le faire. Et après ? Une fois qu'elle se serait écrasée au bas du précipice ?
Après, elle serait libre, enfin, de tout le poids qui l'oppresse. Elle le partagerait à nouveau avec ses parents, son frère, et son fardeau serait bien loin. Après, elle serait de retour auprès des siens, qu'elle n'aurait même jamais dû quitter. Pour cela, il n'y avait plus qu'une seule chose à faire.
Kathy fit encore un pas en avant, le dernier. Elle aurait juré entendre quelqu'un crier, dans son dos, mais il s'agissait probablement d'un effet de son imagination, ou le bruit du vent à ses oreilles. Elle n'entendrait bientôt plus rien. Ses pieds quittèrent le sol pour sentir le vide au-dessous d'eux, puis se fut la chute. Elle ferma les yeux, attendant que la mort vienne la prendre pour la ramener auprès des siens disparus.
Une violente douleur la prit cependant au poignet, puis un peu plus bas, sur son avant-bras. Le trépas ne pouvait pas être si douloureux. La fillette entrouvrit les paupières, pour se voir figée dans les airs, immobiles. Sa chute avait été stoppée. Elle leva les yeux vers le haut du ravin, pour voir une silhouette floue, celle-là même qui retenait son bras. Elle sentait les ongles qui s'enfonçaient dans sa chair, la brûlure de la peau de l'autre qui la serrait si fort que cela lui faisait mal.
N'avait-on pas compris ? Si elle avait sauté du haut de ce précipice, c'était bien parce qu'elle ne tenait pas à ce qu'on la sauve. La personne qui la tenait la tira cependant fermement vers le haut et, à contrecoeur, Kathy poussa l'à-pic avec ses pieds afin de remonter, pour ne pas entraîner celui ou celle qui avait cru la sauver de la chute.
Chapitre 5 : Stronger
Stronger - Kelly Clarkson
Spoiler
Kathy finit par revenir sur la terre ferme. Elle s'effondra dans les bras de la personne qui venait de la sauver, épuisée. C'était une femme, très belle, vêtue d'un manteau noir et d'habits de la même couleur. Elle avait de longs cheveux blonds retenus par un serre-tête à l'allure d'oreilles de Noctali. La fillette fut également surprise par son parfum, doux, vanillé, qui évoquait vaguement celui que sa mère portait.
- Pourrais-je savoir ce qu'il t'est venu à l'esprit ? demanda-t-elle en caressant le dos de l'enfant qui restait blottie contre elle.
- Je... Je ne sais pas trop. Je pensais... Je croyais que peut-être... Enfin, je voulais revoir ma famille.
- L'agent Jenny m'a expliqué ce qui s'est passé. Avec l'infirmière Joëlle, elles étaient mortes d'inquiétude, et elles avaient bien raison. Ecoute-moi, rien ne prouve que tes proches sont morts, alors te suicider simplement avec cette pensée injustifiée ne te mènerait nulle part, au contraire.
- S'ils étaient vivants, nous les aurions retrouvés.
- Ils sont peut-être simplement très bien cachés.
La femme se mit debout puis aida Kathy à en faire autant. Elle nettoya les vêtements de la fillette avant d'en faire de même avec les siens. Un sourire amicale, chaleureux, apparut sur son visage. Pour la première fois depuis le drame, l'enfant avait l'impression de se sentir en sécurité, entourée.
- Au fait, je ne t'ai même pas dit mon nom. Je suis Cynthia, la Championne de Sinnoh.
- Une Championne ? Qu'est-ce donc ?
Son interlocutrice la regarda, un peu étonnée. Jusqu'à présent, toutes les personnes qu'elle avait croisées, même les plus jeunes, savaient quel était son rôle dans la région. Jamais on ne lui avait posé une telle question, si bien qu'elle ne sut tout d'abord pas vraiment comment y répondre.
- Hum... Comment dire ? En fait, je fais partie du Conseil Quatre de Sinnoh. Du moins, j'en suis le Maître. Mes amis et moi-même sommes considérés comme l'élite des dresseurs pokémon, et notre rôle, en particulier le mien, est de nous assurer que l'ordre et la quiétude règnent dans la région. Aussi, comme j'étais de passage dans le coin, et que j'avais entendu parler de ton histoire, j'ai décidé de venir t'apporter mon soutien. Je peux te dire que maintenant, je suis encore plus heureuse de l'avoir fait, sans quoi tu serais au fond du ravin à l'instant où nous parlons.
- Qu'est-ce que cela aurait changé, de toute façon ? Je ne reverrais probablement jamais mes parents, ni mon frère, et ne peux plus retourner vivre dans notre ferme, car cela me serait insupportable. Je n'ai nulle part où aller, ni plus personne.
- Tu es au Centre Pokémon, non ? Et l'infirmière Joëlle est gentille avec toi, n'est-ce pas ?
- Je n'ai même pas le droit de sortir de ma chambre. Ils ont peur que les personnes qui s'en sont prises aux miens me retrouvent et me fassent subir le même sort.
- Ils s'inquiètent seulement pour toi. Tu sais, c'est le rôle de la police d'assurer la sécurité des citoyens.
- Mais pas la mienne ! Je n'ai pas peur. Ces meurtriers peuvent venir me chercher, qu'importe ! Au moins, j'aurais peut-être une chance de savoir ce qui est arrivé à ma famille, et surtout pourquoi, même si je dois en périr dans les minutes à suivre.
Kathy porta une main à ses yeux pour essuyer les larmes qui étaient venues y perler. Celle qui l'accompagnait sortit un mouchoir de l'une de ses poches et s'accroupit pour essuyer ses joues humides, avant de lui déposer le petit carré de lin blanc, sur lequel un C calligraphié était brodé, dans la main.
- Tu es une fillette très courageuse, murmura la Championne en prenant son visage entre ses mains pour balayer les pleurs restants du revers du pouce. Je crois simplement que tu es restée seule trop longtemps. L'agent Jenny et ses collègues ont fait leur travail, qui consiste à veiller qu'il ne t'arrive rien, et de manière irréprochable. L'ennui, c'est qu'ils n'ont pas pris en compte le fait que tu ne sois qu'une enfant, que le traumatisme et le drame hantent toujours. Tu ne dois surtout pas rester seule confinée dans une pièce. Il faut te donner la force de dépasser cette tragique situation, même si je sais que tu vas me dire que c'est impossible. Et puis, réfléchis une seconde, si tes parents et ton frère n'étaient pas morts, tu imagines le chagrin que cela leur causerait s'ils apprenaient que toi, tu l'es ?
- Mais s'ils ne le sont pas, pourquoi l'agent Jenny ne les retrouve-t-elle pas ? Elle est incapable de dire ce qui a pu se produire dans le salon, ni même pourquoi il y a autant de sang. L'enquête est quasiment à l'arrêt, il n'y a aucune nouvelle qui puisse encourager le moindre espoir. Elle n'a même pas découvert un infime indice qui laisserait penser que ma famille est en vie.
- Dans ce cas, c'est une raison supplémentaire pour que toi tu continues à l'être. Tu es encore une enfant, et ce genre de chose te mettrait en danger, mais pense, d'ici quelques années, que tu pourras pendre la relève de la police. Tu chercheras tes parents, ton frère, et tu démêleras le mystère qui entoure leur disparition. Tu as besoin d'un peu de temps, mais un jour, tu seras en mesure de le faire. Il faut seulement que tu patientes, et surtout que tu restes vivante. Quand le moment sera venu, je sais que tu résoudras cette énigme. Tu vois, il te reste encore quelque chose à faire, et un but à poursuivre.
- Vous en êtes vraiment certaine ?
- Absolument, répondit Cynthia en lui adressant un sourire sincère. Et maintenant, si je t'emmenais manger une glace, qu'en penses-tu ? J'ai cru comprendre que tu étais partie sans prendre de petit-déjeuner, tu dois être affamée.
Comme pour confirmer les propos de la femme, le ventre de Kathy se mit à gronder. Elle esquissa un rire, puis son visage redevint hermétique. Malgré toutes les paroles réconfortantes de sa sauveuse, elle n'avait toujours pas le coeur à l'allégresse. Tête basse, elle se dirigea vers son Ponyta sur lequel la Championne l'aida à monter.
Le pokémon avançait au petit pas pour ne pas perdre en route leur accompagnatrice, qui marchait à côté d'eux. La fillette la regarda plusieurs fois en catimini : ses yeux gris pétillants, son visage gracieux, sa douceur, l'arôme délicat de son parfum... Tout en elle lui inspirait confiance, et dans une moindre mesure, lui rappelait sa mère, bien que les deux femmes ne se ressemblaient absolument pas physiquement.
Bientôt, elles furent de retour au village, qui était cerné par la police. Cynthia alla les rassurer. Elle les pria de transmettre à l'agent Jenny le message que tout allait bien et que l'enfant était en sécurité avec elle. Elle les informa ensuite qu'elle la ramènerait le soir même au Centre Pokémon, où elle devrait alors s'entretenir avec leur supérieure.
- Quel parfum désires-tu ? s'enquit-elle après qu'elles aient repris leur route.
- Je vous demande pardon ?
- Ta glace, à quoi la veux-tu ?
- Oh, euh... Menthe-chocolat, s'il vous plait. C'était le parfum que Maman faisait le plus souvent lorsque j'étais petite, et mon préféré.
- D'accord, attends-moi là, je reviens dans une minute.
Kathy guida son Ponyta à l'aide de ses rênes sur le bas-côté du chemin en terre qui faisait office de grand-rue, afin de ne pas gêner la circulation pourtant quasiment inexistante, pendant que Cynthia rentrait dans une échoppe aux couleurs acidulées, mélange de jaune vif et rose bonbon.
Quand elle en ressortit, elle tenait deux cornets. Elle tendit le sien à la fillette avant d'entamer sa glace, sur laquelle s'empilait trois boules pistache, chocolat et citron. Avec un clin d'oeil, elle lui affirma qu'elle était très gourmande, avant de poser un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer qu'il s'agissait là d'un secret.
La fillette savoura son cornet avec délice. Bien que cela n'avait pas d'équivalent avec la cuisine de sa mère, elle le trouva tout de même excellent. Elle lécha sa glace jusqu'à la dernière goutte, avant de dévorer le cône en quelques bouchées. Cynthia, quant à elle, avait déjà terminée la sienne, pourtant beaucoup plus grosse.
- Oulà ! Tu en as partout autour de la bouche. As-tu toujours le mouchoir que je t'ai donné tout à l'heure ?
Kathy sortit de sa poche l'objet qu'elle tendit à la Championne. Elle lui essuya délicatement les lèvres et les joues, qui laissèrent de fines traces vertes sur le tissu blanc. Avec son sourire qui ne la quittait pas, elle le lui rendit en lui affirmant qu'elle lui en faisait cadeau.
- Tu pourrais encore en avoir besoin à l'avenir. Et puis, si tu manges une autre glace, tu ne voudrais pas attirer les Dardargnan, tu ne crois pas ?
- Absolument pas. Je n'aime pas les pokémon insecte. A la ferme, l'été, il y en avait plein, et je me suis souvent faite piquer.
- Ne t'inquiète pas, il est plus rare d'en croiser en ville qu'à la campagne. Et maintenant, que dirais-tu d'aller faire quelques emplettes avec moi ?
La fillette acquiesça de bon coeur. Elle n'avait pas eu beaucoup l'occasion de parler avec des gens depuis qu'elle se trouvait au Centre Pokémon, et trouvait la compagnie de Cynthia très agréable. Surtout, avec elle, elle se sentait rassurée, plus qu'avec la police ou l'infirmière Joëlle. Peut-être parce qu'elle ne la traitait ni comme une enfant, ni comme une victime, mais plutôt en amie, ce dont elle lui était reconnaissante.
Elles se rendirent dans la plus grande boutique de la ville qui, à la vue de sa façade fissurée à la peinture écaillée, semblait ancienne ou mal entretenue. La femme pénétra à l'intérieur et Kathy la suivit après avoir attaché les rênes de Ponyta à un crochet qui servait à tenir les volets ouverts en cas de vent.
Le vendeur s'inclina respectueusement devant la Championne lorsqu'elle eut à peine fait un pas dans le modeste endroit. A l'en croire, c'était un véritable honneur pour lui que de la recevoir dans sa Boutique Pokémon. Elle le remercia, avant d'assurer qu'elle pouvait trouver seule ce dont elle avait besoin.
L'enfant la regarda acheter plusieurs sprays de teintes et de tailles différentes, sans doute tous destinés à une activité particulière. Suivant son regard interrogateur, son amie lui expliqua leurs fonctions :
- Celle-ci, tu vois, est une Potion qui sert à soigner un pokémon légèrement blessé. Celle-là sert pour les cas plus graves, et cette autre, là, est un Anti-para, qui aide à se libérer de la paralysie. Quant à la violette, il s'agit d'un Antidote, qui annihile les effets du poison.
La fillette acquiesça d'un signe de tête avant de s'intéresser de plus près à de petites sphères rondes, rouge et blanche, serties par une bande noire, pendant que Cynthia réglait ses achats. Lorsqu'elle revint vers elle, elle l'interrogea :
- J'avoue que je ne comprends pas pourquoi tu laisses ton Ponyta dehors au lieu de le faire rentrer dans sa pokéball. Ce serait beaucoup plus simple, non ?
- Sa pokéball ? articula lentement Kathy en levant les yeux vers elle. Qu'est-ce que c'est qu'une pokéball ?
- Je... Mais... Tu... C'est cela.
La Championne finit par capituler en lui désignant les sphères sur lesquelles elle était en train de faire rouler ses doigts. Elle décida de lui en acheter quelques-unes avant de lui expliquer quelle était leur fonction. Décidément, cette enfant ne connaissait quasiment rien en ce qui concernait les dresseurs pokémon. Comment cela était-il possible, à douze ans, d'être encore plongée dans une telle ignorance, alors que Kathy semblait au contraire très intelligente pour son âge ?
- Pourrais-je savoir ce qu'il t'est venu à l'esprit ? demanda-t-elle en caressant le dos de l'enfant qui restait blottie contre elle.
- Je... Je ne sais pas trop. Je pensais... Je croyais que peut-être... Enfin, je voulais revoir ma famille.
- L'agent Jenny m'a expliqué ce qui s'est passé. Avec l'infirmière Joëlle, elles étaient mortes d'inquiétude, et elles avaient bien raison. Ecoute-moi, rien ne prouve que tes proches sont morts, alors te suicider simplement avec cette pensée injustifiée ne te mènerait nulle part, au contraire.
- S'ils étaient vivants, nous les aurions retrouvés.
- Ils sont peut-être simplement très bien cachés.
La femme se mit debout puis aida Kathy à en faire autant. Elle nettoya les vêtements de la fillette avant d'en faire de même avec les siens. Un sourire amicale, chaleureux, apparut sur son visage. Pour la première fois depuis le drame, l'enfant avait l'impression de se sentir en sécurité, entourée.
- Au fait, je ne t'ai même pas dit mon nom. Je suis Cynthia, la Championne de Sinnoh.
- Une Championne ? Qu'est-ce donc ?
Son interlocutrice la regarda, un peu étonnée. Jusqu'à présent, toutes les personnes qu'elle avait croisées, même les plus jeunes, savaient quel était son rôle dans la région. Jamais on ne lui avait posé une telle question, si bien qu'elle ne sut tout d'abord pas vraiment comment y répondre.
- Hum... Comment dire ? En fait, je fais partie du Conseil Quatre de Sinnoh. Du moins, j'en suis le Maître. Mes amis et moi-même sommes considérés comme l'élite des dresseurs pokémon, et notre rôle, en particulier le mien, est de nous assurer que l'ordre et la quiétude règnent dans la région. Aussi, comme j'étais de passage dans le coin, et que j'avais entendu parler de ton histoire, j'ai décidé de venir t'apporter mon soutien. Je peux te dire que maintenant, je suis encore plus heureuse de l'avoir fait, sans quoi tu serais au fond du ravin à l'instant où nous parlons.
- Qu'est-ce que cela aurait changé, de toute façon ? Je ne reverrais probablement jamais mes parents, ni mon frère, et ne peux plus retourner vivre dans notre ferme, car cela me serait insupportable. Je n'ai nulle part où aller, ni plus personne.
- Tu es au Centre Pokémon, non ? Et l'infirmière Joëlle est gentille avec toi, n'est-ce pas ?
- Je n'ai même pas le droit de sortir de ma chambre. Ils ont peur que les personnes qui s'en sont prises aux miens me retrouvent et me fassent subir le même sort.
- Ils s'inquiètent seulement pour toi. Tu sais, c'est le rôle de la police d'assurer la sécurité des citoyens.
- Mais pas la mienne ! Je n'ai pas peur. Ces meurtriers peuvent venir me chercher, qu'importe ! Au moins, j'aurais peut-être une chance de savoir ce qui est arrivé à ma famille, et surtout pourquoi, même si je dois en périr dans les minutes à suivre.
Kathy porta une main à ses yeux pour essuyer les larmes qui étaient venues y perler. Celle qui l'accompagnait sortit un mouchoir de l'une de ses poches et s'accroupit pour essuyer ses joues humides, avant de lui déposer le petit carré de lin blanc, sur lequel un C calligraphié était brodé, dans la main.
- Tu es une fillette très courageuse, murmura la Championne en prenant son visage entre ses mains pour balayer les pleurs restants du revers du pouce. Je crois simplement que tu es restée seule trop longtemps. L'agent Jenny et ses collègues ont fait leur travail, qui consiste à veiller qu'il ne t'arrive rien, et de manière irréprochable. L'ennui, c'est qu'ils n'ont pas pris en compte le fait que tu ne sois qu'une enfant, que le traumatisme et le drame hantent toujours. Tu ne dois surtout pas rester seule confinée dans une pièce. Il faut te donner la force de dépasser cette tragique situation, même si je sais que tu vas me dire que c'est impossible. Et puis, réfléchis une seconde, si tes parents et ton frère n'étaient pas morts, tu imagines le chagrin que cela leur causerait s'ils apprenaient que toi, tu l'es ?
- Mais s'ils ne le sont pas, pourquoi l'agent Jenny ne les retrouve-t-elle pas ? Elle est incapable de dire ce qui a pu se produire dans le salon, ni même pourquoi il y a autant de sang. L'enquête est quasiment à l'arrêt, il n'y a aucune nouvelle qui puisse encourager le moindre espoir. Elle n'a même pas découvert un infime indice qui laisserait penser que ma famille est en vie.
- Dans ce cas, c'est une raison supplémentaire pour que toi tu continues à l'être. Tu es encore une enfant, et ce genre de chose te mettrait en danger, mais pense, d'ici quelques années, que tu pourras pendre la relève de la police. Tu chercheras tes parents, ton frère, et tu démêleras le mystère qui entoure leur disparition. Tu as besoin d'un peu de temps, mais un jour, tu seras en mesure de le faire. Il faut seulement que tu patientes, et surtout que tu restes vivante. Quand le moment sera venu, je sais que tu résoudras cette énigme. Tu vois, il te reste encore quelque chose à faire, et un but à poursuivre.
- Vous en êtes vraiment certaine ?
- Absolument, répondit Cynthia en lui adressant un sourire sincère. Et maintenant, si je t'emmenais manger une glace, qu'en penses-tu ? J'ai cru comprendre que tu étais partie sans prendre de petit-déjeuner, tu dois être affamée.
Comme pour confirmer les propos de la femme, le ventre de Kathy se mit à gronder. Elle esquissa un rire, puis son visage redevint hermétique. Malgré toutes les paroles réconfortantes de sa sauveuse, elle n'avait toujours pas le coeur à l'allégresse. Tête basse, elle se dirigea vers son Ponyta sur lequel la Championne l'aida à monter.
Le pokémon avançait au petit pas pour ne pas perdre en route leur accompagnatrice, qui marchait à côté d'eux. La fillette la regarda plusieurs fois en catimini : ses yeux gris pétillants, son visage gracieux, sa douceur, l'arôme délicat de son parfum... Tout en elle lui inspirait confiance, et dans une moindre mesure, lui rappelait sa mère, bien que les deux femmes ne se ressemblaient absolument pas physiquement.
Bientôt, elles furent de retour au village, qui était cerné par la police. Cynthia alla les rassurer. Elle les pria de transmettre à l'agent Jenny le message que tout allait bien et que l'enfant était en sécurité avec elle. Elle les informa ensuite qu'elle la ramènerait le soir même au Centre Pokémon, où elle devrait alors s'entretenir avec leur supérieure.
- Quel parfum désires-tu ? s'enquit-elle après qu'elles aient repris leur route.
- Je vous demande pardon ?
- Ta glace, à quoi la veux-tu ?
- Oh, euh... Menthe-chocolat, s'il vous plait. C'était le parfum que Maman faisait le plus souvent lorsque j'étais petite, et mon préféré.
- D'accord, attends-moi là, je reviens dans une minute.
Kathy guida son Ponyta à l'aide de ses rênes sur le bas-côté du chemin en terre qui faisait office de grand-rue, afin de ne pas gêner la circulation pourtant quasiment inexistante, pendant que Cynthia rentrait dans une échoppe aux couleurs acidulées, mélange de jaune vif et rose bonbon.
Quand elle en ressortit, elle tenait deux cornets. Elle tendit le sien à la fillette avant d'entamer sa glace, sur laquelle s'empilait trois boules pistache, chocolat et citron. Avec un clin d'oeil, elle lui affirma qu'elle était très gourmande, avant de poser un doigt sur ses lèvres pour lui indiquer qu'il s'agissait là d'un secret.
La fillette savoura son cornet avec délice. Bien que cela n'avait pas d'équivalent avec la cuisine de sa mère, elle le trouva tout de même excellent. Elle lécha sa glace jusqu'à la dernière goutte, avant de dévorer le cône en quelques bouchées. Cynthia, quant à elle, avait déjà terminée la sienne, pourtant beaucoup plus grosse.
- Oulà ! Tu en as partout autour de la bouche. As-tu toujours le mouchoir que je t'ai donné tout à l'heure ?
Kathy sortit de sa poche l'objet qu'elle tendit à la Championne. Elle lui essuya délicatement les lèvres et les joues, qui laissèrent de fines traces vertes sur le tissu blanc. Avec son sourire qui ne la quittait pas, elle le lui rendit en lui affirmant qu'elle lui en faisait cadeau.
- Tu pourrais encore en avoir besoin à l'avenir. Et puis, si tu manges une autre glace, tu ne voudrais pas attirer les Dardargnan, tu ne crois pas ?
- Absolument pas. Je n'aime pas les pokémon insecte. A la ferme, l'été, il y en avait plein, et je me suis souvent faite piquer.
- Ne t'inquiète pas, il est plus rare d'en croiser en ville qu'à la campagne. Et maintenant, que dirais-tu d'aller faire quelques emplettes avec moi ?
La fillette acquiesça de bon coeur. Elle n'avait pas eu beaucoup l'occasion de parler avec des gens depuis qu'elle se trouvait au Centre Pokémon, et trouvait la compagnie de Cynthia très agréable. Surtout, avec elle, elle se sentait rassurée, plus qu'avec la police ou l'infirmière Joëlle. Peut-être parce qu'elle ne la traitait ni comme une enfant, ni comme une victime, mais plutôt en amie, ce dont elle lui était reconnaissante.
Elles se rendirent dans la plus grande boutique de la ville qui, à la vue de sa façade fissurée à la peinture écaillée, semblait ancienne ou mal entretenue. La femme pénétra à l'intérieur et Kathy la suivit après avoir attaché les rênes de Ponyta à un crochet qui servait à tenir les volets ouverts en cas de vent.
Le vendeur s'inclina respectueusement devant la Championne lorsqu'elle eut à peine fait un pas dans le modeste endroit. A l'en croire, c'était un véritable honneur pour lui que de la recevoir dans sa Boutique Pokémon. Elle le remercia, avant d'assurer qu'elle pouvait trouver seule ce dont elle avait besoin.
L'enfant la regarda acheter plusieurs sprays de teintes et de tailles différentes, sans doute tous destinés à une activité particulière. Suivant son regard interrogateur, son amie lui expliqua leurs fonctions :
- Celle-ci, tu vois, est une Potion qui sert à soigner un pokémon légèrement blessé. Celle-là sert pour les cas plus graves, et cette autre, là, est un Anti-para, qui aide à se libérer de la paralysie. Quant à la violette, il s'agit d'un Antidote, qui annihile les effets du poison.
La fillette acquiesça d'un signe de tête avant de s'intéresser de plus près à de petites sphères rondes, rouge et blanche, serties par une bande noire, pendant que Cynthia réglait ses achats. Lorsqu'elle revint vers elle, elle l'interrogea :
- J'avoue que je ne comprends pas pourquoi tu laisses ton Ponyta dehors au lieu de le faire rentrer dans sa pokéball. Ce serait beaucoup plus simple, non ?
- Sa pokéball ? articula lentement Kathy en levant les yeux vers elle. Qu'est-ce que c'est qu'une pokéball ?
- Je... Mais... Tu... C'est cela.
La Championne finit par capituler en lui désignant les sphères sur lesquelles elle était en train de faire rouler ses doigts. Elle décida de lui en acheter quelques-unes avant de lui expliquer quelle était leur fonction. Décidément, cette enfant ne connaissait quasiment rien en ce qui concernait les dresseurs pokémon. Comment cela était-il possible, à douze ans, d'être encore plongée dans une telle ignorance, alors que Kathy semblait au contraire très intelligente pour son âge ?
Chapitre 6 : Butterfly fly away
Butterfly fly away - Miley Cyrus
Spoiler
- Une pokéball, c'est une sorte de maison portative pour tes pokémon. Tu les combats, et une fois qu'ils sont faibles, tu les captures à l'intérieur.
- Comme les pièges à Rattata ?
- Hum... Oui, oui, en quelque sorte, approuva Cynthia, désemparée.
Elles étaient assises dans l'herbe, devant l'étang du parc municipal, où nageaient des Marill et flottaient des Nenupiot. La Championne de Sinnoh avait ôté ses bottines pour étendre ses pieds nus sur le sol. Appuyée sur un coude pour la soutenir, elle se tourna vers la fillette.
- Le mieux serait que je te fasse une démonstration.
Elle fouilla une seconde dans la poche intérieure de son manteau pour en sortir une sphère rouge et blanche qui s'agrandit entre ses doigts. Elle la lança devant elle et une Roserade en jaillit dans un éclair de lumière écarlate.
- Tu vois, c'est comme cela qu'une pokéball fonctionne. Il faut simplement se faire à l'idée du mécanisme, tu verras, ensuite, tout coule de source.
Kathy acquiesça distraitement en regardant le pokémon. Les fleurs à l'extrémité de ses bras évoquaient le bouquet qu'elle avait été cueillir dans la forêt avant que sa famille ne disparaisse. Elle s'en voulait tellement ! Cynthia dût voir son regard se troubler de larmes car elle passa un bras autour de son cou pour l'attirer vers elle. L'enfant se blottit contre sa protectrice au parfum apaisant.
- Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, je ne me le permettrais pas, mais j'imagine que cela doit être terriblement difficile pour toi.
Elle hocha la tête en essuyant ses pleurs avec le mouchoir que la Championne lui avait donné, tandis que celle-ci rappelait Roserade dans sa sphère métallique. Elles se mirent ensuite debout et la femme courut jusqu'à l'étang. Intriguée, Kathy la suivit pour voir pourquoi elle était partie si vite. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, sa nouvelle amie s'accroupit pour l'asperger d'eau.
La fillette mit un peu de temps avant de réagir. Plongeant ses mains dans le liquide un peu vaseux, elle lui rendit la pareille, effrayant un Axoloto qui se tapissait là par la même occasion. Il leur fallut une poignée de minutes avant d'être totalement trempées. La magnifique chevelure de Cynthia frisottait à cause de l'humidité, alors que celle de la fillette était totalement défaite.
- Nous devrions rentrer au Centre Pokémon. Je ne voudrais pas que tu attrapes froid dans tes vêtements. Regarde, ils sont tout mouillés.
Kathy accepta la proposition un peu à contrecoeur. Elle ne tenait pas tant que cela à retourner dans sa chambre, prisonnière, mais elle n'osa pas non plus contredire la Championne qui avait été si bonne pour elle tout au long de la journée.
Elles se mirent donc en route. Cette fois-ci, la fillette ne monta pas son Ponyta, mais marcha à côté de lui, les rênes à la main, pour pouvoir avancer au même rythme que sa bienfaitrice. Le chemin fut court : elles n'avaient que deux rues à traverser avant d'arriver sur la place, puis descendre la grand-rue qui passait devant le Centre Pokémon.
L'infirmière Joëlle se précipita vers elles dès qu'elles eurent pénétré à l'intérieur. Cynthia la rassura, tout comme elle l'avait fait avec les policiers, avant que Kathy ne s'exclame qu'elle avait passé un excellente journée. Son visage arborant toujours l'air gracieux dont elle ne s'était pas départie une seconde, la dresseuse la reconduisit dans sa chambre.
- Je vais patienter dans le couloir en attendant que tu te changes, d'accord ? Tu viendras me prévenir lorsque tu auras terminé.
Kathy répondit par l'affirmative avant que la porte ne se referme sur son amie. Elle était en train de laisser tomber sa robe humide sur le sol lorsque son regard se posa sur la fenêtre. Le soleil était sur le point de se coucher à l'horizon. Elle n'avait pas vu le temps passer : était-il réellement possible qu'une journée entière se soit écoulée depuis que Cynthia l'avait sauvée de sa chute dans le ravin ?
- J'ai fini, informa la fillette en sortant dans le corridor.
La Championne la regarda, toujours autant étonnée par son style et ses manières. Vêtue d'un corsage blanc orné de dentelle et d'une jupe en velours, elle semblait venir tout droit d'une autre époque. Son maintien et sa diction n'étaient pas non plus ceux d'une enfant du vingt-et-unième siècle. C'était comme si elle avait été élevée à une autre époque, plusieurs décennies auparavant.
- Qu'y a-t-il ? s'enquit Kathy en remarquant son regard insistant.
- RIen, je... Euh... J'admirais ton haut. Il est vraiment ravissant.
- Merci beaucoup. Vous savez, c'est Maman qui me l'a cousu, il y a déjà quelques mois. Elle était vraiment très douée pour cela.
- Effectivement, c'est un travail d'orfèvre qu'elle a réalisé là. Et maintenant, si nous nous occupions de tes cheveux ?
Cynthia pénétra dans la chambre à la suite de la fillette, où elle la fit s'asseoir sur une chaise. Elle avait demandé une serviette à l'infirmière Joëlle, avec laquelle elle lui sécha en grande partie ses boucles brunes. Elle prit ensuite la brosse et le peigne posés sur l'unique étagère de la salle de bain, avant de la coiffer.
Les gestes de la dresseuse était doux, reposant. Plus d'une fois, les paupières de Kathy manquèrent de se fermer. Elle se sentait si bien avec cette nouvelle compagnie. Cette présence à ses côtés avait quelque chose de bénéfique. Elle allait beaucoup mieux depuis le matin même. Rien de mauvais ne pouvait plus lui arriver tant que la Championne de Sinnoh serait là.
Pour finir, cette dernière tressa sa chevelure brune qu'elle noua d'un ruban, avant de s'écarter pour la laisser s'admirer dans le miroir. Kathy était aux anges : cette coiffure lui allait à ravir, alors qu'elle n'avait plus réussi à attacher ses cheveux depuis que sa mère n'était plus là pour l'aider à le faire, raison pour laquelle ils s'emmêlaient sans cesse.
La porte s'ouvrit sur l'infirmière Joëlle qui apportait un plateau. Il s'agissait du dîner de la fillette, composé de pain de mie, d'un bol de bouillon, d'une tranche de fromage et de fromage blanc. Cynthia grimaça en voyant cela, ce qui la fit sourire.
- En fait, c'est plutôt bon, affirma l'enfant. Nous mangions souvent de la soupe, l'hiver, à la ferme. Cela nous réchauffait encore plus.
- Bon, dis-tu ? Et même meilleur que la glace ?
- Hum... Non.
Elles éclatèrent de rire tandis que Joëlle déposait le repas sur la petite table à roulette. Cette dernière leva ensuite la tête pour transmettre un message à la Championne, qui l'écouta attentivement :
- L'agent Jenny souhaiterait vous parler en privé, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Elle vous attend dans la salle d'attente, mais vous pouvez utiliser mon bureau si vous le souhaitez. Désirez-vous que je vous prépare quelque chose à manger pendant que vous vous entreteniez toutes les deux ?
- Je prendrais également un bouillon, s'il vous plait. Je mange très peu le soir, je m'en contenterai.
Elles quittèrent toutes les deux la pièce, laissant la fillette dîner seule après lui avoir souhaité un bon appétit. Elle aurait été curieuse de savoir ce que la policière pouvait bien dire à Cynthia. Elle avala sa soupe en quelques lampées pour ne pas qu'elle refroidisse, puis gagna le couloir sur pointe des pieds. Le bureau de l'infirmière Joëlle se trouvait à son extrémité.
Accolée à la porte, l'oreille contre le trou de la serrure, Kathy essaya d'entendre ce que les deux femmes se disaient. Au début, elles parlaient à voix basse, comme si elles ne tenaient pas à être entendues, puis le ton monta peu à peu. Désormais, Cynthia criait à l'intérieur, et la fillette put enfin comprendre le sujet de leur discorde.
- Malgré tout le respect que je vous dois, Cynthia, je connais mon métier et ce n'est pas à vous de me l'apprendre. Cette enfant doit être protégée par nos services. Elle est le seul témoin que nous ayons, et elle est peut-être en danger.
- Avec la description de la scène de crime que vous m'avez faite, je doute que les agresseurs de cette famille fasse dans la dentelle. S'ils avaient eu un bon motif pour s'en prendre à elle, ils l'auraient fait depuis longtemps, protection ou nom. Je ne suis pas certaine que vous preniez bien conscience de la situation, agent Jenny. C'est d'une petite fille de douze ans dont nous parlons, et je l'ai rattrapée au moment où elle se jetait du haut d'une falaise.
- Je comprends votre inquiétude, et je dois reconnaître que nous vous devons beaucoup pour votre acte héroïque de ce matin.
- Non, justement, vous ne comprenez rien. Vous ne pouvez pas garder indéfiniment cette enfant en captivité. L'enquête ne progresse pas. Elle me l'a dit et discuter avec vous ne fait que confirmer ses propos. Vous n'avez aucune idée de ce qui s'est réellement passé et n'en aurez probablement jamais. Mais en attendant, c'est cette fillette qui en souffre. Je ne serais pas toujours là pour lui sauver la vie la prochaine fois qu'elle en aura assez.
- Que voulez-vous que je fasse ? Elle n'a personne chez qui aller. Au moins, ici, elle a un toit et des gens qui s'occupent d'elle.
- Justement, est-ce qu'un seul d'entre vous a pris la peine de discuter avec elle ?
- Evidemment, ne serait-ce que pour les besoins de l'enquête.
- Très bien, alors il n'y a rien qui vous a choqué ? Dans son comportement, sa manière d'être, même jusqu'à son style vestimentaire qui saute pourtant aux yeux ? Elle ne sait pas ce qu'est une pokéball.
- Allons donc, Cynthia, je vous pensais plus sérieuse que cela. Vous n'allez tout de même pas me faire croire que...
Kathy en avait suffisamment entendu. Elle retourna dans sa chambre, où la Championne de Sinnoh ne tarda pas à venir la rejoindre, une fois sa discussion houleuse terminée. Elle leva dans sa direction un regard interrogateur.
- Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
- J'étais certaine que tu viendrais écouter à la porte. Tout va bien, ne t'inquiète pas. Tu n'as rien à te reprocher. C'est juste que tes parents, puisque je suppose que ce sont eux qui t'ont éduquée, l'on fait à la mode du siècle dernier. C'est un peu étrange lorsqu'on ne s'y attend pas, mais c'est loin d'être une critique. Simplement, tu ne connais pas grand-chose à la vie actuelle, ce qui pourrait t'être préjudiciable puisque tu vas sans doute être obligée de rester seule un long moment. L'agent Jenny m'a promis de t'aider au mieux à te faire découvrir tout ce que tu ignores, comme moi lorsque je t'ai expliqué ce qu'était une pokéball, et son utilité.
Kathy acquiesça. Elle était en train de se préparer pour aller dormir. Ses dents étaient brossées et elle portait une chemise de nuit également en dentelle, au col montant et au jupon long. Elle laissa ses chaussons dans un angle de la pièce avant de se diriger vers son lit.
- Vous voudriez faire quelque chose pour moi ? demanda-t-elle d'une voix timide.
- Tout ce que tu voudras.
- Vous voulez bien réciter une prière avec moi ? J'en adresse une chaque soir à Arceus dans l'espoir qu'Il l'entende et qu'Il vienne en aide à ma famille, que ce soit dans ce monde ou dans l'autre.
Cynthia vint s'agenouiller à côté d'elle, au pied du lit, et ferma les paupières, les mains entrelacées contre sa poitrine, tandis que la fillette égrainait son chapelet. Une minute après, elles se relevèrent. L'enfant semblait un peu apaisée.
- Je dois partir demain matin très tôt, pour rejoindre le Conseil Quatre car ils ont besoin de moi. Mais veux-tu que je reste ici pour la nuit, même si je ne suis pas là à ton réveil ?
- Cela me ferait infiniment plaisir, Cynthia. Je ne sais comment vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi.
La Championne la mit au lit et tira les couvertures jusqu'à son menton, avant de la border. Kathy ne tarda pas à tomber dans les bras de Cresselia, un léger sourire aux lèvres, tandis que Cynthia somnolait dans le fauteuil à côté, sa main fermée sur celle de sa protégée.
- Comme les pièges à Rattata ?
- Hum... Oui, oui, en quelque sorte, approuva Cynthia, désemparée.
Elles étaient assises dans l'herbe, devant l'étang du parc municipal, où nageaient des Marill et flottaient des Nenupiot. La Championne de Sinnoh avait ôté ses bottines pour étendre ses pieds nus sur le sol. Appuyée sur un coude pour la soutenir, elle se tourna vers la fillette.
- Le mieux serait que je te fasse une démonstration.
Elle fouilla une seconde dans la poche intérieure de son manteau pour en sortir une sphère rouge et blanche qui s'agrandit entre ses doigts. Elle la lança devant elle et une Roserade en jaillit dans un éclair de lumière écarlate.
- Tu vois, c'est comme cela qu'une pokéball fonctionne. Il faut simplement se faire à l'idée du mécanisme, tu verras, ensuite, tout coule de source.
Kathy acquiesça distraitement en regardant le pokémon. Les fleurs à l'extrémité de ses bras évoquaient le bouquet qu'elle avait été cueillir dans la forêt avant que sa famille ne disparaisse. Elle s'en voulait tellement ! Cynthia dût voir son regard se troubler de larmes car elle passa un bras autour de son cou pour l'attirer vers elle. L'enfant se blottit contre sa protectrice au parfum apaisant.
- Je ne prétends pas savoir ce que tu ressens, je ne me le permettrais pas, mais j'imagine que cela doit être terriblement difficile pour toi.
Elle hocha la tête en essuyant ses pleurs avec le mouchoir que la Championne lui avait donné, tandis que celle-ci rappelait Roserade dans sa sphère métallique. Elles se mirent ensuite debout et la femme courut jusqu'à l'étang. Intriguée, Kathy la suivit pour voir pourquoi elle était partie si vite. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, sa nouvelle amie s'accroupit pour l'asperger d'eau.
La fillette mit un peu de temps avant de réagir. Plongeant ses mains dans le liquide un peu vaseux, elle lui rendit la pareille, effrayant un Axoloto qui se tapissait là par la même occasion. Il leur fallut une poignée de minutes avant d'être totalement trempées. La magnifique chevelure de Cynthia frisottait à cause de l'humidité, alors que celle de la fillette était totalement défaite.
- Nous devrions rentrer au Centre Pokémon. Je ne voudrais pas que tu attrapes froid dans tes vêtements. Regarde, ils sont tout mouillés.
Kathy accepta la proposition un peu à contrecoeur. Elle ne tenait pas tant que cela à retourner dans sa chambre, prisonnière, mais elle n'osa pas non plus contredire la Championne qui avait été si bonne pour elle tout au long de la journée.
Elles se mirent donc en route. Cette fois-ci, la fillette ne monta pas son Ponyta, mais marcha à côté de lui, les rênes à la main, pour pouvoir avancer au même rythme que sa bienfaitrice. Le chemin fut court : elles n'avaient que deux rues à traverser avant d'arriver sur la place, puis descendre la grand-rue qui passait devant le Centre Pokémon.
L'infirmière Joëlle se précipita vers elles dès qu'elles eurent pénétré à l'intérieur. Cynthia la rassura, tout comme elle l'avait fait avec les policiers, avant que Kathy ne s'exclame qu'elle avait passé un excellente journée. Son visage arborant toujours l'air gracieux dont elle ne s'était pas départie une seconde, la dresseuse la reconduisit dans sa chambre.
- Je vais patienter dans le couloir en attendant que tu te changes, d'accord ? Tu viendras me prévenir lorsque tu auras terminé.
Kathy répondit par l'affirmative avant que la porte ne se referme sur son amie. Elle était en train de laisser tomber sa robe humide sur le sol lorsque son regard se posa sur la fenêtre. Le soleil était sur le point de se coucher à l'horizon. Elle n'avait pas vu le temps passer : était-il réellement possible qu'une journée entière se soit écoulée depuis que Cynthia l'avait sauvée de sa chute dans le ravin ?
- J'ai fini, informa la fillette en sortant dans le corridor.
La Championne la regarda, toujours autant étonnée par son style et ses manières. Vêtue d'un corsage blanc orné de dentelle et d'une jupe en velours, elle semblait venir tout droit d'une autre époque. Son maintien et sa diction n'étaient pas non plus ceux d'une enfant du vingt-et-unième siècle. C'était comme si elle avait été élevée à une autre époque, plusieurs décennies auparavant.
- Qu'y a-t-il ? s'enquit Kathy en remarquant son regard insistant.
- RIen, je... Euh... J'admirais ton haut. Il est vraiment ravissant.
- Merci beaucoup. Vous savez, c'est Maman qui me l'a cousu, il y a déjà quelques mois. Elle était vraiment très douée pour cela.
- Effectivement, c'est un travail d'orfèvre qu'elle a réalisé là. Et maintenant, si nous nous occupions de tes cheveux ?
Cynthia pénétra dans la chambre à la suite de la fillette, où elle la fit s'asseoir sur une chaise. Elle avait demandé une serviette à l'infirmière Joëlle, avec laquelle elle lui sécha en grande partie ses boucles brunes. Elle prit ensuite la brosse et le peigne posés sur l'unique étagère de la salle de bain, avant de la coiffer.
Les gestes de la dresseuse était doux, reposant. Plus d'une fois, les paupières de Kathy manquèrent de se fermer. Elle se sentait si bien avec cette nouvelle compagnie. Cette présence à ses côtés avait quelque chose de bénéfique. Elle allait beaucoup mieux depuis le matin même. Rien de mauvais ne pouvait plus lui arriver tant que la Championne de Sinnoh serait là.
Pour finir, cette dernière tressa sa chevelure brune qu'elle noua d'un ruban, avant de s'écarter pour la laisser s'admirer dans le miroir. Kathy était aux anges : cette coiffure lui allait à ravir, alors qu'elle n'avait plus réussi à attacher ses cheveux depuis que sa mère n'était plus là pour l'aider à le faire, raison pour laquelle ils s'emmêlaient sans cesse.
La porte s'ouvrit sur l'infirmière Joëlle qui apportait un plateau. Il s'agissait du dîner de la fillette, composé de pain de mie, d'un bol de bouillon, d'une tranche de fromage et de fromage blanc. Cynthia grimaça en voyant cela, ce qui la fit sourire.
- En fait, c'est plutôt bon, affirma l'enfant. Nous mangions souvent de la soupe, l'hiver, à la ferme. Cela nous réchauffait encore plus.
- Bon, dis-tu ? Et même meilleur que la glace ?
- Hum... Non.
Elles éclatèrent de rire tandis que Joëlle déposait le repas sur la petite table à roulette. Cette dernière leva ensuite la tête pour transmettre un message à la Championne, qui l'écouta attentivement :
- L'agent Jenny souhaiterait vous parler en privé, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Elle vous attend dans la salle d'attente, mais vous pouvez utiliser mon bureau si vous le souhaitez. Désirez-vous que je vous prépare quelque chose à manger pendant que vous vous entreteniez toutes les deux ?
- Je prendrais également un bouillon, s'il vous plait. Je mange très peu le soir, je m'en contenterai.
Elles quittèrent toutes les deux la pièce, laissant la fillette dîner seule après lui avoir souhaité un bon appétit. Elle aurait été curieuse de savoir ce que la policière pouvait bien dire à Cynthia. Elle avala sa soupe en quelques lampées pour ne pas qu'elle refroidisse, puis gagna le couloir sur pointe des pieds. Le bureau de l'infirmière Joëlle se trouvait à son extrémité.
Accolée à la porte, l'oreille contre le trou de la serrure, Kathy essaya d'entendre ce que les deux femmes se disaient. Au début, elles parlaient à voix basse, comme si elles ne tenaient pas à être entendues, puis le ton monta peu à peu. Désormais, Cynthia criait à l'intérieur, et la fillette put enfin comprendre le sujet de leur discorde.
- Malgré tout le respect que je vous dois, Cynthia, je connais mon métier et ce n'est pas à vous de me l'apprendre. Cette enfant doit être protégée par nos services. Elle est le seul témoin que nous ayons, et elle est peut-être en danger.
- Avec la description de la scène de crime que vous m'avez faite, je doute que les agresseurs de cette famille fasse dans la dentelle. S'ils avaient eu un bon motif pour s'en prendre à elle, ils l'auraient fait depuis longtemps, protection ou nom. Je ne suis pas certaine que vous preniez bien conscience de la situation, agent Jenny. C'est d'une petite fille de douze ans dont nous parlons, et je l'ai rattrapée au moment où elle se jetait du haut d'une falaise.
- Je comprends votre inquiétude, et je dois reconnaître que nous vous devons beaucoup pour votre acte héroïque de ce matin.
- Non, justement, vous ne comprenez rien. Vous ne pouvez pas garder indéfiniment cette enfant en captivité. L'enquête ne progresse pas. Elle me l'a dit et discuter avec vous ne fait que confirmer ses propos. Vous n'avez aucune idée de ce qui s'est réellement passé et n'en aurez probablement jamais. Mais en attendant, c'est cette fillette qui en souffre. Je ne serais pas toujours là pour lui sauver la vie la prochaine fois qu'elle en aura assez.
- Que voulez-vous que je fasse ? Elle n'a personne chez qui aller. Au moins, ici, elle a un toit et des gens qui s'occupent d'elle.
- Justement, est-ce qu'un seul d'entre vous a pris la peine de discuter avec elle ?
- Evidemment, ne serait-ce que pour les besoins de l'enquête.
- Très bien, alors il n'y a rien qui vous a choqué ? Dans son comportement, sa manière d'être, même jusqu'à son style vestimentaire qui saute pourtant aux yeux ? Elle ne sait pas ce qu'est une pokéball.
- Allons donc, Cynthia, je vous pensais plus sérieuse que cela. Vous n'allez tout de même pas me faire croire que...
Kathy en avait suffisamment entendu. Elle retourna dans sa chambre, où la Championne de Sinnoh ne tarda pas à venir la rejoindre, une fois sa discussion houleuse terminée. Elle leva dans sa direction un regard interrogateur.
- Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
- J'étais certaine que tu viendrais écouter à la porte. Tout va bien, ne t'inquiète pas. Tu n'as rien à te reprocher. C'est juste que tes parents, puisque je suppose que ce sont eux qui t'ont éduquée, l'on fait à la mode du siècle dernier. C'est un peu étrange lorsqu'on ne s'y attend pas, mais c'est loin d'être une critique. Simplement, tu ne connais pas grand-chose à la vie actuelle, ce qui pourrait t'être préjudiciable puisque tu vas sans doute être obligée de rester seule un long moment. L'agent Jenny m'a promis de t'aider au mieux à te faire découvrir tout ce que tu ignores, comme moi lorsque je t'ai expliqué ce qu'était une pokéball, et son utilité.
Kathy acquiesça. Elle était en train de se préparer pour aller dormir. Ses dents étaient brossées et elle portait une chemise de nuit également en dentelle, au col montant et au jupon long. Elle laissa ses chaussons dans un angle de la pièce avant de se diriger vers son lit.
- Vous voudriez faire quelque chose pour moi ? demanda-t-elle d'une voix timide.
- Tout ce que tu voudras.
- Vous voulez bien réciter une prière avec moi ? J'en adresse une chaque soir à Arceus dans l'espoir qu'Il l'entende et qu'Il vienne en aide à ma famille, que ce soit dans ce monde ou dans l'autre.
Cynthia vint s'agenouiller à côté d'elle, au pied du lit, et ferma les paupières, les mains entrelacées contre sa poitrine, tandis que la fillette égrainait son chapelet. Une minute après, elles se relevèrent. L'enfant semblait un peu apaisée.
- Je dois partir demain matin très tôt, pour rejoindre le Conseil Quatre car ils ont besoin de moi. Mais veux-tu que je reste ici pour la nuit, même si je ne suis pas là à ton réveil ?
- Cela me ferait infiniment plaisir, Cynthia. Je ne sais comment vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi.
La Championne la mit au lit et tira les couvertures jusqu'à son menton, avant de la border. Kathy ne tarda pas à tomber dans les bras de Cresselia, un léger sourire aux lèvres, tandis que Cynthia somnolait dans le fauteuil à côté, sa main fermée sur celle de sa protégée.
Chapitre 7 : Breakaway
Breakaway - Kelly Clarkson
Spoiler
Lorsque que Kathy se réveilla, le soleil ne s'était pas levé depuis longtemps mais Cynthia était déjà partie. Elle sortit de sous les couvertures pour aller s'habiller, avant de prendre le petit-déjeuner que l'infirmière Joëlle avait apporté lorsqu'elle dormait encore.
A peine eut-elle fini de manger ses croissants que l'agent Jenny pénétra dans la pièce, après avoir toqué. Elle lui adressa un sourire auquel la fillette répondit poliment. Elle aurait tant voulu que la Championne de Sionnoh ne soit retournée au Conseil Quatre, plutôt que de devoir encore passer toutes ses journées avec les policiers.
- Je t'ai emmené quelques babioles pour que tu t'ennuies moins, affirma la femme en lui désignant le sac plastique qu'elle avait à la main. Tu vas voir, je suis certaine que cela va te plaire.
Elle poussa le plateau vide sur un coin de la petite table afin d'y déposer ses achats. Elle laissa à Kathy l'honneur de les déballer, ce qu'elle fit à contrecoeur. Contrairement à Cynthia qui avait vraiment paru sincère la veille, elle savait que l'agent Jenny ne se préoccupait de son bien être que suite à la dispute qui les avait opposées.
- Qu'est-ce donc ? s'enquit-elle en sortant une espèce de bracelet avec un morceau de plastique accroché sur le dessus.
- C'est une Pokémontre. Elle sert à indiquer la date et l'heure, mais elle a aussi plein d'autres fonctionnalités.
- Elle doit avoir un défaut, il n'y a rien de tout cela.
- C'est normal, elle est éteinte, soupira l'agent Jenny.
Elle appuya sur le bouton qui servait à mettre l'engin en marche et les informations s'affichèrent en gros chiffres sur l'écran. Kathy détailla la Pokémontre sous tous les angles, la tournant même à l'envers pour tenter d'en comprendre le mécanisme.
- Mais où sont les aiguilles ?
- De quoi veux-tu parler ?
- Des aiguilles pour le cadran. Comment voulez-vous lire l'heure s'il n'y a pas d'aiguilles ?
Le visage de la policière se figea de stupeur. Décidément, cette enfant ne savait vraiment rien. Comment cela était-il possible ? Tout portait à croire qu'elle avait été réellement élevée sans aucun contact avec la réalité du monde.
- Ce matin, Cynthia m'a fait remarqué un détail avant de partir. Nous avons vu que tu n'avais pas de dossier médical, tu sais, les papiers qui concernent ton état de santé, en quelque sorte.
- Oui, et alors ? questionna distraitement la fillette qui observait toujours l'objet qu'elle tenait entre ses mains.
- Cela signifierait que tu n'as jamais vu de médecin depuis que tu es venue au monde. Rassure-moi, ce n'est pas le cas ?
- Non. Non, je n'en ai jamais vu. Papa disait toujours que les médecins ne servaient à rien à part nous rendre encore plus malade. Nous avions de bons remèdes à la ferme, basés sur les plantes et sur les baies. Ils étaient très efficaces, nous n'avions besoin de rien d'autre pour nous soigner.
L'agent Jenny leva les yeux au ciel avant de lui expliquer comment fonctionner l'heure. Kathy fut un peu étonnée de la voir écrite en chiffres, mais elle s'y habitua rapidement. Ce fut plus la date qui l'étonna, elle qui n'avait plus la notion des jours depuis qu'elle était retenue presque captive au Centre Pokémon.
- Je t'ai également apporté une encyclopédie sur les pokémon. Tu verras, tu apprendras plein de choses à leur sujet en la lisant.
- Ce sont les Apitrini qui font leur nid dans le creux des arbres, pas les Dardargnan, rectifia la fillette en ouvrant une page au hasard. Et la période de reproduction des Ecremeuh se situe à l'automne, pas au printemps.
La policière la regarda sans comprendre. Elle connaissait des choses que bons nombre d'autres personnes ignoraient, pourtant il avait fallu lui expliquer le fonctionnement d'une horloge numérique. Elle semblait loin d'être idiote, mais son ignorance dans certains domaines frisaient l'impossible.
- Y a-t-il d'autres erreurs là-dedans ?
- Généralement, les Magicarpe évoluent lorsqu'ils se sentent menacés ou en danger. Ils disent que c'est lorsque le ruisseau dans lequel ils vivaient les conduit à la mer, mais c'est faux. C'est justement parce qu'ils ont peur en y arrivant, et qu'ils savent qu'ils ne survivront pas s'ils ne changent pas de forme. Et la laine des Wattouat pousse environ d'un centimètre par semaine, pas un et demi, sinon il faudrait les tondre quasiment tous les mois. Tout ce qui est écrit dans ce livre n'a aucun sens.
Jenny dut reconnaître que Cynthia avait raison : cette enfant avait des connaissances ancestrales. Ses connaissances étaient presque illimitées sur les pokémon avec lesquels elle avait grandi à la ferme, tandis qu'elle ne savait absolument rien du reste autour. Depuis combien de temps vivait-elle dans cette espèce de bulle couper du monde ?
- Je vais bientôt devoir retourner au poste. Je te laisse le mode d'emploi de la Pokémontre, tu auras tout le loisir d'apprendre à la faire fonctionner. Ah, et j'allais oublier. Cynthia m'a également demandé de te donner ceci, de sa part.
Elle lui tendit un Teddiursa en peluche, qui portait un petit sac à dos. A l'intérieur, il y avait les quatre pokéball qu'elle avait acheté la veille à la boutique. Kathy remercia l'agent Jenny, puis serra la créature de tissu dans ses bras sitôt qu'elle eut quitté la pièce. Ce cadeau venant de la Championne de Sinnoh avait beaucoup plus de valeur à ses yeux que le carré de plastique lumineux offert par la policière.
La fillette garda la peluche sur ses genoux tandis qu'elle feuilletait le mode d'emploi de la Pokémontre. Elle n'y comprenait rien. Quand elle en eut assez, après avoir vainement appuyé sur ce qu'ils appelaient le bouton pendant une longue minute, elle abandonna l'objet sur la table pour aller s'allonger sur son lit avec l'encyclopédie.
Bien que fortement erroné, le livre lui apprit de nombreuses choses. Il y avait des explications sur le fonctionnement des pokéball, celles-là même que Cynthia avait évoqué la veille, ainsi que des informations concernant des machines susceptibles d'insuffler à nouveau la vie à des pokémon fossiles.
A la fin, quelques pages avant la table des matières, une carte de Sinnoh avait été minutieusement dessinée. Kathy l'étudia, repérant bien vite le village quand lequel elle se trouvait, un peu à l'écart de la route reliant Littorella à Bonaugure. Elle s'aperçut que la région était immense, surtout pour elle qui n'avait jusqu'alors jamais été plus loin que la forêt encerclant la ferme de ses parents.
Elle se souvint alors de ce que lui avait dit la Championne peu après l'avoir sauvé de la chute. Un jour, ce serait à son tour de chercher sa famille. Cependant, elle n'y arriverait pas si elle ne savait rien du monde dans lequel elle devait les retrouver. Il fallait d'abord qu'elle apprenne, qu'elle découvre, et ensuite, seulement ensuite, elle serait en mesure de se lancer sur leurs traces, sans que son ignorance risque de lui porter préjudice dans sa tâche.
Sans perdre une seconde supplémentaire à réfléchir, Kathy déchira la carte de la région qu'elle glissa dans le sac en plastique laissé sur la table par l'agent Jenny, puis elle y ajouta les pokéball et le mouchoir brodé, puis son chapelet. Enfin, elle craqua une nouvelle page de l'encyclopédie, vierge sur laquelle elle écrivit une rapide missive :
A l'intention de Cynthia,
Je vous remercie une fois encore de tout ce que vous avez fait pour moi et espère un jour être en mesure de vous rendre la pareille. Vous aviez raison : il est encore trop tôt pour que je puisse souhaiter retrouver mes parents par moi-même, mais il est toutefois inutile que je reste ici. Je pars à l'aventure, sans même savoir où je vais, pour apprendre tout ce que je ne sais pas. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis certaine que tout se passera bien. J'ai vraiment besoin de cela si je veux pouvoir faire quelque chose à l'avenir. Je dois m'en aller, mais j'espère de tout mon coeur vous revoir lorsque je reviendrais.
Avec mon affection la plus sincère,
Kathy
La fillette posa délicatement la lettre entre les pattes du Teddiursa en peluche qu'elle regarda une dernière fois avec tendresse. Elle se dirigea ensuite dans la salle de bain, où elle prit sa trousse de toilette. Elle s'apprêtait à sortir pour aller la mettre dans le sac avec tout le reste, mais elle s'arrêta un instant pour regarder son reflet dans le miroir.
Elle avait énormément changé en un peu plus de deux semaines. L'expression de son visage s'était modifiée, ce qui la vieillissait. Elle semblait plus mature, plus adulte que ce tragique matin où elle avait quitté pour la dernière fois le domicile familial sous le regard bienveillant de ses parents. Et c'était le cas. Ses lèvres s'entrouvrirent pour souffler dans un murmure :
- Joyeux anniversaire, Kathy. Et adieu.
Elle éteignit la lumière du revers de la main, avant de lancer d'un geste déterminée sa trousse dans le sac qui contenait déjà ses quelques effets. Elle ne prit aucun de ses vêtements : elle n'en voulait plus. D'après ce que lui avait fait comprendre Cynthia, les gens ne portaient plus cela depuis déjà de nombreuses années. Or, elle tenait absolument à passer inaperçue. Il était temps pour elle de se mêler au monde, au vrai, et de découvrir la vie qu'elle n'avait jamais soupçonnée jusqu'à présent. Elle rattraperait les treize années passées dans l'ignorance, puis elle se lancerait à la recherche de sa famille, car elle doutait que d'ici là, la police ait découvert le moindre indice supplémentaire.
Son sac en partie dissimulé par les plis de sa robe, la fillette quitta sa chambre sans regret. Elle passa devant le comptoir où se tenait l'infirmière Joëlle, qui l'interrogea du regard. Sa mère lui avait répété depuis son plus jeune âge qu'il ne fallait pas mentir, mais elle avait également affirmé qu'elle serait toujours là lorsqu'elle aurait besoin d'elle, aussi Kathy songea qu'aucune de ces paroles n'étaient encore d'actualité. Désormais, elle devrait faire la part des choses, la différence entre le bien et le mal, entre le juste et l'injuste seule.
- Je viens de me souvenir d'un détail qui pourrait sûrement intéresser l'agent Jenny et peut-être même faire avance l'enquête. Je me rends de ce pas au commissariat pour le lui transmettre, affirma l'enfant qui s'étonna elle-même de cette capacité à inventer une histoire avec un tel naturel qu'elle ne s'en serait jamais crue capable.
- Tu en es certaine ? Ne préfèrerais-tu pas que je l'appelle pour qu'elle vienne ici sitôt qu'elle le pourra ?
- Infirmière Joëlle, cela se situe à deux pas d'ici, il ne va rien m'arriver ! Et puis, j'ai envie de prendre un peu l'air. Ce n'est pas à une éminence de la médecine telle que vous que je vais apprendre que c'est bon pour la santé.
Avec un sourire satisfait, Kathy quitta le Centre Pokémon avec la bénédiction de son administratrice et alla chercher son Ponyta dans le petit enclos.
A peine eut-elle fini de manger ses croissants que l'agent Jenny pénétra dans la pièce, après avoir toqué. Elle lui adressa un sourire auquel la fillette répondit poliment. Elle aurait tant voulu que la Championne de Sionnoh ne soit retournée au Conseil Quatre, plutôt que de devoir encore passer toutes ses journées avec les policiers.
- Je t'ai emmené quelques babioles pour que tu t'ennuies moins, affirma la femme en lui désignant le sac plastique qu'elle avait à la main. Tu vas voir, je suis certaine que cela va te plaire.
Elle poussa le plateau vide sur un coin de la petite table afin d'y déposer ses achats. Elle laissa à Kathy l'honneur de les déballer, ce qu'elle fit à contrecoeur. Contrairement à Cynthia qui avait vraiment paru sincère la veille, elle savait que l'agent Jenny ne se préoccupait de son bien être que suite à la dispute qui les avait opposées.
- Qu'est-ce donc ? s'enquit-elle en sortant une espèce de bracelet avec un morceau de plastique accroché sur le dessus.
- C'est une Pokémontre. Elle sert à indiquer la date et l'heure, mais elle a aussi plein d'autres fonctionnalités.
- Elle doit avoir un défaut, il n'y a rien de tout cela.
- C'est normal, elle est éteinte, soupira l'agent Jenny.
Elle appuya sur le bouton qui servait à mettre l'engin en marche et les informations s'affichèrent en gros chiffres sur l'écran. Kathy détailla la Pokémontre sous tous les angles, la tournant même à l'envers pour tenter d'en comprendre le mécanisme.
- Mais où sont les aiguilles ?
- De quoi veux-tu parler ?
- Des aiguilles pour le cadran. Comment voulez-vous lire l'heure s'il n'y a pas d'aiguilles ?
Le visage de la policière se figea de stupeur. Décidément, cette enfant ne savait vraiment rien. Comment cela était-il possible ? Tout portait à croire qu'elle avait été réellement élevée sans aucun contact avec la réalité du monde.
- Ce matin, Cynthia m'a fait remarqué un détail avant de partir. Nous avons vu que tu n'avais pas de dossier médical, tu sais, les papiers qui concernent ton état de santé, en quelque sorte.
- Oui, et alors ? questionna distraitement la fillette qui observait toujours l'objet qu'elle tenait entre ses mains.
- Cela signifierait que tu n'as jamais vu de médecin depuis que tu es venue au monde. Rassure-moi, ce n'est pas le cas ?
- Non. Non, je n'en ai jamais vu. Papa disait toujours que les médecins ne servaient à rien à part nous rendre encore plus malade. Nous avions de bons remèdes à la ferme, basés sur les plantes et sur les baies. Ils étaient très efficaces, nous n'avions besoin de rien d'autre pour nous soigner.
L'agent Jenny leva les yeux au ciel avant de lui expliquer comment fonctionner l'heure. Kathy fut un peu étonnée de la voir écrite en chiffres, mais elle s'y habitua rapidement. Ce fut plus la date qui l'étonna, elle qui n'avait plus la notion des jours depuis qu'elle était retenue presque captive au Centre Pokémon.
- Je t'ai également apporté une encyclopédie sur les pokémon. Tu verras, tu apprendras plein de choses à leur sujet en la lisant.
- Ce sont les Apitrini qui font leur nid dans le creux des arbres, pas les Dardargnan, rectifia la fillette en ouvrant une page au hasard. Et la période de reproduction des Ecremeuh se situe à l'automne, pas au printemps.
La policière la regarda sans comprendre. Elle connaissait des choses que bons nombre d'autres personnes ignoraient, pourtant il avait fallu lui expliquer le fonctionnement d'une horloge numérique. Elle semblait loin d'être idiote, mais son ignorance dans certains domaines frisaient l'impossible.
- Y a-t-il d'autres erreurs là-dedans ?
- Généralement, les Magicarpe évoluent lorsqu'ils se sentent menacés ou en danger. Ils disent que c'est lorsque le ruisseau dans lequel ils vivaient les conduit à la mer, mais c'est faux. C'est justement parce qu'ils ont peur en y arrivant, et qu'ils savent qu'ils ne survivront pas s'ils ne changent pas de forme. Et la laine des Wattouat pousse environ d'un centimètre par semaine, pas un et demi, sinon il faudrait les tondre quasiment tous les mois. Tout ce qui est écrit dans ce livre n'a aucun sens.
Jenny dut reconnaître que Cynthia avait raison : cette enfant avait des connaissances ancestrales. Ses connaissances étaient presque illimitées sur les pokémon avec lesquels elle avait grandi à la ferme, tandis qu'elle ne savait absolument rien du reste autour. Depuis combien de temps vivait-elle dans cette espèce de bulle couper du monde ?
- Je vais bientôt devoir retourner au poste. Je te laisse le mode d'emploi de la Pokémontre, tu auras tout le loisir d'apprendre à la faire fonctionner. Ah, et j'allais oublier. Cynthia m'a également demandé de te donner ceci, de sa part.
Elle lui tendit un Teddiursa en peluche, qui portait un petit sac à dos. A l'intérieur, il y avait les quatre pokéball qu'elle avait acheté la veille à la boutique. Kathy remercia l'agent Jenny, puis serra la créature de tissu dans ses bras sitôt qu'elle eut quitté la pièce. Ce cadeau venant de la Championne de Sinnoh avait beaucoup plus de valeur à ses yeux que le carré de plastique lumineux offert par la policière.
La fillette garda la peluche sur ses genoux tandis qu'elle feuilletait le mode d'emploi de la Pokémontre. Elle n'y comprenait rien. Quand elle en eut assez, après avoir vainement appuyé sur ce qu'ils appelaient le bouton pendant une longue minute, elle abandonna l'objet sur la table pour aller s'allonger sur son lit avec l'encyclopédie.
Bien que fortement erroné, le livre lui apprit de nombreuses choses. Il y avait des explications sur le fonctionnement des pokéball, celles-là même que Cynthia avait évoqué la veille, ainsi que des informations concernant des machines susceptibles d'insuffler à nouveau la vie à des pokémon fossiles.
A la fin, quelques pages avant la table des matières, une carte de Sinnoh avait été minutieusement dessinée. Kathy l'étudia, repérant bien vite le village quand lequel elle se trouvait, un peu à l'écart de la route reliant Littorella à Bonaugure. Elle s'aperçut que la région était immense, surtout pour elle qui n'avait jusqu'alors jamais été plus loin que la forêt encerclant la ferme de ses parents.
Elle se souvint alors de ce que lui avait dit la Championne peu après l'avoir sauvé de la chute. Un jour, ce serait à son tour de chercher sa famille. Cependant, elle n'y arriverait pas si elle ne savait rien du monde dans lequel elle devait les retrouver. Il fallait d'abord qu'elle apprenne, qu'elle découvre, et ensuite, seulement ensuite, elle serait en mesure de se lancer sur leurs traces, sans que son ignorance risque de lui porter préjudice dans sa tâche.
Sans perdre une seconde supplémentaire à réfléchir, Kathy déchira la carte de la région qu'elle glissa dans le sac en plastique laissé sur la table par l'agent Jenny, puis elle y ajouta les pokéball et le mouchoir brodé, puis son chapelet. Enfin, elle craqua une nouvelle page de l'encyclopédie, vierge sur laquelle elle écrivit une rapide missive :
A l'intention de Cynthia,
Je vous remercie une fois encore de tout ce que vous avez fait pour moi et espère un jour être en mesure de vous rendre la pareille. Vous aviez raison : il est encore trop tôt pour que je puisse souhaiter retrouver mes parents par moi-même, mais il est toutefois inutile que je reste ici. Je pars à l'aventure, sans même savoir où je vais, pour apprendre tout ce que je ne sais pas. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis certaine que tout se passera bien. J'ai vraiment besoin de cela si je veux pouvoir faire quelque chose à l'avenir. Je dois m'en aller, mais j'espère de tout mon coeur vous revoir lorsque je reviendrais.
Avec mon affection la plus sincère,
Kathy
La fillette posa délicatement la lettre entre les pattes du Teddiursa en peluche qu'elle regarda une dernière fois avec tendresse. Elle se dirigea ensuite dans la salle de bain, où elle prit sa trousse de toilette. Elle s'apprêtait à sortir pour aller la mettre dans le sac avec tout le reste, mais elle s'arrêta un instant pour regarder son reflet dans le miroir.
Elle avait énormément changé en un peu plus de deux semaines. L'expression de son visage s'était modifiée, ce qui la vieillissait. Elle semblait plus mature, plus adulte que ce tragique matin où elle avait quitté pour la dernière fois le domicile familial sous le regard bienveillant de ses parents. Et c'était le cas. Ses lèvres s'entrouvrirent pour souffler dans un murmure :
- Joyeux anniversaire, Kathy. Et adieu.
Elle éteignit la lumière du revers de la main, avant de lancer d'un geste déterminée sa trousse dans le sac qui contenait déjà ses quelques effets. Elle ne prit aucun de ses vêtements : elle n'en voulait plus. D'après ce que lui avait fait comprendre Cynthia, les gens ne portaient plus cela depuis déjà de nombreuses années. Or, elle tenait absolument à passer inaperçue. Il était temps pour elle de se mêler au monde, au vrai, et de découvrir la vie qu'elle n'avait jamais soupçonnée jusqu'à présent. Elle rattraperait les treize années passées dans l'ignorance, puis elle se lancerait à la recherche de sa famille, car elle doutait que d'ici là, la police ait découvert le moindre indice supplémentaire.
Son sac en partie dissimulé par les plis de sa robe, la fillette quitta sa chambre sans regret. Elle passa devant le comptoir où se tenait l'infirmière Joëlle, qui l'interrogea du regard. Sa mère lui avait répété depuis son plus jeune âge qu'il ne fallait pas mentir, mais elle avait également affirmé qu'elle serait toujours là lorsqu'elle aurait besoin d'elle, aussi Kathy songea qu'aucune de ces paroles n'étaient encore d'actualité. Désormais, elle devrait faire la part des choses, la différence entre le bien et le mal, entre le juste et l'injuste seule.
- Je viens de me souvenir d'un détail qui pourrait sûrement intéresser l'agent Jenny et peut-être même faire avance l'enquête. Je me rends de ce pas au commissariat pour le lui transmettre, affirma l'enfant qui s'étonna elle-même de cette capacité à inventer une histoire avec un tel naturel qu'elle ne s'en serait jamais crue capable.
- Tu en es certaine ? Ne préfèrerais-tu pas que je l'appelle pour qu'elle vienne ici sitôt qu'elle le pourra ?
- Infirmière Joëlle, cela se situe à deux pas d'ici, il ne va rien m'arriver ! Et puis, j'ai envie de prendre un peu l'air. Ce n'est pas à une éminence de la médecine telle que vous que je vais apprendre que c'est bon pour la santé.
Avec un sourire satisfait, Kathy quitta le Centre Pokémon avec la bénédiction de son administratrice et alla chercher son Ponyta dans le petit enclos.
Chapitre 8 : I'll always remember you
I'll always remember you - Miley Cyrus
Spoiler
Le coeur de Kathy fit un soubresaut dans sa poitrine lorsqu'elle arriva au petit galop au niveau des premiers champs. Les semences avaient séchées, à défaut d'avoir été arrosées. Les proches voisins, qui venaient au début, avaient cessé de prendre soin de la ferme, sans doute en songeant que c'était inutile, puisque personne n'y reviendrait de sitôt. Heureusement, les troupeaux avaient suffisamment de quoi paître dans les champs pour ne pas mourir de faim.
La fillette, après avoir conduit Ponyta dans son box à l'écurie, ouvrit la porte d'entrée dont elle avait conservé le double au Centre Pokémon, rapporté de la maison par l'agent Jenny. Elle ignora la porte close du salon, sur laquelle était scotchées de longues bandes jaunes et noires qui en interdisaient l'accès. Elle ne put cependant retenir un tressaillement lorsqu'elle passa devant.
Elle emprunta l'escalier qui menait au palier où se trouvaient les chambres. Elle pénétra dans la sienne. La pièce n'avait pas changé depuis la dernière nuit qu'elle avait passé à l'intérieur. Elle avait les mêmes murs beiges, les sempiternels rideaux à dentelle, et la photo de sa famille posée sur sa petite table de nuit en bois fabriquée par les soins de son père. Sa collection de poké-poupées trônaient fièrement sur le rocking-chair.
Elle n'avait pas oublié les craintes de la police : les agresseurs pouvaient se lancer à sa recherche, histoire d'éliminer le dernier écueil de la famille encore vivant, pour d'obscures raisons qu'eux seuls connaissaient. L'enfant n'avait donc qu'une solution pour laquelle opter si elle désirait se mettre à l'abri. Elle devait tourner le dos à son passé, au moins pour un temps, même si cela lui brisait le coeur. Cynthia avait raison. Elle devait rester en vie par tous les moyens si elle tenait un jour à retrouver ceux qui lui étaient chers ou, si c'était impossible, pour les venger.
Elle sortit toutes ses affaires de la pièces, des vêtements au couvre-lit en passant par les jouets, et descendit tout cela sur la terrasse cimentée à laquelle l'on accédait par la porte-fenêtre de la cuisine, car ils y déjeunaient souvent l'été, autrefois. Ses yeux se baignèrent de larmes lorsque, sur la pile, elle rajouta la photo familiale, avant d'ôter la robe qu'elle portait pour recouvrir le tout.
Elle se rendit ensuite dans la chambre de son frère, qui ressemblait plutôt à un laboratoire. Des tubes à essais remplis d'étranges substances, pour la plupart dangereuses ou inconnues, occupaient une grande partie des étagères et du bureau. Des livres jonchaient le sol, ouverts aux pages d'expériences qu'Eric avait dû tenter de reproduire ou d'améliorer. Veillant à ne marcher sur rien dans ce désordre organisé, elle s'approcha de l'armoire d'où elle sortit quelques vêtements.
Elle choisit les plus petits d'entre eux, qu'elle enfila. Son frère la dépassant d'une tête, elle dût malgré tout remonter les manches de la chemise blanche et retrousser le bas du pantalon en tissu. Elle se sentait étrangement mal à l'aise dans des affaires d'homme. Elle ne portait jamais rien d'autre que des robes ou des jupes, exception faite de quelques rares fois pour aller à Ponyta.
Elle s'empara ensuite d'un coupe-papier qu'Eric avait sans doute dû utiliser pour décoller les pages de l'encyclopédie posée à côté. En se regardant dans le reflet d'une fiole au liquide bleuté, elle défit la tresse que Cynthia lui avait soigneusement faite la veille et, prenant son épaisse chevelure noire dans sa main, la trancha d'un coup sec.
Après avoir récupéré toutes les photos qui la représentaient, et tout indice plus ou moins subtil de son existence, y compris les cheveux qu'elle venait de couper, elle retourna en bas. Elle déposa les derniers effets manquant sur le reste de la pile, avant d'aller chercher son pokémon, qui embrasa le tout d'une unique Flammèche. Pendant que les dernières traces de sa vie et de son passé partaient en fumée, elle se hissa sur le dos de sa monture. Elle avait troqué sa selle d'amazone pour une normale, plus confortable lors des longues distances, où elle pouvait passer une jambe de chaque côté.
Tandis que tout s'embrasait, réduisant en cendre les vestiges de son enfance, elle s'éloigna au trot en direction des enclos. Calée sur son étrier, elle se pencha sur le côté, la main tendue, et ouvrit à tour de rôle les verrous qui retenaient les Tauros en captivité, puis ceux des Wattouat. Les pokémon ne se firent pas prier pour s'enfuir. Elle les regarda s'éloigner vers l'horizon, piétinant au passage les champs à l'abandon, avant d'aller faire sortir les Ecremeuh de l'étable. Il ne lui resta plus que les Galopa de ses parents à sortir de l'écurie, puis elle put achever sa tâche en libérant les Etourmi de la volière.
Seule au milieu des terres familiales, elle jeta un regard autour d'elle. Le feu s'éteignait progressivement, puisqu'il manquait désormais de matière combustible, mais la fumée était montée suffisamment haut pour être repérable à des kilomètres à la ronde. A l'heure qu'il était, l'infirmière Joëlle avait dû remarquer sa longue absence et en avertir l'agent Jenny. La police n'allait pas tarder à arriver.
Elle vida le contenu de son sac plastique, qui avait été rejoint par quelques vêtements d'Eric, dans la sacoche en cuir de sa selle, beaucoup plus sûre et nettement plus solide. Pendant une minute entière, elle observa encore l'endroit, se demandant si elle avait la moindre chance de le revoir un jour.
Elle revoyait son père pêcher dans la rivière des Ecayon sauvages qu'ils mangeaient au dîner avec un beau potage. Plus loin, derrière la maison, elle devinait le solide fil à linge, sur lequel sa mère étendait ses lessives, qu'elle arrivait à conserver blanches par une technique connue d'elle seule. Enfin, aux pattes de son Ponyta s'étendait le petit potager de son frère, dans lequel il faisait pousser toutes sortes d'herbes et de baies indispensables pour ses expériences. Il était même parvenu à inventer un engrais qui faisait croître n'importe quel végétal quatre fois plus vite que la moyenne.
Et maintenant, ils n'étaient plus là. Il ne resterait à Kathy rien d'eux en dehors de ses souvenirs, qui finiraient par s'estomper ou s'altérer avec le temps et la distance. Elle n'avait plus de famille, plus de foyer. Elle partait dans l'inconnu seule, sans abri, pourtant elle n'éprouvait ni crainte ni regret. Elle savait que c'était là la seule chose qui lui restait à faire. Elle n'avait pas vraiment le choix. Elle ne pouvait ni compter sur la police, ni passer sa vie à se terrer dans un Centre Pokémon de peur qu'on la retrouve.
Personne ne la retrouverait : ce serait le contraire. Elle mettrait la main sur ceux qui avaient détruit sa vie et sa famille et le leur ferait payer. Elle savait que tout avait un prix, mais elle n'aurait pas peur de ce que cela lui coûterait. Elle pouvait même y laisser sa vie puisque de toute façon, désormais, elle n'avait plus rien à perdre. Elle ne risquait même pas de s'égarer elle-même, étant donné que c'était déjà le cas. Elle se sentait devenue une autre : non plus l'innocente, la douce et gentille Katharina Granet, mais une personne totalement différente, plus forte, plus dure, plus déterminée, et surtout beaucoup moins naïve.
Elle allait dorénavant se laisser guider par son instinct, et passer outre ses sentiments. Elle s'était désormais fixée un but, elle l'honorerait, quoi qu'il puisse arriver. Ici, sur les terres qui lui appartenaient désormais, elle en faisait le serment : elle rendrait justice à ses parents, à son frère disparus, et par-dessus tout, elle lèverait le voile sur le mystère entourant ce drame injustifié.
Soudain, un bruit de sirène se fit entendre, puis des gyrophares bleus apparurent au loin. Un vrombissement de moto déchira le silence paisible de la campagne. Perdue dans ses pensées, Kathy sursauta. L'agent Jenny arrivait, escorté par la police au grand complet. Elle distingua les véhicules à proximité du pont qui reliait le pont principal au chemin de terre qui menait au village.
Elle chercha un instant du regard un endroit par où s'enfuir, étant donné qu'ils bloquaient l'unique direction qu'elle connaissait. Derrière elle se trouvaient les prés, désormais vides. D'ailleurs, cela lui permit de gagner un peu de temps. Les Ecremeuh, toujours très lentes, se trouvaient pour la plupart au milieu du passage, ce qui ralentit considérablement la progression de la police.
La fillette réfléchissait à vive allure. Les enclos étaient mitoyens avec les champs des voisins, cependant, si elle s'enfuyait par là, l'un des fermiers la remarquerait forcément. Un Ponyta flamboyant au milieu de récoltes vertes ne passait pas inaperçu. Ils auraient tôt fait d'avertir ses poursuivants de la direction qu'elle avait prise.
Une fois encore, elle n'avait pas le choix. Si elle avait une chance d'échapper à l'agent Jenny et à ses collègues qui allaient bientôt lâcher les Caninos pour suivre sa trace à l'odeur, elle devait couper par la forêt. C'était le seul endroit où elle avait une chance, très mince, mais pas non plus inexistante, de les semer pour partir à la rencontre de son destin.
Cette idée ne l'enchantait guère. Les bois lui rappelaient désormais de mauvais souvenirs, et elle s'y était égarée. Rien ne lui garantissait qu'elle saurait retrouver son chemin avant que ce ne soit la police qui mette la main sur elle. Pourtant, elle devait essayer. C'était son unique espoir.
Monter à califourchon au lieu d'être en amazone lui offrait un autre avantage considérable : elle pouvait désormais demander à son Ponyta de galoper encore plus vite sans craindre de tomber. Elle le lança au maximum de sa puissance, sachant pourtant qu'il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme là.
Comme elle s'y attendait, elle entendit bientôt des aboiements dans son sillage, suivis par des cris humains. Les Caninos étaient déjà sur sa piste, leurs maîtres sur leurs talons. Elle s'efforça de prendre les chemins les plus escarpés, sautant par-dessus les troncs d'arbres renversés ou passant au milieu d'arbustes recouverts de baies à l'odeur embaumante pour tenter d'effacer la sienne, mais rien n'y faisait. Les pokémon se rapprochaient de plus en plus, alors que Ponyta commençait à fatiguer. Elle devait ralentir l'allure, car elle ne voulait pas voir son compagnon s'effondrer d'épuisement.
Elle comprit que, si elle continuait d'avancer tout droit, elle ne leur échapperait pas, en plus de courir le risque de se perdre. Elle bifurqua donc sur un chemin parallèle et repartit à contre-sens. Les Caninos continueraient pendant un instant à chercher sa piste tout droit, tandis que la police penserait sans doute qu'ils avaient perdu sa trace plutôt que de songer qu'elle était repartie vers son point de départ.
Elle fut étonnée que cela fonctionne si facilement. Bientôt, les bruits de ses poursuivants s'atteignirent, signe qu'elle s'en éloignait de plus en plus. A un galop plus modéré, il lui fallu une dizaine de minutes pour regagner la ferme, mais elle avait désormais suffisamment d'avance pour permettre à son pokémon de souffler un peu.
Lorsqu'elle émergea à l'orée du bois, elle craignit un instant de voir d'autres policiers, ou peut-être l'agent Jenny elle-même, qui auraient patienté sur place, mais grâce à une chance inexplicable qui lui avait manqué ces derniers temps, l'endroit était désert. Ils avaient tous choisi de suivre sa trace dans la forêt.
Elle emprunta le petit pont puis se dirigea vers le second, plus grand, qui la ramènerait sur la route. Alors que la ferme s'apprêtait à disparaître définitivement de son champ de vision, elle se tourna une ultime fois dans sa direction, pour lui adresser un dernier signe, qui sonnait comme un adieu. Comme pour se convaincre elle-même, elle murmura dans un souffle, la voix gorgée de larmes :
- Je n'oublierai jamais, quoi qu'il arrive. Je me souviendrai toujours de vous.
Et elle mit un petit coup de talons dans les flancs de Ponyta pour qu'il suive le chemin, celui qu'ils traçaient en direction de l'inconnu.
La fillette, après avoir conduit Ponyta dans son box à l'écurie, ouvrit la porte d'entrée dont elle avait conservé le double au Centre Pokémon, rapporté de la maison par l'agent Jenny. Elle ignora la porte close du salon, sur laquelle était scotchées de longues bandes jaunes et noires qui en interdisaient l'accès. Elle ne put cependant retenir un tressaillement lorsqu'elle passa devant.
Elle emprunta l'escalier qui menait au palier où se trouvaient les chambres. Elle pénétra dans la sienne. La pièce n'avait pas changé depuis la dernière nuit qu'elle avait passé à l'intérieur. Elle avait les mêmes murs beiges, les sempiternels rideaux à dentelle, et la photo de sa famille posée sur sa petite table de nuit en bois fabriquée par les soins de son père. Sa collection de poké-poupées trônaient fièrement sur le rocking-chair.
Elle n'avait pas oublié les craintes de la police : les agresseurs pouvaient se lancer à sa recherche, histoire d'éliminer le dernier écueil de la famille encore vivant, pour d'obscures raisons qu'eux seuls connaissaient. L'enfant n'avait donc qu'une solution pour laquelle opter si elle désirait se mettre à l'abri. Elle devait tourner le dos à son passé, au moins pour un temps, même si cela lui brisait le coeur. Cynthia avait raison. Elle devait rester en vie par tous les moyens si elle tenait un jour à retrouver ceux qui lui étaient chers ou, si c'était impossible, pour les venger.
Elle sortit toutes ses affaires de la pièces, des vêtements au couvre-lit en passant par les jouets, et descendit tout cela sur la terrasse cimentée à laquelle l'on accédait par la porte-fenêtre de la cuisine, car ils y déjeunaient souvent l'été, autrefois. Ses yeux se baignèrent de larmes lorsque, sur la pile, elle rajouta la photo familiale, avant d'ôter la robe qu'elle portait pour recouvrir le tout.
Elle se rendit ensuite dans la chambre de son frère, qui ressemblait plutôt à un laboratoire. Des tubes à essais remplis d'étranges substances, pour la plupart dangereuses ou inconnues, occupaient une grande partie des étagères et du bureau. Des livres jonchaient le sol, ouverts aux pages d'expériences qu'Eric avait dû tenter de reproduire ou d'améliorer. Veillant à ne marcher sur rien dans ce désordre organisé, elle s'approcha de l'armoire d'où elle sortit quelques vêtements.
Elle choisit les plus petits d'entre eux, qu'elle enfila. Son frère la dépassant d'une tête, elle dût malgré tout remonter les manches de la chemise blanche et retrousser le bas du pantalon en tissu. Elle se sentait étrangement mal à l'aise dans des affaires d'homme. Elle ne portait jamais rien d'autre que des robes ou des jupes, exception faite de quelques rares fois pour aller à Ponyta.
Elle s'empara ensuite d'un coupe-papier qu'Eric avait sans doute dû utiliser pour décoller les pages de l'encyclopédie posée à côté. En se regardant dans le reflet d'une fiole au liquide bleuté, elle défit la tresse que Cynthia lui avait soigneusement faite la veille et, prenant son épaisse chevelure noire dans sa main, la trancha d'un coup sec.
Après avoir récupéré toutes les photos qui la représentaient, et tout indice plus ou moins subtil de son existence, y compris les cheveux qu'elle venait de couper, elle retourna en bas. Elle déposa les derniers effets manquant sur le reste de la pile, avant d'aller chercher son pokémon, qui embrasa le tout d'une unique Flammèche. Pendant que les dernières traces de sa vie et de son passé partaient en fumée, elle se hissa sur le dos de sa monture. Elle avait troqué sa selle d'amazone pour une normale, plus confortable lors des longues distances, où elle pouvait passer une jambe de chaque côté.
Tandis que tout s'embrasait, réduisant en cendre les vestiges de son enfance, elle s'éloigna au trot en direction des enclos. Calée sur son étrier, elle se pencha sur le côté, la main tendue, et ouvrit à tour de rôle les verrous qui retenaient les Tauros en captivité, puis ceux des Wattouat. Les pokémon ne se firent pas prier pour s'enfuir. Elle les regarda s'éloigner vers l'horizon, piétinant au passage les champs à l'abandon, avant d'aller faire sortir les Ecremeuh de l'étable. Il ne lui resta plus que les Galopa de ses parents à sortir de l'écurie, puis elle put achever sa tâche en libérant les Etourmi de la volière.
Seule au milieu des terres familiales, elle jeta un regard autour d'elle. Le feu s'éteignait progressivement, puisqu'il manquait désormais de matière combustible, mais la fumée était montée suffisamment haut pour être repérable à des kilomètres à la ronde. A l'heure qu'il était, l'infirmière Joëlle avait dû remarquer sa longue absence et en avertir l'agent Jenny. La police n'allait pas tarder à arriver.
Elle vida le contenu de son sac plastique, qui avait été rejoint par quelques vêtements d'Eric, dans la sacoche en cuir de sa selle, beaucoup plus sûre et nettement plus solide. Pendant une minute entière, elle observa encore l'endroit, se demandant si elle avait la moindre chance de le revoir un jour.
Elle revoyait son père pêcher dans la rivière des Ecayon sauvages qu'ils mangeaient au dîner avec un beau potage. Plus loin, derrière la maison, elle devinait le solide fil à linge, sur lequel sa mère étendait ses lessives, qu'elle arrivait à conserver blanches par une technique connue d'elle seule. Enfin, aux pattes de son Ponyta s'étendait le petit potager de son frère, dans lequel il faisait pousser toutes sortes d'herbes et de baies indispensables pour ses expériences. Il était même parvenu à inventer un engrais qui faisait croître n'importe quel végétal quatre fois plus vite que la moyenne.
Et maintenant, ils n'étaient plus là. Il ne resterait à Kathy rien d'eux en dehors de ses souvenirs, qui finiraient par s'estomper ou s'altérer avec le temps et la distance. Elle n'avait plus de famille, plus de foyer. Elle partait dans l'inconnu seule, sans abri, pourtant elle n'éprouvait ni crainte ni regret. Elle savait que c'était là la seule chose qui lui restait à faire. Elle n'avait pas vraiment le choix. Elle ne pouvait ni compter sur la police, ni passer sa vie à se terrer dans un Centre Pokémon de peur qu'on la retrouve.
Personne ne la retrouverait : ce serait le contraire. Elle mettrait la main sur ceux qui avaient détruit sa vie et sa famille et le leur ferait payer. Elle savait que tout avait un prix, mais elle n'aurait pas peur de ce que cela lui coûterait. Elle pouvait même y laisser sa vie puisque de toute façon, désormais, elle n'avait plus rien à perdre. Elle ne risquait même pas de s'égarer elle-même, étant donné que c'était déjà le cas. Elle se sentait devenue une autre : non plus l'innocente, la douce et gentille Katharina Granet, mais une personne totalement différente, plus forte, plus dure, plus déterminée, et surtout beaucoup moins naïve.
Elle allait dorénavant se laisser guider par son instinct, et passer outre ses sentiments. Elle s'était désormais fixée un but, elle l'honorerait, quoi qu'il puisse arriver. Ici, sur les terres qui lui appartenaient désormais, elle en faisait le serment : elle rendrait justice à ses parents, à son frère disparus, et par-dessus tout, elle lèverait le voile sur le mystère entourant ce drame injustifié.
Soudain, un bruit de sirène se fit entendre, puis des gyrophares bleus apparurent au loin. Un vrombissement de moto déchira le silence paisible de la campagne. Perdue dans ses pensées, Kathy sursauta. L'agent Jenny arrivait, escorté par la police au grand complet. Elle distingua les véhicules à proximité du pont qui reliait le pont principal au chemin de terre qui menait au village.
Elle chercha un instant du regard un endroit par où s'enfuir, étant donné qu'ils bloquaient l'unique direction qu'elle connaissait. Derrière elle se trouvaient les prés, désormais vides. D'ailleurs, cela lui permit de gagner un peu de temps. Les Ecremeuh, toujours très lentes, se trouvaient pour la plupart au milieu du passage, ce qui ralentit considérablement la progression de la police.
La fillette réfléchissait à vive allure. Les enclos étaient mitoyens avec les champs des voisins, cependant, si elle s'enfuyait par là, l'un des fermiers la remarquerait forcément. Un Ponyta flamboyant au milieu de récoltes vertes ne passait pas inaperçu. Ils auraient tôt fait d'avertir ses poursuivants de la direction qu'elle avait prise.
Une fois encore, elle n'avait pas le choix. Si elle avait une chance d'échapper à l'agent Jenny et à ses collègues qui allaient bientôt lâcher les Caninos pour suivre sa trace à l'odeur, elle devait couper par la forêt. C'était le seul endroit où elle avait une chance, très mince, mais pas non plus inexistante, de les semer pour partir à la rencontre de son destin.
Cette idée ne l'enchantait guère. Les bois lui rappelaient désormais de mauvais souvenirs, et elle s'y était égarée. Rien ne lui garantissait qu'elle saurait retrouver son chemin avant que ce ne soit la police qui mette la main sur elle. Pourtant, elle devait essayer. C'était son unique espoir.
Monter à califourchon au lieu d'être en amazone lui offrait un autre avantage considérable : elle pouvait désormais demander à son Ponyta de galoper encore plus vite sans craindre de tomber. Elle le lança au maximum de sa puissance, sachant pourtant qu'il ne tiendrait pas longtemps à ce rythme là.
Comme elle s'y attendait, elle entendit bientôt des aboiements dans son sillage, suivis par des cris humains. Les Caninos étaient déjà sur sa piste, leurs maîtres sur leurs talons. Elle s'efforça de prendre les chemins les plus escarpés, sautant par-dessus les troncs d'arbres renversés ou passant au milieu d'arbustes recouverts de baies à l'odeur embaumante pour tenter d'effacer la sienne, mais rien n'y faisait. Les pokémon se rapprochaient de plus en plus, alors que Ponyta commençait à fatiguer. Elle devait ralentir l'allure, car elle ne voulait pas voir son compagnon s'effondrer d'épuisement.
Elle comprit que, si elle continuait d'avancer tout droit, elle ne leur échapperait pas, en plus de courir le risque de se perdre. Elle bifurqua donc sur un chemin parallèle et repartit à contre-sens. Les Caninos continueraient pendant un instant à chercher sa piste tout droit, tandis que la police penserait sans doute qu'ils avaient perdu sa trace plutôt que de songer qu'elle était repartie vers son point de départ.
Elle fut étonnée que cela fonctionne si facilement. Bientôt, les bruits de ses poursuivants s'atteignirent, signe qu'elle s'en éloignait de plus en plus. A un galop plus modéré, il lui fallu une dizaine de minutes pour regagner la ferme, mais elle avait désormais suffisamment d'avance pour permettre à son pokémon de souffler un peu.
Lorsqu'elle émergea à l'orée du bois, elle craignit un instant de voir d'autres policiers, ou peut-être l'agent Jenny elle-même, qui auraient patienté sur place, mais grâce à une chance inexplicable qui lui avait manqué ces derniers temps, l'endroit était désert. Ils avaient tous choisi de suivre sa trace dans la forêt.
Elle emprunta le petit pont puis se dirigea vers le second, plus grand, qui la ramènerait sur la route. Alors que la ferme s'apprêtait à disparaître définitivement de son champ de vision, elle se tourna une ultime fois dans sa direction, pour lui adresser un dernier signe, qui sonnait comme un adieu. Comme pour se convaincre elle-même, elle murmura dans un souffle, la voix gorgée de larmes :
- Je n'oublierai jamais, quoi qu'il arrive. Je me souviendrai toujours de vous.
Et elle mit un petit coup de talons dans les flancs de Ponyta pour qu'il suive le chemin, celui qu'ils traçaient en direction de l'inconnu.