28 Mars - 4 AM
Narrateur : Inconnu
Après la perte de mes sens, je finis par m'endormir dans ce liquide qui emplit progressivement le module de stase dans lequel le professeur Estenia m'avait emprisonné. Et dormir, je le fis longtemps. Ce n'était pas un sommeil comme les autres : il n'était pas entrecoupé de phases de sommeil plus léger. Non, c'était un sommeil profond. C'était un sommeil de mort. Un sommeil qui aurait pu durer l'éternité si Rudolph Estenia, ce fou, l'avait désiré. J'ignorais ce qu'il me faisait subir : la science de la génétique, je n'y connaissais rien. Mais j'imaginais que pour fusionner le génome de mewtwo au mien, il fallait d'abord analyser les deux ADN afin de déterminer leur compatibilité réciproque. Puis, ceci déterminé, il aurait suffi d'altérer ces deux structures génétiques afin de rendre viable la fusion. Il allait de soi qu'un tel processus différait grandement des simples mutations génétiques. Ce n'était pas une opération d'addition des gènes d'un parasite sur celui d'un hôte : non, la fusion impliquait de facto la suppression des deux sujets. Même un parfait incompétent tel que moi était au courant de cette subtilité, et c'était donc en connaissance de cause que j'avais pénétré dans ce module. Je n'y étais pas allé pour obtenir un quelconque surcroit de puissance. Non, j'y étais allé pour y mourir.
C'est pourquoi dire que je dormais n'était pas tout à fait exact : j'attendais plutôt la mort de mon âme. Mais cette mort ne vint pas. Dans cette trêve cognitive, mes visions avaient continué. Je voyais toujours la même chose, un peu à la manière d'un film que l'on se repasserait en boucle. Je me trouvais face à xatu, dans ces Ruines d'Alpha que je connaissais si bien. Je regardais ses yeux et, par eux, je voyais l'avenir. Un avenir sombre. C'était un monde dans lequel le soleil avait cessé de se montrer, voilé de manière permanente par des nuages noirs. C'était un monde où les seuls arbres qui demeuraient encore étaient au sol, mis à mort par ce déficit de photons. C'était un monde, enfin, où les villes orgueilleuses des hommes avaient cessé de tutoyer les cieux. Les gratte-ciels se trouvaient dans la même situation que les arbres. Les ruines avaient remplacé les fiers manoirs des ploutocrates de Doublonville et, partout, la mort régnait. Seules quelques ombres luttaient encore, debout, tels des zombies dans un cimetière à la pleine lune. Un tel spectacle aurait fait gémir d'horreur le plus hardi des hommes. Mais lorsque vous voyez tous les jours les mêmes horreurs, l'indignation laisse le pas à l'indifférence. La mort, je la regardais. Mais elle ne vint pas à moi.
Un jour en effet, ou une nuit je ne pouvais le savoir, je ressentis un signal cognitif. Le premier depuis cette nuit d'octobre. Ce signal, c'était un bruit. Un bruit sourd, mais pourtant assez proche. Au début, ce son ne me réveilla pas car je pensais qu'il faisait partie de mes visions. Mais il se fit à chaque fois un peu plus fort et un peu plus distinct. Il finit par me réveiller. J'ouvris donc lentement un œil. Puis, dans la même célérité, le second. C'est alors que face à moi, je compris à la fois la raison de ce bruit et de ma survie. Devant moi, tout le laboratoire avait comme été le combat d'un combat à mort entre deux entités inconnues. Les quatre rangées de modules de stase, qui constituaient le cœur du centre de recherche, étaient toutes percées. Le verre renforcé se trouvait désormais au sol. Plus inquiétant, sur ma gauche, le module où lors de mon entrée j'avais vu l'embryon de mewtwo était lui aussi détruit. Il l'était même beaucoup plus que les autres, comme s'il avait implosé de l'intérieur : il n'y avait carrément plus du tout de verre autour du module. Autre symptôme de cette implosion que l'on pouvait suspecter, il n'y avait pas du tout de verre à proximité. La vitre avait comme été repoussée par une puissance inimaginable sur les murs du laboratoire. Enfin, le câble qui unissait auparavant ce module au mien se trouvait lui aussi au sol, sectionné finement. Seule une lame aussi fine que tranchante avait pu faire cela. C'était, à n'en pas douter, ce cordon sectionné qui m'avait sauvé : le lien m'unissant à mewtwo étant brisé, le processus de fusion avait donc été empêché à temps. Qu' s'était-il passé ici ?
Plus anecdotiquement dans ce tas de ruine, se tenait juste devant mon module un pokémon. C'était un pokémon quadrupède et trapu ; qui disposait également d'un puissant blindage gris tacheté de points noirs. Il avait également une sorte de crête sur tout son dos et qui courait jusqu'à son crâne. A n'en pas douter, il s'agissait d'un galegon. Il effectuait des charges successives sur le module, comme s'il voulait le briser. Bizarrement en effet, mon module avait été le seul du laboratoire à avoir échappé au chaos qui s'était déchaîné ici. Je regardais les yeux de ce pokémon : il semblait me connaître. Après un ultime coup de bélier, le module de stase se brisa enfin. Un bruit de verre brisé déchira le silence morbide du centre de recherche. Le liquide qui m'avait submergé jusqu'alors s'écoula ensuite sur le sol froid, m'entrainant avec lui. Ayant perdu l'habitude de respirer avec mes poumons comme de me déplacer, j'étais paralysé et je réapprenais progressivement à respirer. J'attendis longtemps, ne sachant tout d'abord plus comment m'y prendre. Et puis, le point de non-retour qui aurait entrainé ma mort atteint, l'instinct prit le dessus : je pris une inspiration. J'expira ensuite. Je revivais tel un nouveau-né sortant du ventre de sa mère.
Tandis que je goûtais de nouveau à la vie, le pokémon ne bronchait pas. Il restait là, immobile devant moi les pieds dans le liquide de stase, en me fixant avec ses yeux saphir. Ces yeux étaient magnifiques, mais exprimait aussi une certaine tristesse. Après avoir réappris à respirer et que tous mes sens soient revenus, le temps était maintenant venu de réapprendre à marcher. Ce fut difficile, mais je parvins enfin à me relever. Je chancelais encore, engourdi par des mois de ramolissement dans ce mystérieux liquide anesthésiant. Il semblait soigner toutes les plaies ainsi que préserver et nourrir le corps, mais le prix à payer était une perte musculaire conséquente. Me voyant enfin debout, le tank vivant redevint soudainement beaucoup dynamique. Se plaçant brusquement derrière moi, il me donna un léger coup de bélier dans le derrière qui me fit retomber aussitôt à terre. Je me plaignis tout en me relevant.
- Eh, que fais-tu ? Je te remercie de m'avoir aidé, mais que cherche-tu ?Pour toute réponse, le galegon se mit à courir en direction du fond du laboratoire tout en se retournant de temps en temps afin de m'indiquer de le suivre. Là se trouvaient des écrans et des consoles qui devaient servir à surveiller l'ensemble du laboratoire. La plupart du matériel avait été mis hors service, mais il restait néanmoins encore un écran intact avec la console qui le commandait. A côté, se trouvait également un journal. Je me trouvais maintenant face à la table de commandes. J'inspecta les environs. Puis, je pris ce fameux journal afin de le lire.
3 novembre : Le processus d'analyse avance bien. Bientôt, la phase deux pourra être enclenchée.
9 décembre : Le galekid n'arrête pas de ronger le socle métallique des modules de stase. Je l'ai enfermé dans l'armurerie, il ne me nuira plus ainsi.
17 décembre : L'analyse du génotype du sujet humain comme de mewtwo s'est enfin terminée. Il semblerait que les deux sujets soient liés, une partie de leurs gènes sont identiques. La fusion vient de démarrer.
25 février : Le Masque de Contrôle a de plus en plus de difficultés à contrôler Xerxès. Il faudra que je l'améliore un de ces jours.
2 mars : Xerxès m'a appris que Sardonis complote contre moi. J'ai dû fuir du Consortium cette nuit. J'ai dû me résoudre à tuer tous mes sujets là-bas : quel gâchis...
11 mars : Les gardes ont rapporté à Xerxès qu'ils ont trouvé de mystérieux os humains devant l'entrée du fort. C'est son malosse qui va être content...
13 mars : ...L'entrée du journal pour le 13 mars était vide : le bout de page se trouvant en dessous de l'inscription de la date avait en effet été arraché. Un peu comme si Rudolph Estenia - car la nature de l'auteur de ce journal laissait peu de place au débat - avait voulu empêcher que ce message soit connu par quiconque. Je n'appris donc rien sur ce qui s'était passé ici. En revanche, je pris conscience de quelque chose qui me poussa à me retourner vers le galegon. Il se trouvait à mes côtés, toujours avec ce regard empli de tristesse. Voyant que je le regardais, il se mit à son tour à me fixer. Ce galegon, c'était en fait le galekid que j'avais abandonné à Rudolph Estenia lors de mon internement. Et, rongeant tout le métal à proximité, il était parvenu à évoluer. Le métal ne manquait pas ici, et en regardant un peu partout je me rendis compte qu'en effet à peu près tout ce qui était métallique ici contenait les traces du passage de la mâchoire d'un galegon. Pendant tout ce temps, il n'avait cessé de penser à moi. En s'engraissant, il se donnait les moyens de me libérer le moment venu. Peut-être n'avait-il pas pensé du temps où le propriétaire des lieux était encore ici à le faire de cette manière, mais toujours était-il qu'il l'avait fait.
Prenant conscience de tout cela, tout se chamboula dans ma tête. Et, pour la première fois de mon existence, je comprenais ce que signifiait le mot émotion. Lorsque je m'étais abandonné à ce professeur fou mais génial, j'avais cru à son discours. Et, à vrai dire, ce discours était vrai : j'avais toujours été fermé à tout sentiment. Depuis ma naissance, xatu m'avait toujours enseigné la haine de l'égo et la haine de soi. Il m'avait toujours enseigné l'importance de suivre un destin qui dépasse chaque individu. En ce moment sordide, dans un lieu tout aussi sordide, c'était comme une renaissance que je vivais. Non : c'était même ma première naissance. Je n'avais été jusqu'ici que le pantin de xatu, que le pantin du destin. En prenant conscience de l'effort qu'avait fait galegon pour moi, je devenais enfin un être humain. Un être humain était doué de raison, certes : mais il était aussi doté de cet indispensable équilibre qu'est le sentiment. Désormais, j'étais ainsi.
Je n'étais toutefois pas Rudolph Estenia, cet homme dont l'égo était si démesuré qu'il prenait pour de la Raison ce qui n'était qu'ambition. Mais je n'étais plus ce jeune pantin sans âme que, jusqu'à maintenant, j'avais été. Oui, l'équilibre : voici ce que ce journal m'avait apporté. Encore une fois, le plausible avait moins de chances de se produire que l'improbable. J'aurais dû mourir à maint reprises : face aux Xort'Udur d'abord, puis face à la Matriarche et enfin dans ce laboratoire afin de servir Rudolph Estenia. Tout cela aurait été plausible, mais il n'en advint rien. De même, ce journal froid n'aurait dû m'apporter que des faits. Il m'avait apporté bien plus. Car devenir homme n'est pas seulement devenir égo : c'est aussi refuser la fatalité. Refuser d'être l'esclave des dieux et du destin et devenir, précisément, acteur de sa vie. Sur ces méditations philosophiques, je resta longuement. Galegon, lui aussi resta stoïque. Il avait maintenant perdu son regard triste. C'était un regard combattif, plein d'enthousiasme qu'il arborait. En ce moment de sérénité et de symbiose avec mon pokémon, j'avais même fini par oublier le décor peu champêtre du lieu ainsi que ma quête de réponses.
La réalité revint hélas bien vite jusqu'à moi. Je voulais savoir ce qu'il avait bien pu se tramer ici pour que le tout-puissant Rudolph Estenia en vienne à voir son laboratoire détruit entièrement et à fuir lui-même de sa forteresse du plateau Indigo. N'avait-il pas une armée de mercenaires tous transmutés au-delà des excès même de l'immoralité ? N'était-il pas lui-même dotés de compétences génétiques telles qu'elles lui permettaient de se transformer en n'importe quel pokémon ? Et pourtant, il avait bel et bien été défait par cet ennemi dont je n'avais que les traces des méfaits devant mes yeux. La curiosité me pesait, et face à ce mal indicible je ne voyais qu'une seule solution : utiliser l'unique console du laboratoire encore en état de marche. Je me retourna donc une seconde fois vers la table de contrôle. Devant l'écran en veille figurait une mention : « Caméras de Sécurité ». Au-dessous, figurait trois boutons : un bleu, sur lequel était indiqué au-desus « rembobiner », un vert avec l'inscription « Pause », et un rouge enfin avec « Réinitialisation ». J'appuya sur le bouton bleu : après quelques minutes, l'écran s'alluma enfin et j'eus les réponses que j'attendais tant.
Enregistrement du 2 juin Rudolph Estenia faisait les cent pas avec anxiété devant mon module de stase et celui de mewtwo. Il marmonnait dans sa barbe.
- Plus que quelques secondes avant que le rêve de toute ma vie se concrétise enfin. 95 %, 96 %, 97 %, 98 %, 99%...C'est alors que, brutalement, un bruit de lame fendit l'air. Dans l'instant qui suivit, l'épais câble de liaison entre les deux modules de stase fut sectionné. En faisant un arrêt sur images, je réussis à distinguer qu'est qui, ou plus exactement qui était à l'origine de ce forfait. Caché derrière un poteau, un sablaireau se transformait progressivement en un homme. Cet homme avait le visage mutilé et ensanglanté, son épiderme avait disparu. Il était écorché vif. L'homme s'enfuit ensuite dans les ténèbres, derrière la colonne la plus à droite de modules de stase. Rudolph Estenia, entendant le bruit des câbles se briser, se retourna sèchement. Il écarquilla, avant de se précipiter vers l'équipement scientifique brisé en gémissant.
- Quoi ? Non...Cela ne peut être possible. Pas maintenant.Il se releva ensuite, la tête n'exprimant plus rien. Il recula ensuite de quelques pas avant de regarder mewtwo. Le pokémon était désormais adulte : sa longue queue était désormais formée, de même que son anatomie anthropomorphique. Il continua ensuite à parler tout seul.
- Cinquante ans de travail réduits à néant. Cela ne peut être vrai...qui est le virus qui a osé me faire ça à moi, le Dieu des hommes ? Mewtwo, pourquoi ne pouvons-nous pas nous unir et régenter ce monde décadent ? Tu as, jadis, dominé les pokémons. Je suis destiné à être le successeur de cet Arceus que ces ignares que nous avons tous deus combattu prétendent vénérer !
Le scientifique s'écroula ensuite sur le sol, continuant à gémir. C'est alors que l'impossible se produisit. Le pokémon ouvrit son œil droit. Puis, il ouvrit celui de gauche. Il se mit ensuite en position fœtale, et une aura violacée l'entoura progressivement. Cette aura d'énergie psychique, il la projeta ensuite tout autour de lui. Cela fit ainsi imploser littéralement son module de stase. La bourrasque fut d'ailleurs si forte qu'elle projeta également le professeur en arrière, qui se cogna violemment sur un mur. Le pokémon psychique mit ensuite un pas en dehors du module, puis le second. Il se trouvait à présent à l'extérieur. Tout autour de lui, son attaque avait fait exploser de nombreux modules et fait exploser des ordinateurs, ce qui couplé aux substances inflammables traînant un peu partout déclencha un incendie d'une puissance inouïe. Rudolph Estenia, voyant cela, se releva rapidement et se rapprocha du puissant pokémon qui venait de se réveiller.
Son regard avait une fois de plus changé : c'était désormais plein de démence et d'avidité qu'il regardait la créature. Nettoyant ses lunettes pour être sûr de ne pes rêver, il exulta ensuite.
- Mewtwo...Enfin tu es là. Tu es si puissant, Les livres n'ont pas menti à ton avis. Viens vers moi, Mewtwo...Le pokémon ne broncha pas. Il était extrêmement méfiant. C'est alors qu'il ouvrit pour la première fois la bouche, me laissant entendre une voix masculine terriblement froide.
- Encore...Encore dans un laboratoire. Encore...à me tourmenter. Qu'avez-vous donc, humains, à vouloir sans cesse vous servir de moi !Fou de rage, mewtwo laissa échapper une nouvelle vague d'énergie psychique qui renforça encore l'incendie. Le professeur, quant à lui, renforça encore son sourire.
- Bien, très bien. Tu le prends ainsi mon petit ? Mais c'est fascinant ! Mais tu apprendras très vite à respecter tes supérieurs. Viens vers moi, mewtwo !A cet instant, Rudolph Estenia sortit une demi-douzaine de seringues de ses deux poches et se les injecta tout en éclatant de rire. Reflétant le feu, tout cela donnait au professeur une tête effrayante. La folie s'emparait de lui encore plus intensément que d'accoutumée. Il se transforma en un immense monstre avec une dizaine de bras, des tentacules et des ailes tandis que son corps se mit à noircir.
- Combattons-nous jusqu'à la mort, puisque maintenant je n'ai plus rien à perdre. Ahahah !Mewtwo ne dédaigna pas ce combat. La haine fulminait en lui. C'était une haine totale envers le genre humain et qui ne pouvait s'éteindre que par l'anéantissement total de ces derniers. Les deux adversaires se mirent donc à se combattre. Tantôt ce combat était de corps à corps, tantôt il se mutait en tir au pigeon réciproque. Les deux adversaires étaient de force quasiment égale. Le pokémon psy lançait à Rudolph Estenia des boules d'énergie de plus en plus grosses et dangereuses. Le savant fou, quant à lui, le dardait de coups de tentacules tranchantes. Tous deux s'esquivèrent mutuellement pendant plusieurs minutes jusqu'à ce que, finalement, un des deux belligérants prenne le dessus. Le clone du premier pokémon mortel lança une sphère d'énergie plus grosse que les autres. Rudolph Estenia fut touché et s'effondra à proximité de la table de commandes, qui s'embrasait. Il n'en revenait pas, et fatiguait. Le professeur reprit progressivement force humaine et, l'air se faisant rare, suffoquait désormais. Mewtwo s'approchait de lui, prêt à lui donner le coup de grâce sans la moindre pitié. Pitoyable, le génie déchu se releva et prit une deux fioles qui traînaient sur une des consoles. Il reculait à mesure que Mewtwo se rapprochait de lui. Mais cela ne dura qu'un temps, et très rapidement acculé au mur face au pokémon qui l'avait vaincu, il demanda pitié.
- Non je t'en supplie mewtwo ! Pardonne-moi de t'avoir sous-estimé. Je me rends.Mais le pokémon ne répondit pas. Il s'apprêtait à frapper de nouveau, le point levé. Derrière lui, le feu brûlait dans un halo ardent. On ne voyait même plus les modules.
Fin de l'enregistrementOui, c'est sur cette image que se termina l'enregistrement. Les caméras de sécurité ne disaient pas ce qu'il était advenu du professeur Estenia. Mais j'avais eu mes réponses : c'était un mystérieux individu ayant la faculté de se transformer en pokémon qui était la cause indirecte de ce désastre. Le plus puissant de tous les pokémons, excepté les Douze bien sûr, avait fait le reste du travail. Toutefois, cet enregistrement me posait d'autres questions : qui pouvait donc être cet homme à la chair écorchée ? Et qu'était devenu le professeur Estenia ainsi que ce mewtwo à la puissance hallucinante ? Tout en réfléchissant à toutes ces nouvelles informations sans vraiment savoir que faire ensuite, je me résolus à sortir de trou à rats pour retrouver la lumière du jour. J'étais en effet assez sceptique sur les effets des laboratoires en ruine sur les capacités de réflexion humaine.
Au bout de la grande salle des modules de stase, se trouvait un long couloir. En le traversant, je pus mieux me rendre compte de l'ampleur des dégâts causés par mewtwo et à même pouvoir suivre ses traces. Il avait suivi le même chemin que moi. Ensuite, après deux cents mètres environ, un escalier apparaissait. Des cadavres de mercenaires transmutés le jonchaient, manquant à plusieurs reprises de me faire trébucher. Finalement, après l'avoir gravi une ultime porte d'acier séparait le laboratoire de l'extérieur. Je l'ouvris. Il ne faisait pas beau : très mauvais même, le temps était à l'orage. Piétinant d'autres cadavres, je m'avança dans la cour principale du fort tout en observant les alentours. Le fort était à l'image du centre de recherche, c'est-à-dire détruit. Il y avait également une odeur de pourriture atroce qui altérait l'air, le rendant difficilement respirable. Je sortis bien vite de ce lieu frappé par la mort, ce qui fut d'ailleurs facilité par le fait que l'immense portail blindé qui barrait l'entrée du fort se trouvait par terre, chaque partie étant fragmentée en deux. Enfin, j'étais libre, et galegon partageait le même état d'esprit.
J'étais libre. Libre, mais perdu et seul. Je n'avais plus personne pour me guider, d'ailleurs que devais-je faire déjà ? Ah oui, je me souviens : trouver ce fichu Trio Originel. Autant dire que c'était mission impossible sans mentor ou structure pour me guider. Et puis même si je les trouvais, à quoi bon ? Rudolph Estenia ne m'avait-il pas dit que ressusciter ne permettait que d'affaiblir la Lune Noir et non d'empêcher le réveil du Xort'Majora ? Vérité ou mensonge d'un savant ayant perdu la raison depuis bien longtemps, je ne pouvais occulter le fait que cette perspective altérait considérablement ma motivation à accomplir cette mission. Xatu, s'il m'avait pris à proférer de tels propos, m'aurait certainement fait un monologue moralisateur sur l'importance de la discipline dans des temps aussi graves. Mais peu m'importait : l'époque où j'obéissais aveuglément sans réflexion aux injonctions de vieillards ou de divinités déconnectées des réalités était révolue. Alors, faute de sens à donner à ma vie, j'errais sans but et sous la pluie dans les terres montagneuses du Plateau Indigo. Un élu en perdition. Oui, ce concept me définissait bien en cette journée pluvieuse.
VII
Prêt au trépas
La mort n'a pas voulue de moi
C'est le projet du Savant qu'elle a frappée
Une nouvelle ère commença donc
Libéré de ma cage de verre
Je découvris la sentence de Prométhée
Je renaquis en me faisant homme
Libéré de la cage des dieux
Une ère s'achevait