Les secrets de Pokemon

Je ne suis pas du genre à raconter ma vie, mes voyages, à décrire le contexte des tournois TCG de Pokémon auxquels je participe, préférant me consacrer plus longuement à mes rencontres dans mes reports ainsi que sur ce que j'ai appris de ces évènements. Pourtant, je vais exactement faire l'inverse ici, sachant que TCG parlant, les Worlds ont pour moi été une grande déception. De plus, c'est l'occasion de m'attarder sur la Californie, L.A. et les Américains. Pardonnez-moi donc l'enrobage que je vais écrire ici, mais je pense que ce n'est pas du luxe et que cela vous fera bien comprendre ce qu'est un Championnat du Monde aux yeux de nos frères d'outre-Atlantique.

Pokemon Trash - Codes Action Replay

Mon nom est Adrien Delambre. Premier français au National 2005, je suis allé à San Diego il y a un an livrer mon premier Worlds sous le soleil de la Californie, au bord de la piscine. Je ne reviendrai pas sur ce tournoi, mais seulement sur le fait que c'est là que j'ai tout appris : rigueur, stratégies poussés, comportement en tournois. Ce fut la révélation.

La saison 2005-2006 en France fut une balade de santé. En avance sur le Metagame, je me suis vraiment amusé à jouer des jeux plaisants, cachant jusqu'au National mon choix de deck. Ce choix m'a permis de pulvériser toute opposition sur la péniche le 4 juin 2006 et de me qualifier tranquillement pour Anaheim et les Worlds 2006.

Je vais être franc : c'est amplement mérité. Cette saison fut une balade en tournoi, c'est sûr, mais de très nombreuses heures de travail chez moi ou chez mon frère à l'étude de decks nouveaux, de stratégies, de reports de matches. Je ne suis pas un deck-builder, je le confesse, je préfère apprendre à manier un deck déjà existant et à y ajouter ma touche personnelle. C'est d'ailleurs pour cela que je ne me considère pas vraiment comme le meilleur joueur français, juste comme celui qui a le plus accès aux cartes tout en sachant très bien quoi jouer pour gagner un tournoi. J'espère qu'il ne prendra pas la grosse tête par cette déclaration, mais le meilleur stratégiste français n'est autre que William Gilbert, très brillant, mais qui malheureusement pour lui ne fait pas assez de tournois pour se faire un nom à Pokémon en France. Je prends plaisir à discuter avec lui assez souvent car ses conseils sont toujours très appréciables. Peu avant les Worlds, il m'a soumis une liste originale de LBS (le deck que j'ai joué au National), très intéressante, par laquelle j'étais très convaincu. En effet, cette liste couvrait la majeure partie des faiblesses du LBS classique (insertion d'une ligne 1-1 Houndoom et de Space Center pour contrer Lunasol, utilisation de Jirachi HL plutôt que le DX pour contourner les Rock-Lock et Mewtric, utilisation de Pow Hand Extension comme carte Joker, et de Celebi Ex POP2 pour me donner du mou, entre autres). Bien sûr, couvrir ses faiblesses ne fait que s'en créer de nouvelles dans un jeu de cartes à jouer et à collectionner, mais dans le Metagame (l'ensemble des decks joués) bien particulier des Worlds, cela me convenait parfaitement. Pour information, ce deck, à quelques cartes près, fut joué par les deux meilleurs joueurs anglais à leur National avec beaucoup de succès (ils finirent premier et deuxième...).

De la liste que William me donna, je ne faisais qu'un changement mineur. Plusieurs tests me confirmèrent que ce deck avait énormément de potentiel. Néanmoins, je tiens à préciser que pour moi les Worlds ne sont qu'une grande affaire de chance, je répétais régulièrement à mon frère que je pouvais faire 8 victoires ou 8 défaites si les Dieux n'étaient pas avec moi. Mais je reviendrai là-dessus encore plus tard.

Avant de se rendre à Anaheim, nous avons décidé avec mon frère de passer quelques jours en Californie. Los Angeles, San Diego, des villes superbes. Le but est pas de frimer en disant « regardez je suis allé en Californie » mais bien de vous donner envie d'aller visiter cette superbe contrée.

Puis vint le 18 août. Montant dans la Chevrolet Impala, nous nous rendîmes avec Aurélien jusque Anaheim, dans la banlieue de Los Angeles. Anaheim, c'est le genre de ville qui fait fantasmer : Disney World, des palmiers, des piscines. Pourtant, entre nous, à part ça, il n'y a rien d'autre. A l'année, tout ne doit être qu'ennui pour les habitants, car je vous promets, il n'y a strictement rien à faire à part déambuler dans les centaines d'hôtels qui ont pris soin de se greffer au célèbre parc d'attractions, ou alors choisir de pourrir son foie dans les McDo qui se répandent sur les boulevards comme des pustules lumineuses sentant le graillon. Vision noire de la Californie ? Non, ce serait exagéré de dire ça, mais je préfère préciser que tout n'est pas comme les séries américaines veulent bien nous le montrer.

L'hôtel Hilton, lieu du tournoi, est impressionnant, sans plus. Le hall d'entrée est énorme, avec bassin et compagnie. Les fauteuils sont confortables, les chambres coquettes, mais rien de plus. Sérieusement, cet hôtel ne porte de Hilton que le nom : à 139 dollars la chambre, on ne peut pas vraiment parler d'hôtel de luxe. Je fais ici la comparaison avec l'hôtel qui accueillit le tournoi à San Diego. Ce n'était pas un grand bloc sur quinze étages comme le Hilton mais bien des petits pavillons de quelques chambres, pas très hauts, disposés sur un espace couverts de palmiers et de piscines. Il était d'ailleurs vraiment agréable de jouer à Pokémon sous un pavillon au bord de la piscine, alors qu'au Hilton la salle d'entraînement ne fut qu'une vulgaire salle sans charme. L'hôtel est donc moins bien que l'année précédente. Alors bien sûr ne crachons pas dans la soupe, nous sommes en Californie, dans un hôtel de luxe, mais...

L'organisation des Worlds est toujours exceptionnelle : des juges par dizaines, un planning minuté, un règlement sans failles. A ce niveau-là, on reconnaît le professionnalisme de Pokémon USA, bien loin du Pokémon Day Nice... mais comparons ce qui peut l'être.

Vendredi soir, je me permets de faire quelques matches d'entraînement contre des joueurs qui veulent eux aussi se rassurer. Je confirme que mon deck est très performant contre un joueur de LBS qui affrontera mon frère et qui finira TOP 32, Bin Xiu. Je me sens plutôt en confiance, mais je crains toujours de rencontrer des decks comme Mewtric. Je me dis « on verra », je respire un grand coup, je rentre dans ma chambre et fais un bon dodo réparateur.

Mais trêve de bavardages, voici le report de chacun de mes matches, suivant mes souvenirs.


PREMIÈRE RONDE : vs NIEWKERK, Bjorn (NE)

Mewtric, forcément. Tandis que mon adversaire mélange son deck, j'aperçois un Manectric Ex qui me confirme que celui-ci joue Mewtric, aka la pire chose qui pouvait m'arriver. J'ai déjà expliqué dans la Drich's Cave à quoi consiste Mewtric, mais en gros pour les feignasses ou les ignares, c'est un deck qui va très tôt m'empêcher de jouer des dresseurs non-supporters, et donc va bloquer mon développement. C'est très très important pour moi de jouer plein de dresseurs comme des Super Bonbons et des Holon Transceiver pour gagner en rapidité. Mais rentrons dans la partie.

Je pioche mes 7 cartes, et là je comprends que la journée va être longue. J'ai l'une des pires mains qu'il m'a été donné de tirer à Pokémon depuis que le jeu existe : Pokémon Retriever, Transfert, d'autres cartes inutiles, et un Pokémon de base surpuissant : Carapuce. Mon adversaire ne se gêne pas pour avoir lui un début parfait : Mew Ex en actif et Electrike sur le banc... Chanceux, je le paralyse 4 fois d'affilée et l'empêche ainsi de me décalquer en deux tours. Mais le topdeck ne s'arrange pas, et Bjorn blinde son banc avec d'autres chats cancéreux de type psy. Enfin Holon Mentor arrive, je vais chercher Jirachi, Magnemite, un Roucool. Ma tactique va être de vite évoluer en Tortank Ex. Make a wish...je cherche dans mon deck...longtemps, très longtemps...et je me rends compte que Carabaffe est dans mes récompenses. Je fais donc évoluer Roucool en Roucarnage, mais cela ne sert à rien, Battle Frontier est inamovible avec Disconnect. Je prends tout de même quelques récompenses, mais moins que lui. Je profite d'un tour sans Disconnect pour évoluer avec un Super Bonbon mon Carapuce. La partie tourne finalement en ma faveur, mais j'ai le tort de poser un Lugia Ex sur mon banc. Blorn me sort Rayquaza star, copie son attaque avec la versatilité de Mew Ex, et la partie se termine ici pour moi.

Un peu vert, je rejoue la partie dans ma tête et comprends bien que j'ai fait preuve de malchance avec Carabaffe dans mes récompenses, ce qui vu son « mou » en plein milieu de partie m'aurait permis de gagner sans problème. Ne parlons même pas d'un bon départ de ma part, le tout aurait été vite réglé.

0-1

DEUXIÈME RONDE : vs KOZIOL, Sebastian (AL)

Papinox Ex, Demolosse, why not ? Papinox Ex me fait pas peur, j'ai Latias star. Je suis un peu plus ennuyé par Demolosse, qui m'empêche de jouer les dresseurs qui vont bien. La malchance continue avec une main de départ pourrie une fois de plus, et Latias star dans mes récompenses... Je fais un véritable sacrifice de mes Pokémon un par un pour espérer lui tuer un Papinox Ex avec mes Jira et Houndoom. 5-0 pour lui, puis 5-2, et j'arrive grâce à mes Pow (mon seul Pow récupéré grâce à Celebi Ex). Finalement je pioche Latias star, et tout s'arrange. Je gagne 6-5, alors que son Cursed Stone allait me tuer mon Celebi entre les tours. Bah quoi, Sebastian, t'es tout blanc ?

1-1

TROISIÈME RONDE : vs CRAIG, Eric (USA)

Mewtric deuxième prise. Je n'ai qu'un Pokémon, je commence pas, je me prends MegaShot au deuxième tour. Super.

1-2

QUATRIÈME RONDE : vs HARRIS, Chad (USA)

Ludicargo, en avant. Départ très rapide de sa part (ce qui est logique, on parle de Ludi là), je n'arrive pas à suivre à cause de la malchance qui va me suivre jusqu'au bout de la compétition. Je me rappelle pas exactement, mais j'ai une main de départ du genre Lugia Ex, 5 énergies, et Super Bonbon, ou un truc comme ça. Le matche se déroule comme je le pressentais depuis mes 7 cartes de départ : très serré, sachant que lui me tue mes Pokémon ex en un tour ou presque avec un Ludicargo à cause de nos bancs respectifs remplis à ras bord. Je suis obligé de faire des Mudslide avec mes Steelix Ex pour me débarasser de ses Pokémon, mais je vois venir le ATM Rock à la dernière minute de jeu qui lui permet d'empocher sa dernière récompense.

1-3

CINQUIÈME RONDE : vs ANDERSEN, Suzanne (DK)

Mon frère vient de la battre, je sais donc qu'elle joue Arcanin Ex tour 2, avec un Lunalock qui va me dispenser de Pidgeot. Son deck sort forcément (que des stages 1 ou des basiques), ma main de départ est encore une nouvelle fois une véritable catastrophe : Lugia, Latias, que des dresseurs inutiles en début de partie, pas d'énergie. Elle prend rapidement 4 récompenses d'avance qu'il m'est impossible de rattraper. Notons tout de même que son deck est un grand classique que je ne considérais pas vraiment comme dangereux pour moi. J'ai eu tort.

1-4

SIXIÈME RONDE : vs HORNUNG, Jay (USA)

Enorme ! Rencontrer à un an d'intervalle le même adversaire ! En effet, Jay m'avait battu à San Diego : le hasard des pairings a fait que je peux prendre ma revanche sur lui. On retourne chacun notre Pokémon actif : Roucool ! LBS donc, sauf que contrairement à lui, j'ai enfin une main parfaite. Roucarnage T1, et quelques tours plus tard, la partie est bouclée. Jay m'avoue qu'il a fait preuve d'une malchance atroce depuis le début du tournoi. C'est maintenant un ami ! Et on s'est dit à l'année prochaine à Hawaï.

2-4

SEPTIÈME RONDE : vs VAVRUSKA, Joseph (CZ)

Mais rassurez-vous, je vais renouer très vite avec cette habitude de tirer des mains de merde le seul jour où il ne faudrait pas. Joseph joue un ZRE qui n'est jamais vraiment sorti, mais moi ce fut encore pire, car je commence avec un Castform. Et rien, rien d'autre à la pioche. Il prend une avance que je ne peux plus empêcher.

2-5

HUITIÈME RONDE : vs AUGUSTSSON, Hans (SE)

Mon pote suédois de 20 ans mon aîné, rencontré l'an dernier aux Worlds. Je vais vous avouer quelque chose, ce match m'a gavé. Sérieusement, Hans est super gentil, mais ça me saoule de traverser l'océan pour pas avoir de bol et de se retrouver contre un Européen qui ne sait même pas ce qu'est LBS. Il joue un deck original (PI a dit Rocklock, je sais pas où Gauthier a vu ça) avec Ampharos Unseen Forces, mais rien de très dangereux. Après 6 Elemental Blast, je gagne.

3-5

Ainsi se termine mon tournoi, sur un pitoyable score de 3-5. Soit un score plus mauvais que celui de l'année dernière, où pourtant je ne connaissais rien du jeu de haut niveau. La question qui se pose est donc : à quoi sert de travailler, d'étudier le Metagame, de s'entraîner plus que jamais, si tous ces éléments n'apportent pas de meilleurs résultats ?

Pour avoir parlé avec Emmanuel Beltrando, membre du staff d'Asmodée, présent aux Worlds et habitué des grandes compétitions, nous sommes parvenus à la conclusion que mon deck était trop metagamé. En d'autres termes, mon deck aurait pu m'emmener très loin si j'avais pu me hisser très vite dans le haut du panier. En d'autres termes, mon deck était construit pour jouer contre les archétypes de haut niveau, pas contre le deck lambda ou un rogue deck. Le fait de rencontrer les deux Mewtric (ainsi que de rencontrer un manque évident de chance) dans mes trois premiers matches m'a ainsi condamné à rester dans le ventre mou du classement, et donc à ne pouvoir faire parler les parties originales de mon LBS. Ce qui est intéressant, c'est que mon frère, qui ne s'intéresse que épisodiquement à Pokémon, qui ne connaît pas le Metagame et qui jouait un deck dont les sorties étaient très régulières mais qui n'avait rien d'original a fait TOP 16.

Ma conclusion est donc la suivante. Pour aller loin à Pokémon, il faut :

-de la chance
-un deck rapide qui est sûr à 99% de sortir
-un deck simple


Les Worlds en sont le meilleur exemple : Mewtric, un deck que je considère comme très très simple à jouer ( et celui qui m'énonce l'inverse, je lui réponds que j'ai assez playtesté pour savoir ce que je dis) a vaincu ; mon frère avec un deck Arcanin Ex et Mentali Ex fit TOP 16 ; aucun LBS ne fit de bons résultats. Et c'est ça qui me désole ! J'adore Pokémon pour jouer des decks avec des combos de malade, mais faire des decks de neu-neus pour l'emporter, je trouve ça insupportable. Je ne vois pas où est l'amusement à répéter à foison une attaque Disconnect. Je n'ai pas envie de m'ennuyer en tournois. Pourtant, je pense qu'il va falloir que je m'y résolve pour continuer à gagner.

Quoi qu'il en soit, cette année va être particulière avec les changements dans les méthodes de qualification pour les Worlds (qui auront lieu à Hawaï). Tout va changer, et je ferai tout pour rester le meilleur de l'Hexagone, et un danger au-delà.

Winston Churchill disait : « Il n'y a qu'une réponse à la défaite, c'est la victoire. ». Vous connaissez mon état d'esprit pour cette nouvelle saison.

Merci d'avoir tout lu.

By Drich

Par Loris