Nemu'Run : Chapitre 1
Nemuru
Bourg-en-vol
Le professeur Seko me toise derrière ses lunettes en rectangle. Sur son bureau traîne la lettre de Beladonis. L’homme l’attrape et la relit pour la septième fois en dix longues et silencieuses minutes. Il fait chaud dans ce laboratoire. Le climat tropical d’Hoenn me change de Sinnoh. Dans un coin de la grande pièce, un ventilateur bourdonne. À côté, sur une étagère, trônent trois Pokéballs. Je réfrène l’envie de me jeter sur ces dernières, libérer un Pokémon et m’échapper de ce traquenard. Mais ce n’est pas possible. D’une parce que je suis menotté, de deux parce que cet enfoiré de Beladonis peut tracer mes moindres faits et gestes avec la puce qu’il m’a foutu sous la peau, et de trois parce que je suis surveillé par une gamine qui a la chance, elle, d’avoir une Pokéball à la ceinture.
- Mercure, c’est ça ? Lance finalement le prof.
- Je m'appelle Apollo.
- La lettre de la police m’apprend que tu es à Hoenn pour une mission d’infiltration. Ton objectif est de détruire deux organisations criminelles qui sévissent dans la région. J’apprends aussi que tu as un passif tumultueux.
Le silence de ma réponse est perturbé par le ventilateur. Seko prend ça pour un oui.
- Ce ne sera pas une mince affaire. Je n’ai pas eu vent de ces «Team Magma» et «Team Aqua», mais je ne suis qu’un homme de science dans un village isolé. Tu es un dresseur aguerri, tu ne devrais pas avoir trop de problèmes à remplir cette mission de… Rédemption.
Je grince des dents, mais Seko ne me regarde déjà plus. Il se lève et va chercher une Pokéball sur l’étagère, qu’il me tend. Je lève mes menottes et lui agite sous le nez.
- Ah! Oui. Flora ? fait-il en s’adressant à la jeune fille; débarrasse le monsieur.
La gamine saisit sa Pokéball et la jette au sol. Un Pokémon verdâtre en sort. Il me jette un regard moqueur.
- Arcko ! Écras’ Face !
L’Arcko donne un coup dans mes menottes qui tombent sur les dalles du labo dans un cliquetis métallique.
- Je… Merci.
Si j’avais su que c’était aussi facile de retirer ces machins, j’aurais pris la poudre d’escampette depuis un moment. Comme s’il avait lu mes pensées, Seko me lance:
- Flora te surveillera pendant ta mission. Au moindre écart de ta part, elle a plein pouvoir pour t’arrêter. En attendant, voici un Gobou. Puisse-il t’être un compagnon précieux.
Je me saisis de la Pokéball et appuie sur le bouton central. Le Gobou sort de sa prison sphérique et me lance un grand sourire en poussant un petit cri. Je lui rends son sourire par une grimace. Quelle horreur… Plus de Trioxhydre, plus de Léviator. À la place, j’hérite de… ça ? Un truc bleu, visqueux et dégueulasse ?
- Prof… Je ne pourrais pas avoir autre chose que ce truc ? Je ne le sens pas. Il a la même tronche qu’un vieux mec de la Galaxie que je détestais. Walter le bossu qu’on l’appelait.
- Non, désolé. J’ai déjà l’impression qu’il s’est attaché à toi. File, maintenant. J’ai autre chose à faire de mes journées qu’écouter les salamalecs d’un ex-criminel en mission.
Le soleil tape en cette fin de matinée à Bourg-en-Vol. Je me retrouve à la porte du laboratoire de Seko, sans trop savoir où j’en suis. À mes côtés, le Gobou, extatique, découvre la lumière du jour.
- Ça suffit. Reviens dans ta Pokéball, fais-je en rappelant le Pokémon.
Je fixe la sphère rouge et blanche avec dégoût.
- Je vais t’appeler Walter.
- Ah, toujours là ? Me questionne une voix fluette.
Je me retourne. Derrière moi, Flora me tend un vieux sac à dos élimé.
- Ton nécessaire de voyage. Tu l’avais oublié dans le labo. J’ai également rajouté un Pokédex et quelques Pokéballs.
J’attrape mes affaires sans un mot et vérifie qu’elle ne m’a rien piqué. Effectivement. Quelques vêtements, une potion, cinq Pokéballs et un Pokédex trainent en pagaille au fond de mon sac. La sortie de Bourg-en-Vol me tend les bras. J’entame ma route.
- Tu pourrais dire merci, le vieux !
- Ferme-la gamine, dis-je sans m’arrêter. C’est déjà assez agaçant de devoir te savoir sur mon dos sans que tu en rajoutes.
J’arrive à la sortie du bourg. Flora trottine derrière moi puis, voyant que je ne m’arrête pas, me coupe la route.
- Hé! Je ne suis pas une "gamine". Je suis assez forte pour te botter les fesses si tu décides de me fausser compagnie. Je regarde la télé tu sais, et je n’ai rien manqué de ton arrestation. Tu n’as plus tes Pokémon maintenant.
- Non. Effectivement. Mais je sais assez bien me débrouiller pour te coller une raclée.
J’empoigne la Pokéball de Walter. Je ne sais pas ce que vaut mon nouveau compagnon au combat, mais il ne devrait faire qu’une bouchée de son Arcko ridicule. De son côté, la gamine libère son Pokémon.
- Walter, débarrasse-moi de ces merdeux.
Le Gobou semble adorer la lumière du jour et adresse un grand sourire au soleil. Mais quand il baisse la tête, c’est pour voir que son adversaire charge sur lui pour lui asséner son fameux écras’face. Walter se prend la gifle de plein fouet, mais j’ai l’impression que les dégâts sont mineurs.
- Charge ! Qu’on en finisse !
- Écras’ Face, Arcko !
Le combat se mue en épreuve d’endurance. C’est au premier des deux assaillants qui tombera à terre. Je regarde mon Pokémon se battre sans éprouver une once de compassion. Si j’avais eu mes anciens compagnons, l’affaire aurait été réglée en deux coups de cuillère à pot. Mais je n’ai plus mes anciens compagnons.
Finalement, Walter remporte le combat face à Arcko. Dépitée, Flora rappelle son Pokémon en me jetant un regard noir avant de disparaître dans une bicoque du bourg, les larmes aux yeux. Si c'est comme ça qu'elle espère m'arrêter, je n'ai rien à craindre. Walter me sourit, attendant peut-être une récompense.
- Mec, tu crois vraiment que je vais te féliciter pour avoir collé deux baffes à un lézard anorexique ? Rentre dans ta ball, on dégage de ce trou.
Priorité numéro 1 : trouver d’autres Pokémon. Je ne sais pas grand-chose de ces teams, mais je sais que je ne pourrai rien infiltrer si je n’ai pas d’équipe digne de ce nom. J’espère que la faune d’Hoenn saura me satisfaire.
Route 101
Ma première capture est, selon mon Pokédex, un Medhyèna. Le Pokémon a l’air faible, mais quand je m’approche de lui pour le soigner, je manque de me faire mordre. Fichtre. J’ai trouvé un Pokémon qui partage mon ravissement à l’idée de voyager ensemble. Le Pokédex m’indique que c’est une femelle. Ce sera Carol.
Carol et Walter ne s’entendent pas très bien. Leurs caractères semblent incompatibles. Mais j’ai bien l’impression que le caractère de Carol est incompatible avec tout le monde. J’emmène mes deux nouveaux compagnons de voyage sur la route 103, remplie de Medhyèna. Carol ne fait qu’une bouchée de ses ex-congénères et je dois la rappeler plusieurs fois pour qu’elle en laisse un peu à Walter. Un bienheureux et une psychopathe. Top duo.
Le troisième larron à rejoindre l’équipe est un Zigzaton. Une sorte de Keunotor d’Hoenn, en plus laid et tout aussi inutile. Je faillis trébucher dessus à l’entrée de la route 102. La bestiole, on ne peut plus flegmatique, se laisse gentiment enfermer dans sa Pokéball. Mon premier réflexe est de nommer ce truc Brat. Mais dans un élan de bonté, je change une lettre de place. Ce sera Bart. Carol accueille le nouveau venu en montrant les crocs et Walter n’en a strictement rien à foutre. Bart, placide semble résigné à son nouveau sort. Je lui fais combattre les quelques gamins qui osent me défier, mais je n’ai pas l’impression que j’en tirerai grand-chose.
Route 102
La nuit tombe sur la route 102. Je m’organise un bivouac à l’abri d’un arbre. Walter, Carol et Bart se battent dans un coin pour les quelques baies oran que j’ai bien voulu leur donner. J’aurai dû acheter un truc à bouffer quand j’étais à Rosyères. Tant pis. Je grignote une baie sans conviction tout en regardant la fine équipe qui m’accompagne. Bon… On est loin des tueurs qui me défendaient corps et âme du temps de la Team Galaxie. Comment vais-je arriver à mener à bien la mission que Belladonis m’a confiée ? Il me faut un peu plus d’argent. Et plus de Pokémon. Des forts. Quand j’étais à Voilaroc, je croisais de nombreux dresseurs en herbe qui venaient défiler à l’arène locale pour défier la championne, la plus forte dresseuse à la ronde. Combattre les élites du coin pourrait être un bon entraînement pour mes trois bons à rien… Qui sait, peut-être que j’arriverais à glaner des informations sur les fameuses Team Aqua et Team Magma dont on me rabat les oreilles depuis que je suis là.
Au loin, un Medhyèna pousse un cri. Je rabats la capuche de mon blouson sur ma tête.
On m’épie.
Flora ? Encore ? Elle commence à me gonfler, cette gamine.
- Montrez-vous, ou je lâche mon Gobou.
Walter, la bouche pleine de baies, me jette un regard où se mêlent incompréhension et insouciance. J’esquisse un sourire de contrition. Quelle menace !
- Non ! Je… S’il vous plaît… Je ne voulais pas… Excusez-moi…
Un enfant sort des buissons. Sa carrure rachitique, sa posture courbée et son teint pâle me font penser que ce petit n’est pas au meilleur de sa forme. Il porte une Pokéball à sa ceinture. Il a l’air épuisé.
- Je… J’étais parti capturer mon premier Pokémon cet après-midi. J’ai réussi à en avoir un, mais je me suis fait surprendre par la nuit et me suis perdu. Mon oncle doit m’attendre à Clémenti-ville…
Je le dévisage pendant cinq bonnes minutes. Le vent agite les branches et souffle sur les braises en fin de vie de mon feu maigrichon. Il n’a pas l’air dangereux. Un petit paumé, comme moi.
- Assied-toi gamin. Mais je n’ai plus rien à t’offrir à manger. Demain, on ira ensemble à Clémenti-ville. C’est sur mon chemin.
- Oh ! Ce n’est pas g-grave! Merci beaucoup monsieur. Monsieur…?
- Appelle-moi Apollo. Et toi ?
- T-Timmy.
Carol renifle le nouveau venu avec dédain. Les deux autres n’en ont strictement rien à faire. Une météorite pourrait s’être écrasée à quelques centimètres de notre bivouac qu’ils n’auraient pas plus bronché. Walter émet un rot bruyant, vite suivi par les ronflements de Bart. Je fais rentrer tout le monde dans ses balls. Un rapide coup d’œil à Timmy m’indique que lui aussi s’est endormi, roulé en boule dans un coin, en serrant sa Pokéball contre sa poitrine. Je jette un peu de terre dans le feu et me pose contre un arbre. Le ciel étoilé d’Hoenn est magnifique.
Nous arrivons à Clémenti-ville en milieu de matinée. Timmy n’est pas ce que je pourrais appeler un compagnon de route fatigant. Il n’a ouvert la bouche que deux fois au cours du voyage. Pour tousser. Ne répondant à mes questions que par des hochements de tête. Tout ce que je sais, c’est qu’il n’a jamais entendu parler de ces fameuses Team Aqua et Magma. Ah, et que l’arène de Clémenti-ville est fermée. C’est bien ma veine.
Je laisse Timmy rejoindre sa famille et vais faire le plein de Pokéballs et de potions au premier magasin venu. Clémenti-ville est une petite bourgade forestière coincée entre un bois et une côte littorale. Effectivement, l'arène est close. J’apprends que, par-delà le bois, au Nord, se trouve la grande Mérouville, où Roxanne, la championne des lieux, dirige d’une main de fer une bande de gamins apprentis dresseurs. Excellent. Ce sera l’occasion de m’entraîner.
La route 104 me tend les bras. Devant moi, la mer. L’air salin de la côte vient me fouetter le visage. Un groupe de Goélise me survole en piaillant. Je croise quelques nabots que je rackette pour récupérer quelques thunes et je rencontre le quatrième membre de mon équipe. Il s’agit d’un Chenipotte. Une Chenipotte. Bart lui colle deux baffes du bout des pattes et la pauvre petite créature se laisse enfermer dans sa Pokéball. Elle n’a pas l’air farouche. J’espère qu’elle montrera un peu plus de tempérament que mon Zigzaton. Je l’appelle Gisele.
Le Bois Clémenti regorge de Pokémon du même type que Gisele: moches, rampants et faiblards. Je le vois aux scouts qui me défient, assurés que leur armée de Chenipotte leur assurera la victoire. Mais ma première capture est une boule de pics qui me tombe dessus par inadvertance. Après plusieurs tentatives pour faire entrer cette bogue dans une Pokéball, j’hérite d’un "magnifique" Blindalys. Aussi modeste que sa cousine attrapée plus tôt, je le nomme Pic. Parce que j'ai la flemme d’être original face à ce poids mort qui ne sait que se protéger.
Comble de la chance, Gisele choisit d’évoluer après un âpre combat disputé contre un Medhyèna sauvage. Je me retrouve avec une Armulys sur les bras. Je n’ai plus de potion.
Bois Clémenti
Ce fichu bois est labyrinthique. Je suis complètement paumé. Gisele n’a plus beaucoup de forces. Impossible de compter sur Pic. Seuls Walter et Carol sont encore en forme. Mais pour combien de temps ? J’accélère le pas…
…et bouscule un homme habillé de bleu en bermuda.
- Hey! ‘peux pas faire attention ?
Le mec en bermuda est en train d’agresser un autre type, rondouillard, avec un Medhyèna. J’analyse la situation. La santé de mes Pokémon m’incite à dire que ce ne sont pas mes oignons. Comme s’il avait deviné mes pensées, le rondouillard me lance un regard paniqué.
- Hé, dresseur! Tu ne vas pas me laisser en plan, hein ? Je te donnerai quelque chose de bien si tu bats ce vaurien!
Dans ce cas... Walter. C’est le plus puissant de mon équipe. Il ne va faire qu’une bouchée de ce Medhyèna à coup de Pistolet à O dans sa tronche.
Mon Gobou ne fait effectivement qu’une bouchée de ce Medhyèna. Son adversaire noyé, il contemple le mec en bermuda d’un air satisfait. Ce dernier a un mouvement de recul.
- T-t’es qui toi ? Je te promets qu’on se reverra !
Il décampe dans les fourrés. Bizarre. Son costume était vraiment ridicule. Et racketter des gens avec des Pokémon aussi faibles… Quel tocard.
L’agressé me tend une Super Ball avec reconnaissance. Mouais.
- Merci beaucoup! Je bosse à Mérouville et ce type a voulu que je lui donne l’objet de mes recherches sous prétexte qu’il appartenait à la Team Aqua ou je ne sais quoi…
- La Team Aqua ?
- Eh bien, c’est comme ça qu’il s’est présenté. Je ne connais pas trop ce nom, mais j’ai l’impression qu’il appartenait à une sorte de gang.
- Et c’est maintenant que vous me dites ça ?
J'empoigne le col de ce demeuré. Si je l'avais su plus tôt... Et l’autre lâche qui s’est enfui !
- Où est-il allé ?
- Je pense qu’il a dû se réfugier à Mérouville, mais…
- Conduisez-moi à Mérouville !
Avec un peu de chance, je lui remettrai la main dessus, il me donnera les informations que je souhaite, et cette mission sera bouclée en un rien de temps.
Mon nouveau compagnon de route est bien plus bavard que Timmy. J’apprends qu’il travaille pour Devon, une société qui touche un peu à tout dans le domaine des nouvelles technologies. J’apprends aussi qu’il allait se faire dérober des documents importants si je ne lui avais pas porté secours. La perspective d’avoir trouvé un protecteur semble lui avoir fait perdre toute notion de prudence. Après tout, moi aussi je suis loin d'être un honnête homme. Et si je lui volais ses documents ? Mais… À quoi bon ? Je n’ai aucun réseau à Hoenn. Et commettre un méfait deux jours après mon arrivée ne serait pas du meilleur effet.
Mérouville
Nous parvenons assez vite à sortir du bois Clémenti. La deuxième partie de la route 104 est une promenade de santé. J’en profite pour ratatiner les quelques dresseurs qui osent me défier. Gisele apprécie ce petit entraînement et évolue une nouvelle fois dans la même journée. Fichtre. Effacée, la petite boule piquante inutile (quoique moins inutile que son cousin Pic). Je possède désormais une magnifique Charmillon. Walter, ébahi par cette démonstration de grâce, pousse des petits cris d’admiration à l’égard de Gisèle, qui, fait étrange pour un Pokémon, semble rougir, gênée.
Nous arrivons à Mérouville en fin d’après-midi. Mon rescapé me serre chaleureusement la main avant de prendre congé. Quant à moi, me voilà guère plus avancé que ce matin. Où est le type en bermuda ? Qui pourrait m’aider, dans cette fichue ville ? L’agglomération n’a rien à voir avec Clémenti-ville. Ici, ça grouille de vie. Je me dirige vers le centre Pokémon le plus proche. Une journée de combat a épuisé ma pauvre équipe et je suis tout aussi fourbu qu’eux.
En chemin, je me fais bousculer par une horde de gamins en culotte courte qui sortent de l’école de dresseurs voisine.
- Et surtout, révisez bien votre table des types !
- Oui Roxanne !
Une jeune fille se tient dans l’embrasure de la porte de l’école. Elle a trois Pokéballs à sa ceinture. Roxanne… La fameuse championne de Mérouville ? Peut-être qu’elle pourra me renseigner sur ce qui se trame dans sa juridiction. Et dans tous les cas, écraser la championne du coin fera un bon entraînement pour Gisele, Carol ou même Walter. Roxanne semble capter mon regard insistant. Elle part à ma rencontre en refermant la porte derrière elle.
- Dresseur, hein ? Tu n’as pas l’air d’avoir besoin de mes cours.
- Oh, je peux malgré tout vous trouver une utilité…
Cette dernière phrase, dite avec un parfait sourire de psychopathe, me fait brutalement me souvenir que je ne suis pas à l’aise avec les femmes. Pas du tout. Mais Roxanne ne relève pas.
- C’est un défi ? L’arène sera ouverte dans une heure. Je t’y attendrai.
Elle tourne les talons et disparaît dans une ruelle.
Parfait. Une heure devant moi pour explorer les environs. Mérouville est bordée par des petits sentiers au Nord et à l’Est sur lesquels je m’empresse d’aller corriger des gamins qui jouent à combattre après l’école. Je décide d’entraîner Pic, histoire de voir si ce machin a vraiment du potentiel. Mais c’est laborieux. Dans l’exercice, je tombe sur un Ningale. Ou plutôt, un Ningale me tombe dessus. Gisele le gère sans aucun souci et Hans, le Ningale, rejoint l’équipe. Me voilà déjà un peu mieux entouré qu’à mon départ du laboratoire. L’entraînement porte d’ailleurs ses fruits pour Pic puisqu’il me gratifie, en ce début de soirée, d’une magnifique évolution. Je possède désormais un Papinox qui apprend dans la foulée à utiliser des pouvoirs psychiques. Joie. Je ne sais pas quel niveau a Roxanne, mais j’imagine que comparée aux gamins que je rencontre sur cette route 116, ce sera une autre paire de manches. Je regarde l’heure: encore un peu de temps avant l’ouverture de l’arène. Entraînement général pour toute l’équipe. Walter, Carol, Gisele, Pic, Bart et Hans, tout le monde y met du sien. Je rackette sans problème des montagnards trop lourdauds pour éviter à leur Racaillou une douche de la part de Walter. Gisele fait des miracles avec son attaque Vol-vie. Bart profite des combats pour récupérer des objets utiles comme des potions, ou des Pokéballs.
Et puis Hans meurt.
Un Chuchmur. Un bête Chuchmur, que je pensais pouvoir terminer tranquillement après l’avoir affaibli avec Pic. J’envoie mon Ningale avec confiance, persuadé qu’en un Vol-vie, l’affaire sera réglée. Mais non. La bestiole réplique en face par une attaque sonore qui touche gravement mon pauvre Pokémon insecte. Je me bouche les oreilles par réflexe, mais Hans reçoit l’onde de plein fouet. Je regarde, impuissant, mon Ningale s’effondrer. Je grince des dents en envoyant Pic terminer proprement le travail. Bah, ce n’est rien. Il me reste cinq Pokémon. Et je n’avais pas eu le temps de m’attacher à ce Ningale. Ce ne sera pas une grosse perte.
Et puis Bart meurt.
Un Skitty cette fois. Qui avait bien affaibli mon Zigzaton, et qui a profité d’une baisse d’attention pour placer une attaque critique sur Bart. Ce Skitty n’était pas le premier que je rencontrais sur la route 116, et je pensais avoir fait le tour de leurs petites attaques ridicules. Apparemment pas. Et quand j’entends un craquement pendant l’attaque, je pense avoir marché sur une branche, pas assisté à la rupture du cou de Bart.
Pic venge deux de ses camarades ce soir. Quant à moi, j’arrête de jouer avec le feu et bats en retraite à Mérouville. Deux Pokémon tombés au combat, c’est beaucoup trop pour une soirée. Ai-je perdu mes compétences de dresseur Pokémon dont j’étais si fier ? Suis-je devenu un moins que rien incapable de savoir quand rappeler un Pokémon affaibli ? Mon équipe se retrouve amputée du tiers. Je n’ose même pas sortir Walter ou Carol de leurs Pokéballs par crainte du regard qu’ils vont me lancer.
Oh, et puis quoi ? Ce ne sont que des Pokémon de rien du tout que j’ai rencontré il y a à peine deux jours. Ce sont des outils pour mener à bien ma mission. Rien de plus. Et je ne pourrai réussir cette mission qu’en rendant ces outils plus performants. D’ailleurs, il est l’heure d’aller affronter Roxanne.
Centre Pokémon ? Check. Potions ? Check. Je passe la porte de l’arène avec confiance.
Gisele réduit à néant les espoirs des Racaillou de l’arène de réussir à la faire tomber. Les Vol-vie consécutifs sont autant de mise à mort propres et nettes. Gisele est instoppable. Nous voilà devant Roxanne.
- Bien joué, challenger. Tu n’as pas de badge de la ligue d’Hoenn, c’est ça ? Dans ce cas, j’utiliserai mes Pokémon les plus faibles.
- Ne retenez pas vos coups. Je suis là pour vous battre et je ne ressortirai pas d’ici sans un badge et les informations que je cherche.
Roxanne attrape une Pokéball à sa ceinture et envoie face à moi un Racaillou. Encore.
- Alors c’est parti.
Gisele se frotte les antennes avec toute l’assurance que ce combat sera une formalité.
- Gisele ! Vol-vie !
L’attaque touche de plein fouet le Racaillou qui pousse un cri de douleur. Propre et net, comme prév…
- Tomberoche.
D’énormes rochers tombent du plafond et ensevelissent Gisele en un instant. Le Racaillou n’avait pas été mis hors combat. Il lui restait encore un peu d’énergie. Suffisamment pour écraser Gisele.
- NON !!! Pas ça ! Gisele !
- Erreur de débutant. Les insectes ne font pas le poids face à la force de la roche.
- LA FERME! Et la roche face à l’eau, tu en dis quoi ?
Walter sort de sa Pokéball avec l’envie d’en découdre. L’énergie du Racaillou tueur est vite emportée dans le torrent que mon Gobou lui vomit dessus. Et d’un. Roxanne envoie son deuxième Racaillou au combat dans un sourire las. Et de deux. Puis, c’est un Tarinor que la Championne envoie face à Walter.
- On continue ! Pistolet à O !
Les dégâts semblent moins affecter le Tarinor que les Racaillou. Mais d’un autre côté, les ridicules dégâts de son attaque Tomberoche ne suffisent pas à lui assurer la victoire. Bientôt, le Tarinor se noie dans les attaques répétées de Walter. La créature de roche tremble un instant avant de s’effondrer de tout son poids sur le sol froid de l’arène.
- Bravo, challenger. Ce combat fut une leçon pour toi comme pour moi. En vertu des règles de la ligue d’Hoenn, je te remets ce badge.
Elle me lance le morceau de métal qui vient tomber au milieu des gravats qui ont enseveli Gisele. Je le ramasse sans même y faire attention. Walter me regarde avec insistance. Il sait qu’il vient de perdre un troisième compagnon. Que son dresseur n’est peut-être pas si puissant que ça.
- Tu avais des questions, je crois ? Garde-les sous le coude pour demain. Il se fait tard. J’ai l’arène à fermer. Tu peux partir.
Sans un mot, je salue mon adversaire et me traîne jusqu’à la sortie. Les dresseurs sur place ont essayé de dégager le corps de mon Charmillon, sans succès. Je regagne le Centre Pokémon de Mérouville. Ils ont des lits de camp pour les dresseurs en vadrouille. Dans ma main, les trois Pokéballs de mes trois Pokémon. Plus que trois. Et tellement à faire encore…
La nuit est tombée. Noire. Et menaçante. Je presse le pas.